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Les Etats-Unis, nouveaux rois du gaz ?

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  • Les Etats-Unis, nouveaux rois du gaz ?

    Grande révolution dans l'univers gazier : en janvier dernier, un bateau affrété par l'américain Cheniere accostait sur les côtes de Louisiane pour récupérer son chargement, du GNL (gaz naturel liquéfié) américain destiné au marché européen.

    Une grande première pour le gaz américain et un sacré bouleversement dans l'univers gazier dont les exportateurs traditionnels – la Russie, le Qatar, le Canada, l'Australie – ronronnaient un peu.

    Entre l'effondrement des prix du gaz, dans la suite de ceux du pétrole, et l'arrivée de ce nouvel acteur, c'est l'effervescence et ce d'autant plus que les Etats-Unis ont longuement hésité avant de se lancer sur la scène internationale.

    Pourquoi les Etats-Unis ont-ils changé leur fusil d'épaule et se sont-ils convertis à l'exportation ?

    Je vous le disais, la production américaine de gaz atteint aujourd'hui les 700 milliards de mètres cubes. Non seulement ils sont presque totalement indépendants, mais aussi en situation de surproduction.

    Pourquoi exporter ?
    En exportant ce surplus, les Etats-Unis espèrent maintenir les prix du gaz à un niveau raisonnable : à savoir suffisamment hauts pour éviter les catastrophes du style de celle de Chesapeake et encourager le développement de nouveaux projets, mais aussi suffisamment bas pour être un avantage de poids sur la facture énergétique des entreprises et des particuliers. L'exportation pourrait donc servir d'élément de régulation.

    A cela il faut ajouter la pression du secteur gazier qui a vu dans cette possible ouverture un formidable relai de croissance. Dès 2010, et alors que la question d'autoriser les exportations était très loin d'être tranchée, Cheniere a déposé une demande d'exportation, suivi en cela par une vingtaine de compagnies. Sur cette vingtaine de dossiers, sept ont été acceptés par l'administration américaine.

    L'autre raison est politique. En 2014, Barack Obama a annoncé qu'il accordait une 6e et 7e licence d'exportation. En 2014, les tensions entre d'un côté la Russie et de l'autre l'UE et les Etats-Unis au sujet de l'Ukraine et de la Crimée étaient particulièrement vives. Du côté du Vieux continent, de nombreuses voix s'élevaient pour contrer la dépendance européenne au gaz russe (qui fournit un peu moins de 40% du gaz consommé en Europe, mais 100% de la demande ukrainienne ou lituanienne).

    L'arrivée d'un nouvel acteur pouvait tomber à pic d'autant plus que la Russie n'a pas hésité à se servir plusieurs fois de la menace gazière pour appuyer ses positions politiques et géopolitiques. Si aucune véritable coupure n'a vraiment été envisagée dans l'approvisionnement des pays d'Europe de l'Ouest, des pays comme l'Ukraine ont été bien moins préservés des conséquences du monopole russe.

    Aussi bien du côté européen qu'américain, certains soutiennent donc l'utilisation du gaz made in Etats-Unis comme arme économique et politique contre la Russie.

    Six des terminaux en construction sont situés sur la côte est ou sud, donc bien placés pour exporter vers l'Europe. Et ce n'est peut-être pas un hasard si le premier cargo rempli de gaz américain va prendre la direction de l'Europe et non pas du Japon.

    Voilà pour ce qui est des raisons à ce changement de politique gazière.

    Après l'Amérique latine, conquérir l'Europe et l'Asie
    Le revirement est d'importance car, malgré les raisons que je vous ai exposées ci-dessus, nombreuses étaient les oppositions – politiques et économiques – à cette Amérique exportatrice de gaz. Le sujet est sur la table depuis de nombreuses années et a eu du mal à se frayer un chemin malgré le soutien affiché par Barack Obama dès son premier mandat.

    D'ailleurs la marche des Etats-Unis a été prudente. Les premiers accords signés sous la houlette d'Obama ont été avec des "pays frères" d'Amérique centrale et du Sud, comme le Mexique – qui importe déjà 16 millions de tonnes de gaz de schiste américain par an.

    Mais aujourd'hui, les Etats-Unis s'attaquent à un marché bien plus vaste : l'Europe et l'Asie. L'Union européenne importe environ 420 milliards de mètres cubes par an, le Japon 128 milliards et la Chine 60 milliards. Si, comme je vous le disais, six des sept terminaux en construction se trouvent à l'Est et au Sud, le 7e – construit ex nihilo – est quant à lui prévu sur la côte ouest. Objectif : le marché asiatique. Et une nouvelle fois concurrencer la Russie très présente aussi bien en Chine qu'au Japon.

    Pour les Etats-Unis voici donc des marchés particulièrement attractifs alors que l'Europe aspire depuis quelques années – et cela ne s'est pas arrangé avec l'affaire Ukraine-Russie – à réduire sa dépendance au gaz russe.

