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Vous avez dit « complot » ? Personne n’est à l’abri

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  • Vous avez dit « complot » ? Personne n’est à l’abri

    Contrairement à ce qu’affirment certains de leurs détracteurs, les adeptes des théories du complot ne sont pas des individus irrationnels : leur croyance se fonde sur des raisonnements relativement ordinaires, mais poussés un peu trop loin

    uel est votre degré d’accord avec les théories suivantes, sur une échelle allant de 1 = « Pas du tout » à 7 = « Tout à fait » ? 1. Le sida a été conçu intentionnellement par l’homme, et plus spécifiquement par le gouvernement américain. 2. La mission Apollo n’a jamais atteint la Lune et les images dévoilées au grand public étaient un trucage de la Central Intelligence Agency (CIA). 3. L’assassinat de John F. Kennedy n’était pas l’acte d’un tireur isolé, mais le résultat d’une vaste machination. 4. La princesse Diana n’a pas péri dans un accident de voiture, elle a été assassinée…

    A l’instar de Pascal Wagner-Egger et Adrian Bangerter, les auteurs de ce test (1), la psychologie sociale tente depuis de nombreuses années d’analyser les mécanismes d’adhésion aux théories du complot. Elle considère ces théories comme des constructions collectives, qui constituent l’une des formes d’expression de la « pensée sociale » (2). Cette discipline s’est en particulier intéressée aux biais qui, dans nos manières courantes de raisonner, sont propices à la diffusion et à la persistance du conspirationnisme.

    On retrouve tout d’abord le « biais de conjonction », c’est-à-dire la tendance largement partagée à surestimer la probabilité que deux événements distincts soient en réalité corrélés. Daniel Kahneman et Amos Tversky l’ont vérifié par une expérience en 1983 (3). Les deux chercheurs ont proposé à des sujets un texte dressant le portrait de Linda, 31 ans, diplômée de philosophie, aux convictions de gauche et ayant milité dans des mouvements antiracistes. A la question : « Considère-t-on comme plus probable que Linda soit employée de banque (réponse A) ? ou employée de banque et féministe (réponse B) ? », près de 90 % des participants ont répondu B. Ils ont fondé leur jugement sur les données du portrait de départ qu’on leur avait fourni davantage que sur la probabilité intrinsèque d’un tel cas de figure — puisqu’il est plus commun d’être seulement employée de banque qu’employée de banque et féministe à la fois. Des stéréotypes, des considérations sociales implicites à partir du portrait de Linda ont conduit les sujets à une erreur de conjonction.

    Ce biais opère de façon directe dans les théories du complot. Olivier Klein et Nicolas Van der Linden l’ont montré à propos du 11-Septembre : confrontés à deux informations distinctes — la découverte d’acier fondu dans les débris des tours jumelles, l’absence de réaction de l’administration Bush aux informations selon lesquelles des individus proches d’Al-Qaida s’entraînaient dans des écoles de pilotage —, la plupart des participants ont eu tendance à juger la probabilité conjointe de ces deux éléments plus élevée que leur probabilité séparée (4).

    Le « biais d’intentionnalité », qui intervient dans la manière dont on attribue la causalité, joue lui aussi en faveur des théories du complot. John McClure, Denis J. Hilton et Robbie M. Sutton l’ont étudié dans une expérience récente (5). Ils ont présenté aux participants plusieurs récits d’un incendie, en variant ses causes : il était tantôt intentionnel (un acte criminel), tantôt fortuit (le soleil, la chaleur). Lorsqu’ils leur ont demandé quel récit leur semblait le plus vraisemblable, les sujets se sont prononcés majoritairement en faveur de l’incendie volontaire. Ce biais explique en partie pourquoi certains préfèrent les explications fournies par une théorie du complot, en particulier lorsque la version officielle manque d’intentionnalité (la mort de Diana Spencer, l’émergence du sida) ou présente une intentionnalité jugée douteuse (le 11-Septembre, les attentats à Charlie Hebdo).

    Le seul fait d’être confronté à certaines thèses
    encourage l’adhésion

    Vient ensuite le « biais de simple exposition ». Comme l’ont montré différents travaux, le seul fait d’être confronté à des thèses soutenant une théorie encourage inconsciemment notre adhésion à cette théorie. Les chercheurs Karen Douglas et Robbie M. Sutton ont voulu mesurer les conditions d’adhésion aux récits dissonants sur la mort de la princesse Diana. Le groupe d’étudiants auquel ils ont fourni des allégations appuyant l’hypothèse d’un assassinat manifestait une adhésion plus élevée à cette thèse que le groupe qui en était privé (6).

