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Repenser la grille de lecture du cancer : entretien avec le chercheur Laurent Schwartz

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  • Repenser la grille de lecture du cancer : entretien avec le chercheur Laurent Schwartz

    Cancérologue et chercheur à Polytechnique, Laurent Schwartz est l’auteur de " Cancer : guérir tous les malades. Enfin ? " (Éditions Hugo & Cie). Propos recueillis par Manon Dampierre

    En quoi consiste l’approche métabolique que vous défendez ?

    Laurent Schwartz : Dans les années 1930, une équipe de prix Nobel allemands, dont Otto Warburg, a établi que le cancer était un mode de fermentation : les cellules captent du glucose en grande quantité qu’elles ne parviennent pas à brûler. Donc, elles grossissent et essaiment, pour des raisons purement mécaniques. Considérer le cancer comme une maladie métabolique proche du diabète ouvre le champ des possibles : celui d'une prise en charge rapide des malades à partir de thérapies simples et bon marché, basées sur une combinaison de molécules déjà présentes dans notre pharmacopée. J’ai commencé à publier des articles scientifiques autour de cette hypothèse dès les années 2000. Aujourd’hui, je propose un traitement gratuit à une centaine de patients diagnostiqués comme incurables. Nos résultats cliniques combinés à ceux d’autres équipes suggèrent une forme d’efficacité, marquée par un ralentissement de la progression de la maladie. Mais nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements.

    La recherche a-t-elle fait fausse route en misant sur la génétique ?

    Aujourd’hui, nous continuons à traiter le cancer sur la base d’une idéologie guerrière écrite dans les années 1910-1920, opposant les bons (notre système immunitaire) et les mauvais (les cellules cancéreuses). L’objectif : éradiquer l’ennemi par des frappes chirurgicales et l’usage d’armes chimiques (chimiothérapie) ou nucléaires (radiothérapie). Des projets "Manhattan" [NDLR : du nom du programme américain qui donna naissance à la bombe atomique], coûteux, se sont multipliés sans entraîner de révolutions. Depuis quarante ans, la recherche en cancérologie s’est orientée vers la génétique pour comprendre pourquoi les cellules devenaient "méchantes" et comment les tuer grâce à des thérapies ciblées, moins toxiques que la chimiothérapie. Or, le nombre de morts du cancer par tranche d’âge pour 100 000 habitants n’a que peu diminué depuis soixante ans. Alors que les progrès de la médecine ont permis de vider les sanatoriums, les résultats des traitements contre le cancer restent limités. Face à ce piétinement, deux possibilités : continuer à étudier les anomalies du génome ou repenser et par là simplifier la grille de lecture du cancer.

    Selon moi, la recherche s’est focalisée sur le détail alors que la maladie recèle un dysfonctionnement plus simple : un problème de digestion du sucre. Je suis persuadé que nous avons plus à gagner en nous concentrant sur ce qui est invariant entre les cancers plutôt que sur ce qui les différencie. Le monde de la cancérologie est traversé par des conflits idéologiques et des phénomènes de mode qui ont mis la génétique au premier plan. Mais aujourd’hui, l’étude du métabolisme est en train de devenir l’idéologie dominante.



    Gardez-vous espoir d’éradiquer ce fléau ?

    La société s’est progressivement habituée aux nombreux morts causés par le cancer et aux souffrances, physiques et psychologiques, qui l’accompagnent. À l’inverse de maladies plus récentes comme le sida ou Ebola, il existe une forme de résignation, qui s’explique par le fait que l’épidémie progresse implacablement mais lentement. Il faut arrêter de considérer le cancer comme une fatalité, une maladie mystérieuse et incompréhensible. Dans le domaine de la recherche, les choses peuvent évoluer rapidement. Tout est une question de volonté et d’absence de peur. Aujourd’hui, l’approche métabolique commence à gagner les cercles scientifiques. Le temps du cancéreux n’est pas celui de la recherche institutionnelle : de leur côté, les patients déploient une énergie impressionnante et se mobilisent pour tester de nouveaux traitements. Ceci est possible car de nombreux médicaments sont déjà prescrits dans d’autres indications comme le diabète. Les vraies révolutions surviennent quand on ne les attend pas.


