La population amazighe, en Europe, n’échappe pas au problème identitaire. L’assimilation, l’effacement des identités comportent des risques de dérives identitaires. Selon Claude Lévi-Strauss, "la crise d’identité serait le nouveau mal du siècle" (1997, P. 9.). Claude Dubar (2000) distingue au sujet de l’identité sociale, l’« identité pour soi » qui se traduit par l’image que l’on se fait de soi-même et l’"identité pour autrui" qui est l’image que l’on veut renvoyer aux autres que soi-même et au sujet de laquelle on a besoin d’une reconnaissance de l’autre.L’identité collective est communautaire, culturelle, nationale, ethnique, tribale, clanique, familiale… L’identité peut être aussi sentimentale, historique et autre. Elle n’est jamais fixe, elle peut être changeante, mise entre parenthèse, en sommeil, en état de léthargie, elle peut même disparaître, mourir et… renaître de ses cendres. C’est d’ailleurs le cas des peuples.
Gabriel Camps, (1983) au sujet des Amazighs, écrit : "(…) ces Berbères dont beaucoup se croyaient romains et dont la plupart se sentent aujourd’hui arabes". L’identité nationale englobe diverses entités de rattachement. Les bretons sont bretons avant d’être français, mais ce n’est pas parce qu’ils se sentent bretons qu’ils ne se sentent pas et ne sont pas français, voire européens. Le jebli est jeblid’abord, ensuite marocain et le fait qu’il se sente jeblid’abord et avant tout ne signifie pas qu’il ne se veut pas ou ne se sente pas marocain. Il en est ainsi du soussi, du rifain, du sahraoui… Dans les confédérations de tribus, les Ikariyens par exemple, on est d’un clan et d’une tribu, avant d’être de la confédération, puis ensuite du Grand Rif, et enfin du Maroc, puis ensuite de Tamazgha.En Europe, "l’identité nationale" (Dominique Schnapper, 2008) "s’accorde avec l’identité européenne". Encore que, certains (les partis d’extrême droite) exigent le repli identitaire national.
La reconnaissance juridique de droits rattachés à une identité culturelle ne suffit pas en soi ; il faut que ces droits culturels soient effectifs pour la consolidation de l’identité collective des individus et peuples. Par ailleurs, au-delà des droits culturels et linguistiques, il n’y a pas de reconnaissance identitaire, réellement mise en œuvre, sans droits économiques, sociaux, civils et politiques effectifs. Il faut dire que les risques sont énormes en relation avec les crises identitaires. L’actualité le montre bien.
Dans ma communication, je souhaite exprimer quelques idées sous forme d’hypothèses de travail, pour le débat. Cette intervention est loin de faire le tour exhaustif de l’ensemble de la question. Ce sont plutôt des pistes de réflexion, des idées, des propositions plus ou moins évidentes, certaines, acceptables et acceptées... Avant d’aborder ce qu’il en est de l’évolution, des crises et dérives radicales, en relation avec ces mêmes crises identitaires (II), voyons ce qu’il en est des significations d’ordres social, politique, juridique et autres du concept d’identité (I).
I. Significations sociale, politique, juridique et autres de l’identité
1. Le double sens politique de l’identité
Le concept d’identité nationale est à double sens, tantôt il traduit une volonté et un sentiment de repli sur soi et de rejet de l’autre, et partant devient négatif, avec une forte connotation de fascisme, tantôt, il se manifeste par un besoin de reconnaissance légitime, de revendication, de droits, d’égalité, de justice, du droit d’exister et d’être reconnu, de ne pas être rejeté, de ne pas faire l’objet de marginalisation, de discrimination… L’identité peut diviser comme elle peut réunir. Dans tous les cas, elle ne peut pas être imposée et si elle l’est, elle risque d’être vouée à l’échec à plus ou moins long terme. L’identité n’est que ce que l’on souhaite en faire : primo, l’identité d’exclusion et de rejet de l’autre et, secundo, l’identité de proclamation légitime et revendicative de droits.