    Précisant les contours de ce biais, Daniel T. Gilbert et son équipe ont analysé la manière dont notre jugement est influencé par les conditions dans lesquelles nous recevons les informations et par le type d’informations connues (7). Dans le cadre de leur expérience, deux groupes de participants avaient reçu une liste de renseignements sur un prévenu dont ils devaient déterminer la culpabilité ; il leur était précisé que cette liste comportait plusieurs informations « fausses », facilement repérables car marquées en rouge et dont ils ne devaient pas tenir compte. Pour le premier groupe, les informations fausses constituaient des circonstances atténuantes ; pour le second, des circonstances aggravantes. Une partie des participants devaient en outre lire l’énumération en étant occupés à des tâches cognitives supplémentaires (par exemple, associer des chiffres aux éléments de la liste) tandis qu’une autre pouvait se concentrer sur sa lecture. Tous devaient ensuite se prononcer sur la culpabilité du prévenu et éventuellement lui infliger une peine. L’expérience montre que rares sont ceux qui ne tiennent pas compte des informations fausses ; lorsque leur attention est déjà sollicitée ailleurs, toutes les informations sont tenues pour vraies ; ceux disposant d’une liste avec des circonstances aggravantes (qu’ils savaient pourtant fausses) ont donc eu tendance à attribuer des peines plus lourdes.

    Enfin, le « biais de confirmation » conduit les individus à rechercher les informations appuyant leurs croyances préexistantes plutôt que celles qui les invalideraient. Il contribue ainsi à la persistance des théories du complot. En 1960, Peter C. Wason a mené une expérience pionnière à ce sujet. Il a présenté aux participants un triplet de trois chiffres (par exemple 2, 4 et 8) composé selon une règle particulière, puis il leur a demandé de créer plusieurs nouveaux triplets sur le même modèle et de les lui soumettre afin de découvrir quelle règle il avait suivie. Si le triplet était conforme, les participants devaient expliquer la règle qu’ils avaient présumée. Celle de Wason était très simple — ses trois chiffres suivaient « n’importe quelle suite croissante » —, mais la plupart des personnes interrogées ont énoncé une règle plus complexe : multiples de deux, chiffres pairs, progression géométrique… De plus, les triplets qu’elles ont soumis à l’expérimentateur testaient quasi exclusivement des exemples qui confirmaient leurs suppositions, alors que le meilleur moyen de vérifier leur hypothèse aurait été de proposer également un triplet qui n’y correspondait pas. Très peu de participants ont essayé des éventualités non conformes à la règle qu’ils croyaient avoir découverte. Ce biais de confirmation éclaire la tendance des théories du complot à s’autovalider.

    L’influence de ces quatre biais cognitifs étant le plus souvent inconsciente, il est difficile de se prétendre immunisé face au conspirationnisme. L’adhésion à ce type d’explication ne résulte pas d’une rationalité pathologique, mais plutôt d’une série de raisonnements relativement ordinaires, opérés sur la base des données disponibles et du contexte social.


    (1) Pascal Wagner-Egger et Adrian Bangerter, « La vérité est ailleurs : corrélats de l’adhésion aux théories du complot », Revue internationale de psychologie sociale, n° 4, Grenoble, avril 2007.

    (2) En 1973, Michel-Louis Rouquette introduit la notion de « pensée sociale » pour désigner une « pensée de la gestion quotidienne », c’est-à-dire une pensée de ce qui intéresse immédiatement les gens, de ce qui les préoccupe, leur importe (ce que la psychologie sociale appelle « l’implication »).

    (3) Daniel Kahneman et Amos Tversky, « Probability, representativeness, and the conjunction fallacy », Psychological Review, vol. 90, n° 4, Washington, DC, 1983.

    (4) Olivier Klein et Nicola Van der Linden, « Lorsque la cognition sociale devient paranoïde ou les aléas du scepticisme face aux théories du complot », dans Emmanuelle Danblon et Loïc Nicolas (sous la dir. de), Les Rhétoriques de la conspiration, CNRS Editions, Paris, 2010.

    (5) John McClure, Denis J. Hilton et Robbie M. Sutton, « Judgments of voluntary and physical causes in causal chains : Probabilistic and social functionalist criteria for attributions » (PDF), European Journal of Social Psychology, vol. 37, n° 5, Chichester (Royaume-Uni), 2007.

    (6) Karen M. Douglas et Robbie M. Sutton, « The hidden impact of conspiracy theories : Perceived and actual influence of theories surrounding the death of Princess Diana » (PDF), The Journal of Social Psychology, vol. 148, n° 2, Londres, 2008.

    (7) Daniel T. Gilbert, Romin W. Tafarodi et Patrick S. Malone, « You can’t not believe everything you read » (PDF), Journal of Personality and Social Psychology, vol. 65, n° 2, Washington, DC, 1993.


    le monde

  • #2
    C'est bien connu , c'est la vérité et la morale qui guide le monde
    Depuis l'apparition de internet ,les pouvoirs en place sont confrontés à un très grand défi : comment garder le contrôle de l'opinion publique ?
    Ils ont donc inventé le concept de " théorie du complot " qui vise à diaboliser tous ceux qui ne suivent pas la doctrine officielle

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