    -------------------

    Le Dr Laurent Schwartz pense que le cancer est une maladie du métabolisme des cellules et propose d’explorer d’autres traitements.
    Et si le cancer était une maladie plus simple qu’il n’y paraît ? C’est la question que pose le cancérologue Laurent Schwartz dans son livre Cancer, guérir tous les malades, paru début 20131. « On se trompe de cible. Environ 100 milliards de dollars ont été investis dans la recherche sur le cancer, mais les grandes avancées thérapeutiques restent limitées, et, avec elles, l’impact des traitements sur la survie des patients, affirme-t-il. Depuis trente ans, le nom*bre de morts par tranche d’âge pour 100 000 habitants n’a quasiment pas bougé dans les pays développés, sauf pour la leucémie, où grâce au Glivec, les décès ont chuté de moitié. »

    L’homme n’est pas un hurluberlu. Formé à la Harvard Medical School, l’une des plus prestigieuses facultés de médecine américaines, il avait « tout bon pour plaire à maman », ironise-t-il, sauf qu’il croyait « qu’on allait guérir tout le monde, mais les malades continuent de mourir, et à un moment, ça devient insupportable. Le problème est que la médecine aime les dogmes et, comme la religion, elle peine à les remettre en cause ».

    Or, en cancérologie, on considère qu’il n’y a pas « un » cancer, mais des cancers spécifiques causés par des anomalies du génome, auxquelles il faut répondre par des traitements de plus en plus ciblés, toujours plus chers. Sa théorie va à contre-courant : « Il faut considérer ce que les cancers ont en commun et non pas en quoi ils diffèrent. La maladie commence toujours par une inflammation due à l’incapacité pour une cellule tumorale de digérer le sucre qu’elle a capté en excès. Du coup, elle grossit et, sous l’effet de la fermentation du sucre qui y reste bloqué, se divise et laisse échapper des métastases. Une cellule, soit elle synthétise, soit elle brûle. Dans le cancer, elle fait un peu les deux à la fois. Voilà pourquoi c’est probablement une maladie métabolique, aussi simple que le diabète, due à un dysfonctionnement de la digestion cellulaire. » Le chercheur n’est pas le premier à formuler cette hypothèse. Dès 1920, Otto Warburg, un des plus grands biochimistes allemands, Prix Nobel de médecine en 1931, l’avait également émise.

    Traitements simples et pas chers

    Parce qu’il estime qu’en médecine « les vraies promesses sont dans la compréhension globale du système, non dans l’éclatement en points de détail », Laurent Schwartz s’est entouré de physiciens, de biologistes, de mathématiciens... Des équipes du Chu de Caen, de l’Inserm, du Cnrs lui prêtent main-forte. Pour explorer sa théorie, ils ont injecté des cellules cancéreuses à des souris et mesuré la vitesse à laquelle elles grossissaient. Puis, ils ont listé une centaine de médicaments existants qui ralentissent la croissance des cellules malades. « On a fait une combinaison de plusieurs médicaments qu’on a donnés à des souris atteintes de cancers divers, et ça a marché ; des souris ont guéri, d’autres ont survécu longtemps alors qu’elles auraient dû mourir rapidement. Nos résultats ont été confirmés par un groupe de Harvard et ont été publiés. »

    Mais le chercheur le sait bien : ce qui est efficace sur la souris ne l’est pas forcément sur l’homme. Aujourd’hui, il se bat pour que des essais avec les molécules qu’il a utilisées soient réalisés chez les patients dans des centres de cancérologie. « Les traitements actuels ne sont pas mauvais, mais ils n’agissent que sur une partie du problème, celui que nous proposons pourrait être complémentaire car il agit sur plusieurs voies. » Mais il peine à se faire entendre : « On est dans l’impasse, car le discours dominant est que le cancer est une maladie complexe et qu’il faut développer des médicaments compliqués, toxi*ques et lourds. Les nôtres existent déjà et ne sont pas chers, donc n’intéressent pas l’industrie pharmaceutique. »

    Ce lanceur d’alerte n’en est pas à son premier pavé dans la mare : un précédent livre remettant en cause les traitements classiques du cancer lui avait valu d’être « placardisé » dans l’hôpital parisien où il travaillait alors. « Les résistants sont exclus de la respectabilité médicale », écrit-il dans son livre. Mais Laurent Schwartz – qui en appelle à un contre-pouvoir des malades – ne perd pas espoir : « On avance en bidouillant, c’est contraire à la façon traditionnelle de raisonner, ce n’est pas pour autant faux ou inutile. »

    Dernière modification par nacer-eddine06, 23 janvier 2016, 21h10.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Depuis trente ans, le nom*bre de morts par tranche d’âge pour 100 000 habitants n’a quasiment pas bougé dans les pays développés, sauf pour la leucémie, où grâce au Glivec, les décès ont chuté de moitié. »
    J'ai regardé une partie de la vidéo, les premieres minutes sont trés interessantes, il révèle que l'analyse des donnés de 600 millions de certificats de déces depuis 1960 des pays développés ... en comparant le comparable, les données ne montre aucun changement dans le taux de décés des cancereux.

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