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Le plus grand échec de l'Europe

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  • Le plus grand échec de l'Europe

    Pourquoi un tel fiasco social au sein du couple moteur de l'Europe ?

    Dans la presse économique, deux titres se télescopent. Le premier concerne la France et c'est la ritournelle habituelle : "record de demandeurs d'emplois encore battu". Le second concerne l'Allemagne et il est plus surprenant : "le patronat allemand est inquiet de l'arrêt de l'immigration et craint que le manque de main-d'œuvre n’engendre une catastrophe économique ".

    Ne serait-ce pas cela le plus grand échec de l'Europe, de voir que 60 ans ou presque après le traité de Rome, il existe encore une frontière étanche entre les deux grands pays voisins, dès lors que l'on parle de marché du travail ?

    Le constat est d'autant plus accablant que l'ambition première de la construction européenne était économique. D'ailleurs, ça s'appelait " le marché commun", dans le langage courant. L'objectif poursuivi était non seulement d'accroître la circulation des biens entre les pays membres et donc de favoriser ainsi la consommation et la croissance, mais aussi de favoriser la mobilité des citoyens pour coller aux besoins de l'économie. Loin des ambitions ultérieures, comme l'intégration politique, la diplomatie et la défense communes. L'échec est donc patent, d'autant qu'il concerne les deux plus grands pays fondateurs, que tout rapproche pourtant : politique sociale, niveaux de rémunération, protection sociale, fiscalité. Pour corser le tout, il faut même constater que l'Allemagne est allée ailleurs, notamment en Turquie, chercher les travailleurs qui lui manquaient, plutôt que d'installer des unités de production en France, tandis que l'emploi industriel s'effondrait chez nous. Alors pourquoi, pourquoi un tel fiasco social au sein du couple moteur de l'Europe ?

    Certes, on connaît un certain nombre de facteurs propres à la France, qui expliquent la faible mobilité de sa main-d'œuvre, déjà à l'intérieur de l'espace national : la multiplication des couples où les deux travaillent, ce qui complique évidemment les mutations ; la très généreuse protection sociale des sans-emploi, qui n'incite guère à la mobilité professionnelle ou géographique ; la faible pratique des langues étrangères, etc...

    On peut aussi aisément imaginer, pour l'avoir vécu de près, ce qui freine l'installation d'entreprises allemandes en France : la crainte des syndicats communisants et l'abondance des conflits sociaux médiatisés, celle aussi de l'administration et de la complexité des procédures de toute nature.

    “Voir que 60 ans ou presque après le traité de Rome, il existe encore une frontière étanche entre les deux grands pays voisins,
    dès lors que l'on parle de marché du travail ? ”

    Mais au-delà de ces arguments plus ou moins rationnels, l'explication première ne serait-elle pas à rechercher dans les facteurs culturels ?

    Dans le fait que la citoyenneté européenne n'existe toujours pas et qu'elle est même de plus en plus décriée au profit d'un repli sur soi régional et même purement local, surtout en France où l'on se complaît trop à considérer que le bonheur est dans le pré et dans le passé , au rythme des incessantes commémorations officielles .

    Dans le fait aussi que malgré la multiplication des voyages, des échanges d'étudiants et des mariages bi-nationaux, l'étranger reste un étranger, surtout peut-être quand on parle de l'Allemagne, rien qu'à lire la presse ou à regarder la télévision (malgré la présence d'Arte), car les clichés du passé semblent bien vivaces.

    Dans le fait enfin que l'esprit d'aventure paraît avoir régressé, sauf dans les classes aisées et bien éduquées. Car le paradoxe est que, tandis que la liste des chômeurs s'allonge dans les emplois de base, les diplômés s'en vont en masse à l'étranger chercher fortune, particulièrement dans la finance bien sûr. Preuve qu'il s'agit bien de facteurs essentiellement psychologiques et culturels.

    Alors, si ces hypothèses sont exactes, qui s'attaquera au sujet ? Car il ne concerne pas que le couple Franco- allemand. C'est l'Europe entière qui souffre de vieillissement et en même temps de chômage, tout en allant chercher sa main-d'œuvre de base dans des territoires lointains et des civilisations qui posent d'insolubles problèmes d'intégration. Et dire qu'il y a cinquante ans, les italiens, les espagnols, les portugais venaient en masse peupler les pays voisins, et avant eux les polonais. On a parfois l'impression que l'Europe avance à reculons, et que la mobilité des travailleurs, pourtant plus que jamais nécessaire, ne fait que régresser ou se restreindre aux seuls pays récemment entrés dans la Communauté, sans concerner les pays fondateurs, qui se posent en victimes sans chercher à en saisir les opportunités, pour ne parler que du cas de la France.

    Finalement, il n'y a que les frontaliers qui ont compris l'intérêt du système. Il n'y a qu'à aller se poster aux frontières de l'Est pour s'en convaincre. Humiliant peut-être pour la fierté nationale car ça ne marche que dans un sens. Mais qui s'en plaindra ? En tout cas pas ceux qui profitent de ces emplois qui n'existent pas chez eux.

    Comme quoi c'est sans doute l'inconnu qui fait peur encore dans l'Europe de 2016 ! Alors espérons que le succès du football, activité totalement européanisée depuis le fameux arrêt Bosman, fasse bientôt tâche d'huile et que les transferts entre nations passent un jour dans le quotidien de nos enfants, plutôt que d’aller pointer au Pôle emploi du coin de la rue .


    l'économiste
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