Les Français découvrent avec effroi la remise en cause du Code du Travail et de leurs acquis sociaux. Le projet de loi de réforme du droit du travail appelée communément « loi El Khomri » comporte de nombreuses dispositions préoccupantes [1]. C’est à se pincer lorsque l’on pense que nous avons un gouvernement dit « socialiste » au pouvoir.
Détaillons un peu plus quelles sont ces dispositions et interrogeons-nous ensuite sur ses effets et sur l’origine de cette réforme. Car il est bien beau de pousser des cris d’orfraie comme le font les soi-disant « frondeurs » ou une certaine partie de la gauche dite « radicale », mais personne, hormis l’UPR, ne pointe jamais du doigt l’origine des maux.
------------------------------------------------------
Une réforme du droit du travail à sens unique :
le détricotage du droit des salariés.
------------------------------------------------------
Découvrons ensemble quelles sont les mesures phares de ce projet de loi :
• En cas de licenciement pour une cause qui n’est pas réelle ou sérieuse, l’indemnité prud’homale est plafonnée à 15 mois de salaire. Il faut bien comprendre que le Code du Travail précédent ne mentionnait pas un plafond mais un plancher de 6 mois (Article L. 1235-3) ;
• Le temps de travail peut être modifié via un accord d’entreprise (Article L. 3121-43) ;
• Les temps d’astreinte peuvent être décomptés des temps de repos (Article L. 3121-68) ;
• Le dispositif « forfaits-jours », qui permet de ne pas décompter les heures de travail, peut être étendu à tous les salariés, alors qu’il ne concernait auparavant que les cadres (Article L. 3121-57). Avec près de 6 millions de chômeurs [2], le salarié sera sans doute obligé d’accepter si on le lui propose…
• Les apprentis mineurs pourront travailler 10 heures par jour et 40 heures par semaine (Article L. 6222-25) ;
• Le plancher de 24 heures hebdomadaires pour un contrat à temps partiel n’est plus la règle dans la loi puisque cela peut être modifié via un accord d’entreprise ou de branche (Article L. 3123-19). On se rapproche ainsi, petit à petit, du « contrat zéro heure » britannique et de la précarisation totale. [3]
• Il suffit d’un accord d’entreprise pour que les heures supplémentaires soient 5 fois moins majorées. Un plancher de majoration est tout de même fixé à 10% (Article L. 3121-33) ;
• Le licenciement économique est facilité puisque le champ d’application s’étend à la baisse du chiffre d'affaires, des commandes ou du résultat d'exploitation sur plusieurs mois (Article L. 1233-3) ;
• Après un accord d'entreprise, un salarié qui refuse un changement dans son contrat de travail peut être licencié pour motif personnel (Article L. 2254-2). Ce n’est pas considéré a priori comme un licenciement abusif ;
• Par un accord d’entreprise, on peut passer de 10h à 12h de travail maximum par jour (Article L. 3121-18).
-------------------------------------------------
Quels sont les effets a priori souhaités par le gouvernement ?
-------------------------------------------------
François Hollande fait mine d’espérer que cette mise en pièces des acquis sociaux va inverser la courbe du chômage et qu’il pourra donc justifier de se présenter à l’élection présidentielle de 2017.
On connaît la théorie formulée depuis les années 80-90 : ce serait en flexibilisant le marché du travail et en baissant les charges (cotisations) sur le travail que l’on créerait de l’emploi.
Le problème ce cette théorie, c’est qu’elle est mise en œuvre progressivement depuis 30 ans et que le chômage, pourtant,... ne cesse de monter.
Il n’y a pas si longtemps, on nous avait fait le coup avec le prétendu « Pacte de responsabilité ». Nous allions voir ce que nous allions voir. Le patron du Medef, Pierre Gattaz, qui est loin de représenter tous les chefs d’entreprise [4], nous en avait promis monts et merveilles, et rien moins que la création d’1 million d’emplois.
Deux ans après cette annonce mirobolante, les résultats sont là : le nombre de chômeurs des seules catégories A, B et C s’est accru de plus de 535 000 personnes [5] !
Comme nous l’avions parfaitement anticipé à l’époque [6], le moins que l’on puisse dire est que ce « Pacte de responsabilité » n’a donc pas amélioré significativement la situation de l’emploi… Et l’on peut hélas être certain qu’il en sera de même pour le train de mesures de la nouvelle loi en préparation.
Certains chefs d’entreprise mettent souvent en avant le problème du coût du travail et de la lourdeur du Code du Travail qui les freineraient pour embaucher. Il est possible que ce soit vrai ici ou là. Mais, si l’on étudie l’affaire de près, on se rend compte que le vrai problème du chômage en France vient d'abord et avant tout de la faiblesse des débouchés.