2. L’identité légale : l’identité civile
L’identité peut être conférée, donnée, mais aussi requise, demandée, exigée. L’identité peut être légale ; elle est conférée aux individus, à la naissance ; chacun reçoit un nom patronymique et un prénom selon le jus sanguinis(le lien avec le sang). Les institutions étatiques, selon le lieu où l’on vient à naitre, octroient à l’individu un rattachement national, la nationalité en raison du jus solis, (le lien avec le sol). L’identité fait que l’individu se retrouve rattaché à un Etat, un pays, un territoire, une tribu, une confédération de tribus, une famille…
3. Les identités individuelle et/ou collective
Les identités individuelle et/ou collective sont consécutive à des caractéristiques et attributs culturels, linguistiques, ethniques, historiques et autres qui font qu’un individu et/ou un groupe d’individu (communauté, population ou peuple) se considère(nt) et/ou est/sont considéré(s) ainsi par eux-mêmes et/ou par les autres.
4. Le droit des peuples à affirmer et à faire reconnaître leurs identités
Le droit à la reconnaissance de l’identité d’un peuple fait partie du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La négation de l’identité d’un peuple, (sa non reconnaissance), c’est la négation du droit des peuples.
Dans les droits des minorités figure forcément le droit à l’identité. Dans les droits des peuples autochtones figure le droit à l’identité propre, ressentie, revendiquée, proclamée… La reconnaissance de l’identité des peuples est un rempart contre les dérives, assimilationnistes, autoritaires, négationnistes et terroristes même.
5. L’identité de substitution
Un individu qui ne se retrouve pas dans son pays d’origine se recherche à l’étranger. Dans le pays d’accueil, ou de refuge, (c’est selon), il acquiert une identité d’immigré, de sans papier, de réfugié… Lorsqu’il régularise sa situation, il dispose d’une identité de résident, puis s’il s’intègre plus ou moins bien il peut obtenir la nationalité : un titre de séjour, une carte d’identité nationale et un passeport. Il peut se retrouver avec deux ou plusieurs identités et nationalités. Il peut même occidentaliser son nom et son prénom… Mais, il n’efface pas pour autant son identité d’origine. Aux yeux des gens du pays d’accueil, au mieux, il sera d’origine X ou Y. Le problème apparaît surtout avec les enfants de l’immigré. Les repères se perdent et les dérives guettent, dès lors que l’échec est là ; doublé de l’exclusion et de la marginalisation.
Lorsque le pays d’origine, ainsi que le pays d’accueil n’ont pas été en mesure de coacher l’individu, en terme d’épanouissement identitaire, de satisfaction de soi, de reconnaissance de soi, l’individu se fait et devient hors la loi. Avec les échecs, la dérive se fait vers la délinquance, la drogue… Après la case prison, l’individu est sensible à la promesse de l’absolution de ses péchés en pensant entrer en religion et devenir important. Fi Sabililah, (pour Dieu), il va combattre «l’infidèle», l’autre, au nom d’une religion que souvent il ne connaît pas. Il va se défouler, il va régler ses comptes avec la société et ceux qui lui renvoient son image de raté. Non seulement ses péchés seront pardonnés mais en plus il ira au paradis… Partout de par le monde, dans toutes les cultures et religions, des déséquilibres mentaux et sociétaux ont conduit et conduisent au suicide, au terrorisme, à la violence… Ce n’est pas sans raison si les «souffrances identitaires» sont prises en charge par les psychologues.
6. L’identité contre les dérives
La crise identitaire n’est pas étrangère aux dérives terroristes. L’engagement radical terroriste n’a strictement rien à voir avec l’engagement en religion. La frustration identitaire, les sentiments, le rejet de l’autre, le regard porté par les autres, la marginalisation, font que des personnes, des jeunes, plus ou moins fragiles, en quête de sens à leurs vies, en quête d’identité, de reconnaissance, d’accomplissement, se lancent, happés par une idéologie radicale violente avec ses dérives terroristes.
Le multiculturalisme, l’identité plurielle, au lieu d’être une chance pour un pays donné se retrouvent se retourner contre ce pays et d’autres. La citoyenneté n’est pas un vain mot et se doit de tenir compte de la satisfaction des sentiments identitaires. C’est en ce sens que l’affirmation, la reconnaissance, la prise de conscience identitaire en soi et pour soi est un remède contre les dérives radicales.
II. Evolution, crises, dérives radicales et prise de conscience identitaire
1. Les identités et l’actualité
La question des identités n’en finit pas de faire l’actualité. Quoi de plus fort que les sentiments d’appartenance à une identité d’origine, et/ou à une identité d’adoption ? Longtemps durant, le long de l’histoire, les peuples et leurs identités ont fait l’objet de tentatives d’assimilation, de négation, d’intégration, de rejets… Le problème des identités est apparu, également, sous la forme des «nationalismes», des replis ou revendications tribales, des communautarismes,… A l’occasion, cela a donné lieu à la balkanisation, au séparatisme, au repli sur soi, mais aussi au fédéralisme, aux confédérations, à des intégrations économiques… L’identité nationale, par exemple, dans le cas de l’extrême droite en France et en Europe, s’apparente au rejet de l’autre, au rejet de l’étranger, au rejet de la mondialisation, de l’Europe,… Les discours politiques d’extrême droite attisent le feu des dérives identitaires, de l’extrémisme et de la radicalisation.
