«Il faut que les Algériens réapprennent le cout des choses !», me dit-il avec véhémence. «Est-ce qu’un étudiant sait combien coûte son cursus universitaire ?». Non. Comme tous les Algériens, on sait depuis le ventre de la mère que l’Etat est le père est que les choses sont gratuites : la médecine, les soins, l’école, la vie et le reste. Et quand ce n’est pas gratuit, cela est soutenu. «Du coup, les choses sans coûts sont gratuites et quand les choses sont gratuites on ne leur accorde pas de prix» conclura-t-il amère. Cela a une conséquence : pas d’effort, primauté de la débrouillardise sur le travail, de la ruse sur l’intelligence, de la l’affaissement sur la conquête.
Les Algériens, nous tous, nous sommes habitués au droit du gratuit. Cela nous a conduit à ne pas se sentir impliqués, concernés et, donc, à ne pas accorder de prix aux choses. Cela nous a conduit à transformer le colis alimentaire de 1962 en un droit d’enfant gâté. De transformer la rente en un acquis. «Participer aux frais d’un cursus universitaire équivaut à le valoriser et non pas à mettre fin au principe de la gratuité de l’école en Algérie», me dit l’homme d’affaire. Cela permet de comprendre l’effort de la collectivité, de participer à la décision, de s’impliquer et de donner un début à sa citoyenneté au lieu d’accepter d’être simplement dans la culture de la rente. Cela restaure la notion d’effort, de droits et de devoirs.
La Rente a crée une curieuse situation : celle où on a plus que son droit en aides, pour, en contrepartie, avoir le moins de droit en tant qu’Algérien citoyen. Cela crée l’addiction mais aussi la compromission honteuse. La gratuité et le soutien ont fabriqué un Algérien qui est dans le deal de l’abdication de sa citoyenneté, dans la complicité alimentaire. Du point de vue de la philosophie, la gratuité et la rente ont démoli la notion d’effort, le lien entre le pain et la main, la hiérarchie qu’apporte l’oeuvre et le labeur et ce détestable regard sur le monde : c’est mon droit, les choses sont gratuites, je n’ai aucun devoir et il est naturel qu’on paye pour moi, c’est à l’Etat de me loger et me nourrir, et «sinon, je coupe la route».
Maladie de l’âme qui vous expose même à l’insulte si vous en parlez comme d’une maladie : l’addictif est violent quand on menace sa drogue et il est impossible d’en discuter avec sérénité car l’équation est fermée : le régime vole, pourquoi, moi, je dois renoncer à ma part, mon «droit» ? Le pétrole est à nous tous, pourquoi, moi, je dois travailler le premier ? La notion de gratuité, de richesse par le don fossile a tué le lien, la vie, le prix d’un pays et le lien de conséquence entre l’effort et la valeur.
Syndrome de l’enfant gâté. Le petit Omar qui courait derrière un morceau de pain, dans le roman de Dib, est devenu l’adulte qui marche avec sa semelle sur la baguette et hurle que c’est son droit légitime.
Jusqu’à quand ? Jusqu’au moment où il faudra payer le prix réel d’un pays.
Et cela viendra.
Kamal Daoud
Les Algériens, nous tous, nous sommes habitués au droit du gratuit. Cela nous a conduit à ne pas se sentir impliqués, concernés et, donc, à ne pas accorder de prix aux choses. Cela nous a conduit à transformer le colis alimentaire de 1962 en un droit d’enfant gâté. De transformer la rente en un acquis. «Participer aux frais d’un cursus universitaire équivaut à le valoriser et non pas à mettre fin au principe de la gratuité de l’école en Algérie», me dit l’homme d’affaire. Cela permet de comprendre l’effort de la collectivité, de participer à la décision, de s’impliquer et de donner un début à sa citoyenneté au lieu d’accepter d’être simplement dans la culture de la rente. Cela restaure la notion d’effort, de droits et de devoirs.
La Rente a crée une curieuse situation : celle où on a plus que son droit en aides, pour, en contrepartie, avoir le moins de droit en tant qu’Algérien citoyen. Cela crée l’addiction mais aussi la compromission honteuse. La gratuité et le soutien ont fabriqué un Algérien qui est dans le deal de l’abdication de sa citoyenneté, dans la complicité alimentaire. Du point de vue de la philosophie, la gratuité et la rente ont démoli la notion d’effort, le lien entre le pain et la main, la hiérarchie qu’apporte l’oeuvre et le labeur et ce détestable regard sur le monde : c’est mon droit, les choses sont gratuites, je n’ai aucun devoir et il est naturel qu’on paye pour moi, c’est à l’Etat de me loger et me nourrir, et «sinon, je coupe la route».
Maladie de l’âme qui vous expose même à l’insulte si vous en parlez comme d’une maladie : l’addictif est violent quand on menace sa drogue et il est impossible d’en discuter avec sérénité car l’équation est fermée : le régime vole, pourquoi, moi, je dois renoncer à ma part, mon «droit» ? Le pétrole est à nous tous, pourquoi, moi, je dois travailler le premier ? La notion de gratuité, de richesse par le don fossile a tué le lien, la vie, le prix d’un pays et le lien de conséquence entre l’effort et la valeur.
Syndrome de l’enfant gâté. Le petit Omar qui courait derrière un morceau de pain, dans le roman de Dib, est devenu l’adulte qui marche avec sa semelle sur la baguette et hurle que c’est son droit légitime.
Jusqu’à quand ? Jusqu’au moment où il faudra payer le prix réel d’un pays.
Et cela viendra.
Kamal Daoud
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