Il y a longtemps, à l’époque où je croyais que la pluie était causée par une énorme araignée vivant sur les nuages entrain de passer la serpillère, j’allais souvent passer les vacances d’été chez mes cousins, ils appartenaient à un autre monde, dans le leur, il n y avait pas de télé en couleur et de ça cartoon les dimanches, ils ne parlaient que le parlé algérien parce que tous, avaient dû quitter très tôt l’école pour travailler, j’appréciais particulièrement la compagnie de l’un d’entre eux, celui qui un jour s’est retrouvé à hurler au milieu de la poussière, moi la gorge nouée au bord des larmes le regardant et compatissant de tout mon être … mais ceci est une autre histoire.
mon cousin était trop mur pour son âge, je devais avoir 12 ans peut être, je ne me rappel plus, on était parti à boufarik, vers un petit coin perdu, en tout cas à l’époque il l’était, qui s’appelait Oued el 3allayeg, là bas, l’ainée de mes cousines vivait avec sa famille et son beau père qui sentait tout le temps le vieux, il me faisait peur parce qu’il délirait, il était aveugle et j’essaie d’imaginer désormais dans quel enfer il vivait, privé de ses sens et emprisonné dans un corps qui ne voulait plus lui alors qu’avant, il lui obéissait au doigt et à l’œil… ma cousine avait déjà deux petits, et le troisième avait à peine quelques mois, son mari était policier et la période était trouble, alors pour ne pas être une cible facile et par crainte pour sa famille, il s’absentait durant des semaines qu’il passait sur son lieu de travail dans une autre wilaya.
Mon cousin qui me dépasse de deux ou trois ans, était celui qui rendait le plus fréquemment visite à sa sœur, bien qu’ils étaient nombreux, ses autres frères ne s’enquéraient des nouvelles de leur sœur que par son biais et semblaient s’en contenter en l’absence de téléphone et de moyens de communication. Trainer avec lui était la garantie d’aventures palpitantes et de découvertes en tout genre, on chapardait, on jouait au foot, on se bâtait, cueillait du raisin, vendait des galette de matlou3 …. Bref, j’avais toujours une flopée d’histoires marrantes ou surprenantes à raconter en rentrant à la maison aux prémices de ma saison préféré, napée du gris de la tranquillité et anonciatrice de l'imminente rentrée des classes…
Au terme de l’une de nos visites à wed el 3ellayeg, et après avoir traversé une foret, arpenté un long sentier fraichement battu serpentant un mont, le dominant puis replongeant dans une exploitation d’orangers, nous étions arrivés à la demeure de ma cousine, les visites fréquentes que faisait mon cousin n’étaient pas par pure courtoisie, la situation de sa sœur était difficile surtout avec trois enfants en bas âges, l’ainée qui porte un très joli prénom avait 6 ans si ce n’est moins, et notre arrivée allait comme les nombreuses autres précédentes être un soulagement pour la brave maman. En entrant, je l’aperçu avant de se rendre compte de notre présence entrain de fixer le ciel avec son bébé dans les bras et son foulard défait, en nous voyant, elle courut déposer l’enfant dans mes bras et lança à l’intention de son frère en se précipitant vers l’une des pièces non finies " tu vas retourner au village m’acheter des médicaments pour Welid, il respire très mal !" A ce moment là je compris pourquoi mes doigts sentaient un sifflement discret aux travers du dos du petit être bavant et aux yeux qui me fixaient, elle revint avec une ordonnance abimée et à moitié mouillée, la tendit à son frère et repris le bébé, "tiens!" fit t-elle en tendant quelques billets, et nous sommes repartis accompagnés par le vacarme que causait Aldo, le chien gardien de la maison.