Gabriel Camps, (1983) au sujet des Amazighs, écrit : "(…) ces Berbères dont beaucoup se croyaient romains et dont la plupart se sentent aujourd’hui arabes". L’identité nationale englobe diverses entités de rattachement. Les bretons sont bretons avant d’être français, mais ce n’est pas parce qu’ils se sentent bretons qu’ils ne se sentent pas et ne sont pas français, voire européens. Le jebli est jeblid’abord, ensuite marocain et le fait qu’il se sente jeblid’abord et avant tout ne signifie pas qu’il ne se veut pas ou ne se sente pas marocain. Il en est ainsi du soussi, du rifain, du sahraoui… Dans les confédérations de tribus, les Ikariyens par exemple, on est d’un clan et d’une tribu, avant d’être de la confédération, puis ensuite du Grand Rif, et enfin du Maroc, puis ensuite de Tamazgha.En Europe, "l’identité nationale" (Dominique Schnapper, 2008) "s’accorde avec l’identité européenne". Encore que, certains (les partis d’extrême droite) exigent le repli identitaire national.
La reconnaissance juridique de droits rattachés à une identité culturelle ne suffit pas en soi ; il faut que ces droits culturels soient effectifs pour la consolidation de l’identité collective des individus et peuples. Par ailleurs, au-delà des droits culturels et linguistiques, il n’y a pas de reconnaissance identitaire, réellement mise en œuvre, sans droits économiques, sociaux, civils et politiques effectifs. Il faut dire que les risques sont énormes en relation avec les crises identitaires. L’actualité le montre bien.
Dans ma communication, je souhaite exprimer quelques idées sous forme d’hypothèses de travail, pour le débat. Cette intervention est loin de faire le tour exhaustif de l’ensemble de la question. Ce sont plutôt des pistes de réflexion, des idées, des propositions plus ou moins évidentes, certaines, acceptables et acceptées... Avant d’aborder ce qu’il en est de l’évolution, des crises et dérives radicales, en relation avec ces mêmes crises identitaires (II), voyons ce qu’il en est des significations d’ordres social, politique, juridique et autres du concept d’identité (I).
I. Significations sociale, politique, juridique et autres de l’identité
1. Le double sens politique de l’identité
Le concept d’identité nationale est à double sens, tantôt il traduit une volonté et un sentiment de repli sur soi et de rejet de l’autre, et partant devient négatif, avec une forte connotation de fascisme, tantôt, il se manifeste par un besoin de reconnaissance légitime, de revendication, de droits, d’égalité, de justice, du droit d’exister et d’être reconnu, de ne pas être rejeté, de ne pas faire l’objet de marginalisation, de discrimination… L’identité peut diviser comme elle peut réunir. Dans tous les cas, elle ne peut pas être imposée et si elle l’est, elle risque d’être vouée à l’échec à plus ou moins long terme. L’identité n’est que ce que l’on souhaite en faire : primo, l’identité d’exclusion et de rejet de l’autre et, secundo, l’identité de proclamation légitime et revendicative de droits.
2. L’identité légale : l’identité civile
L’identité peut être conférée, donnée, mais aussi requise, demandée, exigée. L’identité peut être légale ; elle est conférée aux individus, à la naissance ; chacun reçoit un nom patronymique et un prénom selon le jus sanguinis(le lien avec le sang). Les institutions étatiques, selon le lieu où l’on vient à naitre, octroient à l’individu un rattachement national, la nationalité en raison du jus solis, (le lien avec le sol). L’identité fait que l’individu se retrouve rattaché à un Etat, un pays, un territoire, une tribu, une confédération de tribus, une famille…
3. Les identités individuelle et/ou collective
Les identités individuelle et/ou collective sont consécutive à des caractéristiques et attributs culturels, linguistiques, ethniques, historiques et autres qui font qu’un individu et/ou un groupe d’individu (communauté, population ou peuple) se considère(nt) et/ou est/sont considéré(s) ainsi par eux-mêmes et/ou par les autres.
