Il demande aux footballeurs français d'origine algérienne de choisir la sélection algérienne au détriment de la France. Feghouli a grandi en banlieue…
PAR PASCAL PRAUD
Publié le 06/02/2016 à 08:55 | Le Point.fr
« Un homme, c'est son époque », disait Jean-Paul Sartre. Sofiane Feghouli reflète ce début de XXIe siècle, les interrogations d'un jeune homme né à Levallois-Perret en 1989, de père et mère algériens et qui vit mal sa double nationalité dans la France de 2016. Que dit-il ? « Dans cette société française, on n'est pas acceptés. Faut pas se mentir, c'est difficile pour nous, nos parents, ce sont des Algériens. »
Sofiane Feghouli a 26 ans. Il est l'enfant d'une double culture comme bon nombre de jeunes gens, nés avec la tête en France, le cœur en Algérie.
Dans un entretien qu'il a accordé à La Gazette du Fennec, Feghouli incite les jeunes d'origine algérienne à imiter son exemple : « Si j'ai un conseil à donner à ces nouveaux jeunes, c'est de ne pas hésiter d'opter pour le pays de leurs parents, c'est un principe à ne pas discuter. Il ne faut pas oublier l'histoire entre la France et l'Algérie, où il y a eu des choses très graves qui se sont produites par le passé. Juste pour ça, je leur demande de jouer pour l'Algérie. »
Peu importe que Sofiane Feghouli se trompe ou pas, que son exposé historique soit sommaire ou non, qu'il prenne des lunettes d'aujourd'hui pour juger le monde d'hier. Feghouli est persuadé que son analyse est juste. Seul son avis m'importe ici parce qu'il n'est pas le seul dans ce cas. Cette conviction pose problème. Feghouli porte le drapeau de cette troisième génération qui, paradoxalement, est plus identitaire que les précédentes. Jamais Zinédine Zidane n'a imaginé jouer sous les couleurs de l'Algérie.
Les accords d'Évian ont 54 ans. La guerre est finie depuis 1962, mais les feux sont mal éteints comme l'a écrit Philippe Labro dans un récit qui date des années 1960.
Une génération maltraitée ?
Les enfants des enfants d'immigrés ont grandi dans la banlieue parisienne ; ils ont connu les quartiers nord de Marseille et ils estiment – une nouvelle fois à tort ou à raison et là n'est pas le problème – qu'ils n'appartiennent pas tout à fait à la communauté nationale. Ils regrettent « d'être maltraités » comme ils disent, de ne pas intégrer les écoles prestigieuses, de vivre (parfois) dans des ghettos ou tout simplement de ne pas pouvoir entrer en boîte de nuit quand l'endroit est à la mode. Est-ce une réalité ? Chacun sait que hélas ! c'est une réalité.
Feghouli est né à Levallois-Perret. Il a connu les équipes du Red Star, du Paris Football Club et de Grenoble avant de partir pour l'Espagne où il fait le bonheur de Valence. Il est aussi le capitaine de la sélection algérienne qu'il a choisie en 2011. Il n'y a pas d'explication sportive dans ses paroles pour justifier son engagement sous le maillot vert de l'Algérie. Ses arguments sont politiques, historiques, sociétaux et tant pis pour l'équipe de France même si Raymond Domenech pensa à lui en 2010.
Au fond, le natif de Levallois traduit le traumatisme de la décolonisation (et donc de la colonisation), les difficultés d'une intégration en panne (ne parlons plus d'assimilation !), tous ces maux qui rongent la société française depuis 20 ans encouragent le communautarisme, divisent les uns et les autres.
Il n'est pas certain que les mots de Feghouli apaisent le climat, mais il serait dangereux de ne pas les entendre.
PAR PASCAL PRAUD
Publié le 06/02/2016 à 08:55 | Le Point.fr
« Un homme, c'est son époque », disait Jean-Paul Sartre. Sofiane Feghouli reflète ce début de XXIe siècle, les interrogations d'un jeune homme né à Levallois-Perret en 1989, de père et mère algériens et qui vit mal sa double nationalité dans la France de 2016. Que dit-il ? « Dans cette société française, on n'est pas acceptés. Faut pas se mentir, c'est difficile pour nous, nos parents, ce sont des Algériens. »
Sofiane Feghouli a 26 ans. Il est l'enfant d'une double culture comme bon nombre de jeunes gens, nés avec la tête en France, le cœur en Algérie.
Dans un entretien qu'il a accordé à La Gazette du Fennec, Feghouli incite les jeunes d'origine algérienne à imiter son exemple : « Si j'ai un conseil à donner à ces nouveaux jeunes, c'est de ne pas hésiter d'opter pour le pays de leurs parents, c'est un principe à ne pas discuter. Il ne faut pas oublier l'histoire entre la France et l'Algérie, où il y a eu des choses très graves qui se sont produites par le passé. Juste pour ça, je leur demande de jouer pour l'Algérie. »
Peu importe que Sofiane Feghouli se trompe ou pas, que son exposé historique soit sommaire ou non, qu'il prenne des lunettes d'aujourd'hui pour juger le monde d'hier. Feghouli est persuadé que son analyse est juste. Seul son avis m'importe ici parce qu'il n'est pas le seul dans ce cas. Cette conviction pose problème. Feghouli porte le drapeau de cette troisième génération qui, paradoxalement, est plus identitaire que les précédentes. Jamais Zinédine Zidane n'a imaginé jouer sous les couleurs de l'Algérie.
Les accords d'Évian ont 54 ans. La guerre est finie depuis 1962, mais les feux sont mal éteints comme l'a écrit Philippe Labro dans un récit qui date des années 1960.
Une génération maltraitée ?
Les enfants des enfants d'immigrés ont grandi dans la banlieue parisienne ; ils ont connu les quartiers nord de Marseille et ils estiment – une nouvelle fois à tort ou à raison et là n'est pas le problème – qu'ils n'appartiennent pas tout à fait à la communauté nationale. Ils regrettent « d'être maltraités » comme ils disent, de ne pas intégrer les écoles prestigieuses, de vivre (parfois) dans des ghettos ou tout simplement de ne pas pouvoir entrer en boîte de nuit quand l'endroit est à la mode. Est-ce une réalité ? Chacun sait que hélas ! c'est une réalité.
Feghouli est né à Levallois-Perret. Il a connu les équipes du Red Star, du Paris Football Club et de Grenoble avant de partir pour l'Espagne où il fait le bonheur de Valence. Il est aussi le capitaine de la sélection algérienne qu'il a choisie en 2011. Il n'y a pas d'explication sportive dans ses paroles pour justifier son engagement sous le maillot vert de l'Algérie. Ses arguments sont politiques, historiques, sociétaux et tant pis pour l'équipe de France même si Raymond Domenech pensa à lui en 2010.
Au fond, le natif de Levallois traduit le traumatisme de la décolonisation (et donc de la colonisation), les difficultés d'une intégration en panne (ne parlons plus d'assimilation !), tous ces maux qui rongent la société française depuis 20 ans encouragent le communautarisme, divisent les uns et les autres.
Il n'est pas certain que les mots de Feghouli apaisent le climat, mais il serait dangereux de ne pas les entendre.
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