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Afrique du Nord : retour sur terre

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  • Afrique du Nord : retour sur terre

    Envolées les illusions nées des printemps arabes ! Cinq ans plus tard, l'élan de liberté s'est effacé devant le principe de réalité, et les États de la région doivent gérer, tant bien que mal, leurs failles sécuritaires, économiques et sociales.

    La parenthèse des printemps arabes semble bel et bien refermée en Afrique du Nord, espace en voie de recomposition où les préoccupations sécuritaires ont pris le dessus sur les aspirations démocratiques. La crainte de l’État islamique (Daesh) et d‘une dissémination jihadiste à partir du sanctuaire libyen est passée par là. L’heure est à la consolidation du statu quo en Égypte, en Algérie et au Maroc, tandis que la Tunisie peine à concrétiser les promesses nées de l’élection de Béji Caïd Essebsi en décembre 2014. Mais, partout, les fragilités sont palpables.

    MAROC

    Un modus vivendi apaisé

    Des cinq pays d’Afrique du Nord, le Maroc paraît offrir le plus de garanties de stabilité à moyen terme. Il vient de célébrer en grande pompe les 40 ans de la Marche verte, qui, en 1975, lui avait permis de reprendre pied dans ses « provinces du Sud ». La brouille avec l’Algérie qui en avait résulté dure encore. Mais la monarchie chérifienne campe fermement sur ses positions, avec le soutien discret de Paris : pas question de transiger avec la marocanité du Sahara, la normalisation avec Alger attendra.

    Car la grande transformation amorcée lors de l’avènement de Mohammed VI, en 1999, commence à porter ses fruits. Loin du tumulte de ses voisins, le royaume cultive avec obstination son image d’archipel de stabilité et d’îlot d’attractivité économique. La région de Tanger, négligée sous Hassan II, est devenue la vitrine de ce nouveau Maroc qui se rêve en puissance émergente, au carrefour entre l’Europe et l’Afrique. Renault y a implanté la plus grande usine automobile du continent. Le port de Tanger-Med, inauguré en 2007, traite annuellement 3 millions de conteneurs et frôle déjà la saturation. Il connaîtra une extension en 2016 qui doublera ses capacités. Et une ligne ferroviaire à grande vitesse reliera en 2018 la capitale du Nord à Casablanca.

    Sûr de sa force, le PJD peut aborder avec confiance les élections législatives de 2016
    Politiquement, la méthode marocaine – une réforme constitutionnelle octroyée et une alternance contrôlée en 2011 – semble aussi se révéler payante. Un modus vivendi assez apaisé s’est installé entre le Palais et les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD), qui tiennent les rênes du gouvernement à travers leur chef, Abdelilah Benkirane. Alors que bon nombre d’observateurs tablaient sur une érosion de son audience due à l’usure du pouvoir, le PJD a su déjouer les pronostics.

    Le parti religieux est sorti grand vainqueur des élections locales de septembre 2015, malgré un mode de scrutin qui le désavantageait. Il dirige désormais neuf des dix plus grandes villes du pays et a triplé son nombre d’élus. La gauche, elle, a réalisé le pire score de son histoire, tandis que les conservateurs de l’Istiqlal ont essuyé une déconfiture. Si bien que le Parti Authenticité et Modernité (PAM), fondé par Fouad Ali El Himma, un proche de Mohammed VI, s’affirme maintenant comme le leader de l’opposition. Sûr de sa force, le PJD peut aborder avec confiance les élections législatives de 2016 – il sera le pivot de toute future coalition -, et Benkirane envisager sereinement sa reconduction. Une perspective qui n’effraie plus grand monde, au Maroc comme à l’étranger.

    ALGÉRIE

    Le « système » déséquilibré

    L’Algérie, en apparence immuable et immobile, inspire les plus vives inquiétudes pour l’avenir. Une situation due à la conjonction de deux facteurs : la chute des cours du pétrole et la question de la succession d’Abdelaziz Bouteflika, 78 ans, qui a entamé son quatrième mandat en avril 2014.