On ne recrute pas car les carnets de commande sont vides et les perspectives d’avenir moroses. Si vous n’avez pas de commandes, peu importe le coût du travail ou la facilité à licencier. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, disait d’ailleurs au sujet des contreparties du « Pacte de responsabilité » : « encore faut-il que les carnets de commande se remplissent » [7]. Cela semble être une terrible évidence que de le rappeler.
--------------------------------
Les origines du mal
--------------------------------
Comme le disait Bossuet, « Dieu se rit des prières qu'on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s'oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je? Quand on l'approuve et qu'on y souscrit. » [8]
Cette citation s’applique spécialement bien à tous ceux –notamment à gauche - qui s’indignent du projet de loi El Khomri mais qui ont chaudement approuvé les traités européens dont elle est la conséquence fatale.
Il y a tout d’abord la responsabilité du sacro-saint euro.
Les carnets de commande, que j’évoquais à l’instant, sont vides, d’abord et avant tout :
• parce que l’euro dégrade notre compétitivité-prix ;
• et parce que l’austérité perpétuelle imposée en France et dans toute la zone euro pour tenter de conserver cette monnaie comprime sans arrêt la demande.
Avec une parité fixe, on ne peut plus dévaluer pour retrouver de la compétitivité-prix. Il ne reste donc que la dévaluation interne qui consiste à casser le Code du Travail et les avantages au nom de la flexibilité. C’est aussi imparable que cela. La prochaine étape sera bien évidemment la flexibilité du salaire.
Ce pari fou peut marcher au prix d’un lourd tribut social lorsqu’un seul pays le fait. Ce fut le fameux cavalier seul allemand au début des années 2000. Mais, si tous les pays le font en même temps, comme c’est le cas dans la zone euro, on se retrouve avec une baisse massive de la demande partout et une récession généralisée.
C’est grosso modo la situation que l’on connaît depuis 2008 en zone euro, qui est – rappelons-le -, la zone de plus faible croissance au monde depuis le lancement de l’euro. Les carnets de commande sont en berne et le chômage monte en flèche. C’est la conséquence démentielle du dogme de la monnaie européenne. [9]
Au-delà même de l’aspect de l’euro, notre appartenance à l’Union européenne nous expose au libre-échange total via les articles 32 et 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (T.F.U.E.). Cela entraîne un retard tendanciel de la demande sur l’offre [10]. Cela n’aide pas les carnets de commande et c’est actuellement compensé par un endettement massif.
Détaillons un peu plus quelles sont ces dispositions et interrogeons-nous ensuite sur ses effets et sur l’origine de cette réforme. Car il est bien beau de pousser des cris d’orfraie comme le font les soi-disant « frondeurs » ou une certaine partie de la gauche dite « radicale », mais personne, hormis l’UPR, ne pointe jamais du doigt l’origine des maux.
------------------------------------------------------
Une réforme du droit du travail à sens unique :
le détricotage du droit des salariés.
------------------------------------------------------
Découvrons ensemble quelles sont les mesures phares de ce projet de loi :
• En cas de licenciement pour une cause qui n’est pas réelle ou sérieuse, l’indemnité prud’homale est plafonnée à 15 mois de salaire. Il faut bien comprendre que le Code du Travail précédent ne mentionnait pas un plafond mais un plancher de 6 mois (Article L. 1235-3) ;
• Le temps de travail peut être modifié via un accord d’entreprise (Article L. 3121-43) ;
• Les temps d’astreinte peuvent être décomptés des temps de repos (Article L. 3121-68) ;
• Le dispositif « forfaits-jours », qui permet de ne pas décompter les heures de travail, peut être étendu à tous les salariés, alors qu’il ne concernait auparavant que les cadres (Article L. 3121-57). Avec près de 6 millions de chômeurs [2], le salarié sera sans doute obligé d’accepter si on le lui propose…
• Les apprentis mineurs pourront travailler 10 heures par jour et 40 heures par semaine (Article L. 6222-25) ;
• Le plancher de 24 heures hebdomadaires pour un contrat à temps partiel n’est plus la règle dans la loi puisque cela peut être modifié via un accord d’entreprise ou de branche (Article L. 3123-19). On se rapproche ainsi, petit à petit, du « contrat zéro heure » britannique et de la précarisation totale. [3]
• Il suffit d’un accord d’entreprise pour que les heures supplémentaires soient 5 fois moins majorées. Un plancher de majoration est tout de même fixé à 10% (Article L. 3121-33) ;
• Le licenciement économique est facilité puisque le champ d’application s’étend à la baisse du chiffre d'affaires, des commandes ou du résultat d'exploitation sur plusieurs mois (Article L. 1233-3) ;
• Après un accord d'entreprise, un salarié qui refuse un changement dans son contrat de travail peut être licencié pour motif personnel (Article L. 2254-2). Ce n’est pas considéré a priori comme un licenciement abusif ;
• Par un accord d’entreprise, on peut passer de 10h à 12h de travail maximum par jour (Article L. 3121-18).
