L’ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour nous livre son analyse sur les situations politique et économique et aborde avec un regard d’expert les difficultés qui se posent au pays, notamment sur le registre de l’économie. Selon lui, «l’Algérie ne pourra pas s’endetter» tant qu’il s’agit de financer les importations.
Elwatan - Le projet de révision de la Constitution est rendu public, validé par un Conseil ministériel restreint, puis entériné par un conseil des ministres. Que pensez-vous d’abord de son contenu, puis de son opportunité car il arrive très en retard par rapport aux promesses de réformes politiques faites en 2011 ?
Benbitour - Le projet de révision proposé est défaillant dans le contenu et dans le mode d’approbation.En ce qui concerne le mode d’approbation, l’expérience de la révision de la Constitution de 2008 est édifiante à ce sujet. Le président de la République est arrivé au pouvoir à la suite d’un appel, en 1998, à une élection présidentielle anticipée.
Le chef de l’Etat en exercice à l’époque avait défini un objectif clair : «l’ancrage de l’alternance au pouvoir», dans le cadre de la Constitution en vigueur qui limitait le renouvellement d’un premier mandat à un deuxième uniquement.
Par conséquent, sur le plan de l’honneur et le respect des principes cardinaux auxquels doit obéir un chef d’Etat, il ne lui était pas donné d’initier la révision de la Constitution sur le point essentiel de l’ancrage de l’alternance au pouvoir en supprimant la limitation des mandats présidentiels. Sur le plan du respect des règles constitutionnelles, la révision de la Constitution en 2008 était anticonstitutionnelle.
En effet, l’article 174 de la Constitution en vigueur en 2008 stipule que «la révision constitutionnelle est décidée à l’initiative du président de la République. Elle est votée en termes identiques par l’Assemblée populaire nationale (APN) et le Conseil de la Nation… Elle est soumise par référendum à l’approbation du peuple…».
Il est vrai que l’article 176 offre une mesure dérogatoire au passage au référendum. Mais cette dérogation obéit à des règles bien définies dans le même article. Pour que cette mesure soit applicable, il faudrait que la révision … «n’affecte d’aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions»...
Or, la révision a touché de façon significative les équilibres des pouvoirs et des institutions, puisqu’entre autres elle supprime la limitation à deux mandats et elle affecte significativement les pouvoirs du chef du gouvernement qui devient Premier ministre. Malheureusement, les institutions supposées protéger la Constitution, en particulier le Conseil constitutionnel, ont failli à leur devoir. De plus, les deux chambres réunies ont accepté l’humiliation de voter la révision de la Constitution à main levée, sans débats et même sans la possibilité de poser un point d’ordre.
En ce qui concerne le contenu, la révision de 2016 contient des confusions entre ce qui relève de la Constitution, de la loi de règlement, de la loi et du règlement. L’application de la Constitution révisée va poser de gros problèmes juridiques.Sur le plan politique, la Constitution doit refléter un projet de société, elle doit par conséquent être l’émanation de la base et non du sommet de l’Etat.
Elwatan - De larges pans de l’opposition critiquent la révision constitutionnelle, la loi de finances 2016 et convergent sur le diagnostic de la situation du pays, mais ont du mal à se faire entendre et à solidariser leurs efforts pour imposer une solution de sortie de crise. Pourquoi ?
Benbitour - Par opposition, il faut entendre un groupe de gens dans une société qui sont puissants et qui ont beaucoup d’influence parce qu’ils possèdent les moyens et le savoir-faire. Donc, lorsque nous parlons d’opposition, nous parlons de groupes de gens, pas d’individus dispersés ; de société, pas d’un désert ; de puissance et d’influence, pas de gens marginalisés ; de capacité et de savoir, pas d’individus dépourvus de moyens intellectuels et matériels. Cette définition permet de tracer clairement la feuille de route de départ pour constituer une opposition, qui pourrait contribuer à la résolution de la crise :
(I)- se réunir en groupes et penser institutions pour créer des alliances stratégiques ;
(II)- mener un travail d’éducation citoyenne pour disposer d’une société à l’écoute et non de «prêcher dans un désert» ;
(III)- construire des capacités de puissance et d’influence par une image d’intégrité sans faille et la démonstration convaincante ;
(IV)- réunir les moyens intellectuels et matériels pour soutenir la mobilisation nécessaire à la résolution de la crise.
La loi de finances 2016 est basée sur un prix de référence du baril de pétrole à 37 dollars, or le cours actuel de l’or noir a chuté sous la barre des 30 dollars... Pensez-vous que le gouvernement a fait de fausses prévisions et qu’il sera appelé à revoir ses calculs ?
Même lorsque les prix du pétrole dépassaient largement les 100 dollars, les lois de finances étaient votées sur le prix de référence de 37 dollars.
La prévision n’a pas été de rigueur dans les préparations des budgets de l’Etat depuis plus d’une décennie. Il y va de la responsabilité du gouvernement, mais aussi celle du Parlement avec ses deux chambres. Pour l’année 2016, les prix se situeront entre 40 et 20 dollars ; nous pouvons dire que le hasard a fait une bonne prévision avec un prix de référence de 37 dollars. Mais que faire pour financer le déficit du budget et de la balance des paiements après l’épuisement de l’épargne du Fonds de régulation et celle des réserves de change ?