    Alors que le président reste très affaibli par les séquelles de son accident vasculaire cérébral, en 2013, il concentre désormais entre ses mains plus de pouvoir que n’en a jamais eu aucun autre dirigeant algérien. « Boutef » a consolidé son emprise sur le système en s’affranchissant de la tutelle de l’armée et en poussant vers la sortie le général Mohamed Mediène, alias Toufik, le patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Mais sa maladie l’oblige à limiter ses activités. Le système, incarné par les deux vigies que sont le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et l’insubmersible Ahmed Ouyahia, directeur du cabinet présidentiel, s’est habitué à fonctionner en pilotage automatique.

    Le pays n’a pas mis à profit ses années fastes pour entamer la diversification de son économie
    La formule, par temps calme, a fait ses preuves. Mais l’horizon s’est obscurci avec la chute des cours des hydrocarbures. Le régime reste étroitement dépendant des rentes pétrolière et gazière, et l’État est actuellement contraint de puiser dans sa cagnotte du Fonds de régulation des recettes, dont les réserves fondent. Victime de son immobilisme légendaire, le pays n’a pas mis à profit ses années fastes pour entamer la diversification de son économie.

    Conséquence : les recettes sont appelées à se contracter, alors que les dépenses s’envolent pour maintenir la paix sociale. Les subventions aux produits alimentaires et énergétiques et les dépenses sans contreparties productives ont atteint 60 milliards de dollars en 2014 (près de 50 milliards d’euros), soit 29 % du PIB ou encore 100 % des revenus d’exportations. Insoutenable.

    Mais les coupes budgétaires, rendues inévitables, pourraient fragiliser le consensus et engendrer une flambée des revendications politiques. Tous les équilibres, économiques, sociaux et sécuritaires, sur lesquels reposait la stabilité du pays sont menacés. Les réformes, douloureuses, sont indispensables. Le régime saura-t-il les mener à bien ?

    TUNISIE

    Un pouvoir au bord de l’implosion

    Une hirondelle ne fait pas le printemps : l’adage se vérifie, une fois de plus, en Tunisie. L’attribution du prix Nobel de la paix 2015 au quartet du dialogue national, célébré à l’étranger, n’a pas fait sortir le pays de sa morosité. Certes, le marathon électoral de 2014 (élections législatives et présidentielle) s’est déroulé sans encombre, et le mariage de raison conclu entre Nidaa Tounes, le parti vainqueur des législatives, et les islamistes d’Ennahdha offre théoriquement une formule de stabilité inédite.

    Mais ces apparences sont trompeuses. Le sursaut espéré après la formation du gouvernement de Habib Essid n’a pas eu lieu. L’économie, faute de confiance et de réformes, ne parvient pas à sortir de sa langueur : elle est entrée en récession au troisième trimestre de 2015. Le climat social reste très tendu et des franges entières du territoire, au Sud et à l’Ouest, gangrenées par la contrebande et ravagées par le chômage, récusent ouvertement la sujétion au pouvoir central. Enfin, le gouvernement n’est pas parvenu à enrayer la dérive des comptes publics, qui l’oblige à recourir à des expédients (hypothéquer le stade de football de Radès au profit de sukuks islamiques en échange de 1 milliard de dollars) pour boucler ses fins de mois.

    Et les difficultés à venir pour 2016 ne sont rien en comparaison de celles qui attendent le pays en 2017 et en 2018, lorsque les prêts massifs contractés au lendemain de la révolution de 2011 arriveront à échéance. Pour ne rien arranger, le terrorisme a durement frappé la Tunisie (attentats du Bardo et de Sousse). Le tourisme, atteint dans ses symboles, s’est effondré. Et l’on craint maintenant le retour d’une partie des milliers de jihadistes tunisiens partis combattre en Syrie et en Libye !