-------------------------------------------------
Quels sont les effets a priori souhaités par le gouvernement ?
-------------------------------------------------
François Hollande fait mine d’espérer que cette mise en pièces des acquis sociaux va inverser la courbe du chômage et qu’il pourra donc justifier de se présenter à l’élection présidentielle de 2017.
On connaît la théorie formulée depuis les années 80-90 : ce serait en flexibilisant le marché du travail et en baissant les charges (cotisations) sur le travail que l’on créerait de l’emploi.
Le problème ce cette théorie, c’est qu’elle est mise en œuvre progressivement depuis 30 ans et que le chômage, pourtant,... ne cesse de monter.
Il n’y a pas si longtemps, on nous avait fait le coup avec le prétendu « Pacte de responsabilité ». Nous allions voir ce que nous allions voir. Le patron du Medef, Pierre Gattaz, qui est loin de représenter tous les chefs d’entreprise [4], nous en avait promis monts et merveilles, et rien moins que la création d’1 million d’emplois.
Deux ans après cette annonce mirobolante, les résultats sont là : le nombre de chômeurs des seules catégories A, B et C s’est accru de plus de 535 000 personnes [5] !
Comme nous l’avions parfaitement anticipé à l’époque [6], le moins que l’on puisse dire est que ce « Pacte de responsabilité » n’a donc pas amélioré significativement la situation de l’emploi… Et l’on peut hélas être certain qu’il en sera de même pour le train de mesures de la nouvelle loi en préparation.
Certains chefs d’entreprise mettent souvent en avant le problème du coût du travail et de la lourdeur du Code du Travail qui les freineraient pour embaucher. Il est possible que ce soit vrai ici ou là. Mais, si l’on étudie l’affaire de près, on se rend compte que le vrai problème du chômage en France vient d'abord et avant tout de la faiblesse des débouchés.
On ne recrute pas car les carnets de commande sont vides et les perspectives d’avenir moroses. Si vous n’avez pas de commandes, peu importe le coût du travail ou la facilité à licencier. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, disait d’ailleurs au sujet des contreparties du « Pacte de responsabilité » : « encore faut-il que les carnets de commande se remplissent » [7]. Cela semble être une terrible évidence que de le rappeler.
--------------------------------
Les origines du mal
--------------------------------
Comme le disait Bossuet, « Dieu se rit des prières qu'on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s'oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je? Quand on l'approuve et qu'on y souscrit. » [8]
Cette citation s’applique spécialement bien à tous ceux –notamment à gauche - qui s’indignent du projet de loi El Khomri mais qui ont chaudement approuvé les traités européens dont elle est la conséquence fatale.
Il y a tout d’abord la responsabilité du sacro-saint euro.
Les carnets de commande, que j’évoquais à l’instant, sont vides, d’abord et avant tout :
• parce que l’euro dégrade notre compétitivité-prix ;
• et parce que l’austérité perpétuelle imposée en France et dans toute la zone euro pour tenter de conserver cette monnaie comprime sans arrêt la demande.
Avec une parité fixe, on ne peut plus dévaluer pour retrouver de la compétitivité-prix. Il ne reste donc que la dévaluation interne qui consiste à casser le Code du Travail et les avantages au nom de la flexibilité. C’est aussi imparable que cela. La prochaine étape sera bien évidemment la flexibilité du salaire.
Ce pari fou peut marcher au prix d’un lourd tribut social lorsqu’un seul pays le fait. Ce fut le fameux cavalier seul allemand au début des années 2000. Mais, si tous les pays le font en même temps, comme c’est le cas dans la zone euro, on se retrouve avec une baisse massive de la demande partout et une récession généralisée.
C’est grosso modo la situation que l’on connaît depuis 2008 en zone euro, qui est – rappelons-le -, la zone de plus faible croissance au monde depuis le lancement de l’euro. Les carnets de commande sont en berne et le chômage monte en flèche. C’est la conséquence démentielle du dogme de la monnaie européenne. [9]
Au-delà même de l’aspect de l’euro, notre appartenance à l’Union européenne nous expose au libre-échange total via les articles 32 et 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (T.F.U.E.). Cela entraîne un retard tendanciel de la demande sur l’offre [10]. Cela n’aide pas les carnets de commande et c’est actuellement compensé par un endettement massif.
Commentaire