La longue marche fut silencieuse, enfin je ne me rappel pas avoir échangé avec mon cousin, et après une demie heure nous étions de nouveau dans la ville qui nous a vu descendre du vieux G9 un peu plus d'une heure plus tôt, la pharmacie n’était pas loin, et son propriétaire très gentil, ils nous a expliqué que le petit montant que nous avions n’allait pas suffire à payer les médicaments, mais qu’il allait nous les donner quand même, et que si nous étions d’honnêtes garçons, on allaient revenir payer le reste ce que nous fîmes évidemment et sans attendre à peine une heure après. Mais je me rappel surtout que, j’étais exténué, deux allés retours sans le temps de souffler, je n’avais jamais autant marché de ma vie, le ciel était teint en gris et tout devenait si beau … quelques nuages voguaient insouciants, et la petite ville était totalement silencieuse, midi était largement dépassé et l’adhan retentissait au loin avec un air triste et mélancolique, on était posé tout les deux sur le trottoir malgré l’interdiction de stationner, assis en silence, je dis à mon cousin que j’avais faim, il m’apprit que c’était aussi son cas... j’étais pensif quand je vis mon cousin se diriger vers un vieil homme qui poussait une charrette, vu sa vitesse mon cousin l’atteignit en moins de deux, puis ce fut mon tour de le rejoindre, « kache ma 93adlék 3ammou ? » (Qu’est ce qu’il te reste à vendre ?) « walou, j’ai qu’un œuf dur et un petit bout de pain, d’ailleurs tenez, je vous les donnes, vous n’aurez qu’à les partager, et ne trainez pas trop ici à cette heure ci », nous sommes repartis avec le précieux pactole, tout contant, regagner notre siège peint en rouge et blanc... du pain, un œuf dur, une pincée de sel, et de l’huile d’olive, partagez avec votre meilleure ami, après avoir parcouru à pied une douzaine de kilomètres, et dégustez sous un ciel gris, dans un moment de quiétude d’une petite ville perdue dans le temps… , et ayez l’âge qu’il faut l'age où vous vous contentiez de si peu et un rien suffisait à vous émerveiller, je vous garantie que le gout sera unique au monde.
Je suis contant parce que, en parler a fait remonter une multitude de souvenirs enfouis et sur le point de disparaitre, ils sont saufs pour un moment, et j’essaierai de faire en sorte qu’ils le soient longtemps encore, en tout cas, jusqu’à cet âge où mon corps ne voudra plus de moi, mais m’empêchera tout de même de partir, comme le beau père de ma cousine, désormais libre je présume, à ce moment là, seuls les souvenirs me tiendront compagnie, il a dû vivre beaucoup de choses, peut être aussi que c’est là une source de douleur, on se dit qu’avant, on était loin de nous imaginer, privé de la plus futile des choses, comme, regarder, sentir une bonne odeur et apprécier le sourir des autres … les souvenirs sont des présents, du présent au futur, du passé au présent, le mieux est de faire en sorte qu'ils le soient du passé au futur, car les perdre c’est perdre une partie de soit, nous sommes notre vécu …et je suis gris.
mon cousin était trop mur pour son âge, je devais avoir 12 ans peut être, je ne me rappel plus, on était parti à boufarik, vers un petit coin perdu, en tout cas à l’époque il l’était, qui s’appelait Oued el 3allayeg, là bas, l’ainée de mes cousines vivait avec sa famille et son beau père qui sentait tout le temps le vieux, il me faisait peur parce qu’il délirait, il était aveugle et j’essaie d’imaginer désormais dans quel enfer il vivait, privé de ses sens et emprisonné dans un corps qui ne voulait plus lui alors qu’avant, il lui obéissait au doigt et à l’œil… ma cousine avait déjà deux petits, et le troisième avait à peine quelques mois, son mari était policier et la période était trouble, alors pour ne pas être une cible facile et par crainte pour sa famille, il s’absentait durant des semaines qu’il passait sur son lieu de travail dans une autre wilaya.