Elwatan - Le projet de révision de la Constitution est rendu public, validé par un Conseil ministériel restreint, puis entériné par un conseil des ministres. Que pensez-vous d’abord de son contenu, puis de son opportunité car il arrive très en retard par rapport aux promesses de réformes politiques faites en 2011 ?
Benbitour - Le projet de révision proposé est défaillant dans le contenu et dans le mode d’approbation.En ce qui concerne le mode d’approbation, l’expérience de la révision de la Constitution de 2008 est édifiante à ce sujet. Le président de la République est arrivé au pouvoir à la suite d’un appel, en 1998, à une élection présidentielle anticipée.
Le chef de l’Etat en exercice à l’époque avait défini un objectif clair : «l’ancrage de l’alternance au pouvoir», dans le cadre de la Constitution en vigueur qui limitait le renouvellement d’un premier mandat à un deuxième uniquement.
Par conséquent, sur le plan de l’honneur et le respect des principes cardinaux auxquels doit obéir un chef d’Etat, il ne lui était pas donné d’initier la révision de la Constitution sur le point essentiel de l’ancrage de l’alternance au pouvoir en supprimant la limitation des mandats présidentiels. Sur le plan du respect des règles constitutionnelles, la révision de la Constitution en 2008 était anticonstitutionnelle.
En effet, l’article 174 de la Constitution en vigueur en 2008 stipule que «la révision constitutionnelle est décidée à l’initiative du président de la République. Elle est votée en termes identiques par l’Assemblée populaire nationale (APN) et le Conseil de la Nation… Elle est soumise par référendum à l’approbation du peuple…».
Il est vrai que l’article 176 offre une mesure dérogatoire au passage au référendum. Mais cette dérogation obéit à des règles bien définies dans le même article. Pour que cette mesure soit applicable, il faudrait que la révision … «n’affecte d’aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions»...
Or, la révision a touché de façon significative les équilibres des pouvoirs et des institutions, puisqu’entre autres elle supprime la limitation à deux mandats et elle affecte significativement les pouvoirs du chef du gouvernement qui devient Premier ministre. Malheureusement, les institutions supposées protéger la Constitution, en particulier le Conseil constitutionnel, ont failli à leur devoir. De plus, les deux chambres réunies ont accepté l’humiliation de voter la révision de la Constitution à main levée, sans débats et même sans la possibilité de poser un point d’ordre.
En ce qui concerne le contenu, la révision de 2016 contient des confusions entre ce qui relève de la Constitution, de la loi de règlement, de la loi et du règlement. L’application de la Constitution révisée va poser de gros problèmes juridiques.Sur le plan politique, la Constitution doit refléter un projet de société, elle doit par conséquent être l’émanation de la base et non du sommet de l’Etat.
Elwatan - De larges pans de l’opposition critiquent la révision constitutionnelle, la loi de finances 2016 et convergent sur le diagnostic de la situation du pays, mais ont du mal à se faire entendre et à solidariser leurs efforts pour imposer une solution de sortie de crise. Pourquoi ?
Benbitour - Par opposition, il faut entendre un groupe de gens dans une société qui sont puissants et qui ont beaucoup d’influence parce qu’ils possèdent les moyens et le savoir-faire. Donc, lorsque nous parlons d’opposition, nous parlons de groupes de gens, pas d’individus dispersés ; de société, pas d’un désert ; de puissance et d’influence, pas de gens marginalisés ; de capacité et de savoir, pas d’individus dépourvus de moyens intellectuels et matériels. Cette définition permet de tracer clairement la feuille de route de départ pour constituer une opposition, qui pourrait contribuer à la résolution de la crise :
(I)- se réunir en groupes et penser institutions pour créer des alliances stratégiques ;
(II)- mener un travail d’éducation citoyenne pour disposer d’une société à l’écoute et non de «prêcher dans un désert» ;
(III)- construire des capacités de puissance et d’influence par une image d’intégrité sans faille et la démonstration convaincante ;
(IV)- réunir les moyens intellectuels et matériels pour soutenir la mobilisation nécessaire à la résolution de la crise.
La loi de finances 2016 est basée sur un prix de référence du baril de pétrole à 37 dollars, or le cours actuel de l’or noir a chuté sous la barre des 30 dollars... Pensez-vous que le gouvernement a fait de fausses prévisions et qu’il sera appelé à revoir ses calculs ?
Même lorsque les prix du pétrole dépassaient largement les 100 dollars, les lois de finances étaient votées sur le prix de référence de 37 dollars.
La prévision n’a pas été de rigueur dans les préparations des budgets de l’Etat depuis plus d’une décennie. Il y va de la responsabilité du gouvernement, mais aussi celle du Parlement avec ses deux chambres. Pour l’année 2016, les prix se situeront entre 40 et 20 dollars ; nous pouvons dire que le hasard a fait une bonne prévision avec un prix de référence de 37 dollars. Mais que faire pour financer le déficit du budget et de la balance des paiements après l’épuisement de l’épargne du Fonds de régulation et celle des réserves de change ?
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