    Face à des défis d’une telle ampleur, la réponse politique est inconsistante, et c’est peut-être l’aspect le plus préoccupant. Nidaa Tounes a pratiquement implosé au lendemain de l’élection de son fondateur, Béji Caïd Essebsi, à la présidence de la République. Le parti est en lambeaux, miné par la guerre des clans. Le chef de l’État, dont on attendait beaucoup en raison de son expérience et de son esprit de finesse, est maintenant sur la sellette. On l’accuse de n’avoir pas su ou pas voulu freiner les appétits de pouvoir de son fils, Hafedh, l’un des principaux protagonistes de la crise de Nidaa Tounes.

    « HCE » et ses partisans ont en effet pratiquement mis la main sur le parti à l’issue d’un véritable putsch interne, début novembre 2015, en évinçant la direction légale formée par le duo Mohamed Ennaceur-Mohsen Marzouk. La ligne politique – une alliance décomplexée avec Ennahdha au détriment de la « gauche » du parti – et les méthodes employées, qui rappellent furieusement celles en vigueur du temps du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali, risquent de provoquer un divorce, aussi bien avec les électeurs qu’avec une fraction des 86 députés Nidaa Tounes. De mauvais augure avant les élections municipales et régionales d’octobre 2016.

    ÉGYPTE

    La manière forte

    Adulé par ses partisans en Égypte mais aussi dans nombre de pays arabes, fustigé par les Frères musulmans et par les organisations de défense des droits de l’homme, le président Abdel Fattah al-Sissi est indéniablement l’homme fort de l’Afrique du Nord. Plébiscité à la soviétique (97 % des voix) lors de la présidentielle de mai 2014, il s’est engagé dans une politique de restauration tous azimuts de la grandeur de l’Égypte.

    Il a frappé les esprits en réalisant, en un temps record, le doublement du canal de Suez. Il promet maintenant d’ériger une nouvelle capitale. Avec le soutien de la France, heureuse de ce nouveau débouché pour son industrie militaire, il a commencé à équiper son armée des matériels les plus modernes (avions Rafale, frégate multimission, bâtiments de projection et commandement Mistral). Avec lui, l’Égypte a retrouvé sa place dans le concert des États arabes et africains et est redevenue une destination attractive pour les investissements. Ses postures martiales flattent l’ego d’une nation qui avait souffert de son rabaissement.

  • #2
    suite

    Dans le dossier syrien, il s’est rangé du côté de la Russie
    Bien sûr, aucun des maux économiques structurels de l’Égypte n’est réglé. Sur le plan sécuritaire, le régime n’a pas réussi à juguler le fléau du terrorisme et reste confronté à l’insurrection jihadiste dans le Sinaï, où les affrontements sont devenus quotidiens. Sissi a pris ses distances avec Washington, mais il est toujours tributaire de l’aide financière des pays du Golfe.

    Cependant, et contrairement à ce qu’espéraient probablement ses parrains, il est résolu à faire valoir son indépendance. Il a refusé de déployer des contingents terrestres au Yémen. Et dans le dossier syrien, il s’est rangé du côté de la Russie, alors que Riyad décidait d’accroître son aide aux rebelles anti-Assad. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir jusqu’où il peut et veut aller. Le surarmement du pays et la pression de ses sponsors pourraient l’inciter à l’aventurisme militaire… notamment en Libye.

    EN LYBIE, UN CHAOS SOUS INFLENCES

    Déchirée entre les autorités rivales, colonisée par l’État islamique (Daesh) sur certaines portions de son territoire, la Libye s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’anarchie. Une situation propice aux ingérences étrangères, celles de ses voisins ou celles de pays plus lointains (le Qatar, les Émirats arabes unis ou la Turquie).

    L’année 2016 sera un moment de vérité : la médiation onusienne de la dernière chance semble avoir du plomb dans l’aile, et le général Khalifa Haftar, puissamment soutenu par l’Égypte, rêve d’en découdre avec Fajr Libya, la coalition dominée par les islamistes.

    jeune Afrique

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