    Quant au Japon, presque entièrement dépendant des importations pour assouvir ses besoins énergétiques, il a toutes les chances d'être intéressé par l'arrivée d'un nouvel exportateur sur le marché mondial, d'autant plus que cet exportateur pourrait casser les prix car le cours du gaz naturel américain est bien inférieur à celui pratiqué en Europe, ou en Asie (tout particulièrement au Japon).



    Les Etats-Unis peuvent-ils faire sauter le prix du gaz mondial ?
    Au vu de ce graphique, vous devez avoir les cheveux qui se sont dressés sur la tête : le gaz naturel américain est plus de quatre fois moins cher que les prix du gaz au Japon et près de trois fois moins cher qu'en Europe. De quoi faire exploser en vol le marché du gaz et propulser les Etats-Unis en tête des plus grands exportateurs gaziers de la planète, non ?

    Au total, la capacité d'exportation de GNL américaine devrait atteindre les 65 millions de tonnes par an en 2018 (contre une production mondiale de 250 millions).
    Les Etats-Unis peuvent-ils inonder la planète de gaz à bas coût ?

    Eh bien... ce n'est pas si simple que cela.

    Premièrement, les exportations gazières américaines déboulent sur un marché déjà largement saturé. La demande mondiale de gaz, et les prix, devraient se reprendre dans les années qui viennent mais disons que les premières exportations outre-mer américaines n'arrivent pas au meilleur moment. La faiblesse des prix du gaz a déjà incité certaines compagnies à retirer leur dossier d'autorisation d'exporter.

    En outre, le principal atout du gaz US (son bas coût) tend aujourd'hui à s'amenuiser alors que les prix mondiaux du gaz s'effondrent en parallèle de ceux du pétrole. Même le pétrole au Japon est revenu à un prix plutôt raisonnable, autour de 9 $ le million de Btu contre 17,50-18 $ en 2012-2013.

    Ensuite, le prix auquel va être acheté le gaz américain ne correspond pas aux prix actuels du marché. Vous le savez, le monde des matières premières est essentiellement régi par des contrats négociés bien en amont.

    Les premiers contrats signés par Cheniere, par exemple avec le français Total, reposent donc sur des prix supérieurs à ceux pratiqués en ce moment. D'après Les Echos, Total va ainsi acheter le million de BTU à 7,5 $, alors que le prix du gaz européen varie entre les 5 $ et les 6 et quelques dollars.

    Ces contrats sont une bonne nouvelle pour Cheniere et les autres candidats exportateurs qui ne vont pas mettre la clé sous la porte dès demain mais qui limitent malgré tout l'avantage économique du gaz américain.

    Malgré ces – pas si négligeables – nuances, le gaz américain dispose d'un autre atout : ses contrats. Plus souples que ceux à 20 ans (!) traditionnellement proposés dans l'industrie gazière, ils s'adaptent mieux aux évolutions des cours et aux demandes des clients. Au final, ces contrats devraient rendre le gaz américain plus attractif que la concurrence traditionnelle.

    Alors, les Etats-Unis vont-ils conquérir le monde gazier ?
    Vous l'aurez compris, la réponse n'est pas évidente. De nombreux facteurs entrent en jeu : le cours du pétrole, celui du gaz, le rythme de délivrance des autorisations, l'intérêt des compagnies gazières pour l'exportation, la progression de la demande mondiale, le rythme d'entrée en fonctionnement des terminaux d'exportation...

    Les Etats-Unis peuvent devenir un acteur qui compte en matière d'exportation gazière, d'autant plus s'il parvient à convaincre ses clients de l'intérêt économique et géopolitique (les deux vont de pair) de son gaz.

    Pour les investisseurs qui souhaitent investir dans le secteur, des compagnies comme Ultra Petroleum (UPL-NYSE), Southwestern Energy (SWN-NYSE) et Cheniere Energy (LNG-NYSE) méritent votre attention.

    Avant de conclure pour aujourd'hui, j'ajouterai trois remarques :
    - Premièrement, même si les cours sont aujourd'hui au plus bas, le gaz me semble promis à un bien meilleur avenir. Cette source d'énergie s'avère une alternative crédible aux solutions plus polluantes comme le charbon. Or malgré des ratés, la tendance générale est tout de même à une meilleure prise en compte des contraintes environnementales en matière d'énergie, que cela soit aux Etats-Unis ou en Asie.
    - Deuxièmement, investir dans le gaz américain nécessite de garder un oeil attentif aux niveaux de production sur le territoire américain. La montée en puissance des Etats-Unis repose en grande partie sur le gaz de schiste. Or les réserves américaines ont beau être conséquentes, la durée de vie de ce type d'exploitation est très loin d'être éternelle. Attention donc au niveau de production !
    - Enfin, savez-vous que les Etats-Unis ne veulent pas seulement exporter leur gaz ? Ils ont de grandes ambitions... pour leur pétrole. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans la Quotidienne.

    la Quotidienne
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