Mon cousin qui me dépasse de deux ou trois ans, était celui qui rendait le plus fréquemment visite à sa sœur, bien qu’ils étaient nombreux, ses autres frères ne s’enquéraient des nouvelles de leur sœur que par son biais et semblaient s’en contenter en l’absence de téléphone et de moyens de communication. Trainer avec lui était la garantie d’aventures palpitantes et de découvertes en tout genre, on chapardait, on jouait au foot, on se bâtait, cueillait du raisin, vendait des galette de matlou3 …. Bref, j’avais toujours une flopée d’histoires marrantes ou surprenantes à raconter en rentrant à la maison aux prémices de ma saison préféré, napée du gris de la tranquillité et anonciatrice de l'imminente rentrée des classes…
Au terme de l’une de nos visites à wed el 3ellayeg, et après avoir traversé une foret, arpenté un long sentier fraichement battu serpentant un mont, le dominant puis replongeant dans une exploitation d’orangers, nous étions arrivés à la demeure de ma cousine, les visites fréquentes que faisait mon cousin n’étaient pas par pure courtoisie, la situation de sa sœur était difficile surtout avec trois enfants en bas âges, l’ainée qui porte un très joli prénom avait 6 ans si ce n’est moins, et notre arrivée allait comme les nombreuses autres précédentes être un soulagement pour la brave maman. En entrant, je l’aperçu avant de se rendre compte de notre présence entrain de fixer le ciel avec son bébé dans les bras et son foulard défait, en nous voyant, elle courut déposer l’enfant dans mes bras et lança à l’intention de son frère en se précipitant vers l’une des pièces non finies " tu vas retourner au village m’acheter des médicaments pour Welid, il respire très mal !" A ce moment là je compris pourquoi mes doigts sentaient un sifflement discret aux travers du dos du petit être bavant et aux yeux qui me fixaient, elle revint avec une ordonnance abimée et à moitié mouillée, la tendit à son frère et repris le bébé, "tiens!" fit t-elle en tendant quelques billets, et nous sommes repartis accompagnés par le vacarme que causait Aldo, le chien gardien de la maison.
La longue marche fut silencieuse, enfin je ne me rappel pas avoir échangé avec mon cousin, et après une demie heure nous étions de nouveau dans la ville qui nous a vu descendre du vieux G9 un peu plus d'une heure plus tôt, la pharmacie n’était pas loin, et son propriétaire très gentil, ils nous a expliqué que le petit montant que nous avions n’allait pas suffire à payer les médicaments, mais qu’il allait nous les donner quand même, et que si nous étions d’honnêtes garçons, on allaient revenir payer le reste ce que nous fîmes évidemment et sans attendre à peine une heure après. Mais je me rappel surtout que, j’étais exténué, deux allés retours sans le temps de souffler, je n’avais jamais autant marché de ma vie, le ciel était teint en gris et tout devenait si beau … quelques nuages voguaient insouciants, et la petite ville était totalement silencieuse, midi était largement dépassé et l’adhan retentissait au loin avec un air triste et mélancolique, on était posé tout les deux sur le trottoir malgré l’interdiction de stationner, assis en silence, je dis à mon cousin que j’avais faim, il m’apprit que c’était aussi son cas... j’étais pensif quand je vis mon cousin se diriger vers un vieil homme qui poussait une charrette, vu sa vitesse mon cousin l’atteignit en moins de deux, puis ce fut mon tour de le rejoindre, « kache ma 93adlék 3ammou ? » (Qu’est ce qu’il te reste à vendre ?) « walou, j’ai qu’un œuf dur et un petit bout de pain, d’ailleurs tenez, je vous les donnes, vous n’aurez qu’à les partager, et ne trainez pas trop ici à cette heure ci », nous sommes repartis avec le précieux pactole, tout contant, regagner notre siège peint en rouge et blanc... du pain, un œuf dur, une pincée de sel, et de l’huile d’olive, partagez avec votre meilleure ami, après avoir parcouru à pied une douzaine de kilomètres, et dégustez sous un ciel gris, dans un moment de quiétude d’une petite ville perdue dans le temps… , et ayez l’âge qu’il faut l'age où vous vous contentiez de si peu et un rien suffisait à vous émerveiller, je vous garantie que le gout sera unique au monde.
Je suis contant parce que, en parler a fait remonter une multitude de souvenirs enfouis et sur le point de disparaitre, ils sont saufs pour un moment, et j’essaierai de faire en sorte qu’ils le soient longtemps encore, en tout cas, jusqu’à cet âge où mon corps ne voudra plus de moi, mais m’empêchera tout de même de partir, comme le beau père de ma cousine, désormais libre je présume, à ce moment là, seuls les souvenirs me tiendront compagnie, il a dû vivre beaucoup de choses, peut être aussi que c’est là une source de douleur, on se dit qu’avant, on était loin de nous imaginer, privé de la plus futile des choses, comme, regarder, sentir une bonne odeur et apprécier le sourir des autres … les souvenirs sont des présents, du présent au futur, du passé au présent, le mieux est de faire en sorte qu'ils le soient du passé au futur, car les perdre c’est perdre une partie de soit, nous sommes notre vécu …et je suis gris.
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