4. Le droit des peuples à affirmer et à faire reconnaître leurs identités
Le droit à la reconnaissance de l’identité d’un peuple fait partie du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La négation de l’identité d’un peuple, (sa non reconnaissance), c’est la négation du droit des peuples.
Dans les droits des minorités figure forcément le droit à l’identité. Dans les droits des peuples autochtones figure le droit à l’identité propre, ressentie, revendiquée, proclamée… La reconnaissance de l’identité des peuples est un rempart contre les dérives, assimilationnistes, autoritaires, négationnistes et terroristes même.
5. L’identité de substitution
Un individu qui ne se retrouve pas dans son pays d’origine se recherche à l’étranger. Dans le pays d’accueil, ou de refuge, (c’est selon), il acquiert une identité d’immigré, de sans papier, de réfugié… Lorsqu’il régularise sa situation, il dispose d’une identité de résident, puis s’il s’intègre plus ou moins bien il peut obtenir la nationalité : un titre de séjour, une carte d’identité nationale et un passeport. Il peut se retrouver avec deux ou plusieurs identités et nationalités. Il peut même occidentaliser son nom et son prénom… Mais, il n’efface pas pour autant son identité d’origine. Aux yeux des gens du pays d’accueil, au mieux, il sera d’origine X ou Y. Le problème apparaît surtout avec les enfants de l’immigré. Les repères se perdent et les dérives guettent, dès lors que l’échec est là ; doublé de l’exclusion et de la marginalisation.
Lorsque le pays d’origine, ainsi que le pays d’accueil n’ont pas été en mesure de coacher l’individu, en terme d’épanouissement identitaire, de satisfaction de soi, de reconnaissance de soi, l’individu se fait et devient hors la loi. Avec les échecs, la dérive se fait vers la délinquance, la drogue… Après la case prison, l’individu est sensible à la promesse de l’absolution de ses péchés en pensant entrer en religion et devenir important. Fi Sabililah, (pour Dieu), il va combattre «l’infidèle», l’autre, au nom d’une religion que souvent il ne connaît pas. Il va se défouler, il va régler ses comptes avec la société et ceux qui lui renvoient son image de raté. Non seulement ses péchés seront pardonnés mais en plus il ira au paradis… Partout de par le monde, dans toutes les cultures et religions, des déséquilibres mentaux et sociétaux ont conduit et conduisent au suicide, au terrorisme, à la violence… Ce n’est pas sans raison si les «souffrances identitaires» sont prises en charge par les psychologues.
6. L’identité contre les dérives
La crise identitaire n’est pas étrangère aux dérives terroristes. L’engagement radical terroriste n’a strictement rien à voir avec l’engagement en religion. La frustration identitaire, les sentiments, le rejet de l’autre, le regard porté par les autres, la marginalisation, font que des personnes, des jeunes, plus ou moins fragiles, en quête de sens à leurs vies, en quête d’identité, de reconnaissance, d’accomplissement, se lancent, happés par une idéologie radicale violente avec ses dérives terroristes.
Le multiculturalisme, l’identité plurielle, au lieu d’être une chance pour un pays donné se retrouvent se retourner contre ce pays et d’autres. La citoyenneté n’est pas un vain mot et se doit de tenir compte de la satisfaction des sentiments identitaires. C’est en ce sens que l’affirmation, la reconnaissance, la prise de conscience identitaire en soi et pour soi est un remède contre les dérives radicales.
II. Evolution, crises, dérives radicales et prise de conscience identitaire
1. Les identités et l’actualité
La question des identités n’en finit pas de faire l’actualité. Quoi de plus fort que les sentiments d’appartenance à une identité d’origine, et/ou à une identité d’adoption ? Longtemps durant, le long de l’histoire, les peuples et leurs identités ont fait l’objet de tentatives d’assimilation, de négation, d’intégration, de rejets… Le problème des identités est apparu, également, sous la forme des «nationalismes», des replis ou revendications tribales, des communautarismes,… A l’occasion, cela a donné lieu à la balkanisation, au séparatisme, au repli sur soi, mais aussi au fédéralisme, aux confédérations, à des intégrations économiques… L’identité nationale, par exemple, dans le cas de l’extrême droite en France et en Europe, s’apparente au rejet de l’autre, au rejet de l’étranger, au rejet de la mondialisation, de l’Europe,… Les discours politiques d’extrême droite attisent le feu des dérives identitaires, de l’extrémisme et de la radicalisation.
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