fait 3 morts et plus de 50 blessés, dans et autour du stade Mohammed V. Ce drame intervient après un an et demi d'incidents en marge de matchs de foot, avec blessés et dégâts matériels en nombre aux quatre coins du Royaume. Cela traduit surtout un malaise très profond entre des instances amorphes et une jeunesse difficile à canaliser.
PAR FAROUK ABDOU, AU MAROC*LUNDI 21 MARS
*
25 janvier 2015. Le Raja vient de s’incliner face au Moghreb de Tétouan (0-1) pour la reprise de la Botola Pro (le championnat du Maroc), au stade Mohammed V de Casablanca. A quelques centaines de mètres, à l’arrêt de tramway Ghandi, des hordes de supporters envahissent la rame, insensibles aux efforts des policiers tentant de les orienter vers l’extrémité du quai. Le vert, en écharpes et t-shirts, est partout. La moyenne d’âge plafonne à 13-14 ans. Malgré 200 places réglementaires, ils sont plus du double à se compresser à l’intérieur. Irrespirable. Un homme d’une quarantaine d’années renonce à toute tentative de monter : «**C’est peine perdue, quand ils déferlent comme ça, aucun moyen de les dévier de leur route. Là, ça va encore, ils sont morts de rire, mais dans deux arrêts, si une gifle ou une bousculade part, ils peuvent semer le chaos**» .
En 20 mois, une trentaine de fais divers liés au hooliganismeSamedi dernier, le stade Mohammed V a connu le chaos. A cause de virages fermés pour travaux, les groupes ultras du Raja, habituellement placés dans le virage Sud, se sont rabattus dans les tribunes latérales à ciel ouvert - ou «*grillage**» dans le jargon du stade - pour y voir leurs Verts affronter le Chabab Al Hoceima. Sauf que l’ambiance dégénère et deux des trois principaux groupes - les Eagles 06 et les Greenboys 05 - s’offrent une bataille rangée entraînant de gigantesques mouvements de foule. Projectiles, de fumigènes, bagarres entre des sweats à capuche - les Eagles - et des torses nus - l’habitude des Green Boys pour tous les matchs du Raja, quelle que soit la météo - et les grilles de séparation de la tribune cèdent, détruites. 3 mineurs, dont 2 garçons de 14 et 17 ans, y ont surtout laissé leur vie, alors que 54 blessés, des arrestations et des dégâts en pagaille autour du stade sont à déplorer.
Ces actes sont désormais monnaie courante au Maroc. Après de graves incidents à Casablanca en 2012 et 2013, le pays subit depuis le début de la saison 2014-2015, une nouvelle vague de violences, à un rythme moyen mensuel d’un ou deux incidents. Les blessés s'accumulent (170 supporters et 100 policiers sur la période 2013-2015 selon le Ministère de l'Intérieur), tout comme les centaines de voitures et de commerces détruits. Aucune ville n’est épargnée. En septembre 2014, les supporters de l’AS FAR Rabat ravagent un train, après un match contre le Raja. A Agadir, la venue de milliers de supporters du Wydad Casablanca a donné lieu, à deux reprises (mai et novembre 2015), à une guérilla urbaine de grande ampleur. En mars 2015, un quinquagénaire meurt, tombé au milieu de bagarres entre rajaouis et fans de l’OCK à Khouribga. Le dernier derby de Casa a lui dégénéré en affrontements entre supporters, puis contre la police. Le point commun de tous ces actes ? Des arrestations de mineurs non encadrés, 2787 selon les chiffres du Ministère de l'Intérieur, toujours sur la période 2013-2015, qui se déplacent par grappes, et vandalisent à tout va.
Une génération laissée pour compte, le foot et la violence pour exutoireAu Maghreb, le mouvement Ultra, et ses premeirs groupes, a commencé à se développer en Tunisie en 2001. Il faudra attendre 2005 pour le Maroc et des milliers d’ados fascinés par cet univers très loin de leur quotidien : la pauvreté, le désœuvrement, l’absence de perspective apportée par l’éducation, l’ennui. L’ambiance du stade, les chants, les tifos, a constitué un moment de réconfort qui les rend aujourd’hui fous, limite parano. Pour cette génération de 10-18 ans, tout est ennemi : la société, les adultes, la police qui persécute, les supporters de l’équipe d’en face, ceux de leur propre camp, qui ne chantent pas, les critiquent, leur disputent «**la suprématie**» des encouragements. Et dans ce contexte, qui peut aussi comporter drogues et armes blanches, la violence devient pour eux un acte légitime. Les Eagles et Greenboys du Virage Sud de Casablanca s’affrontent par exemple gravement une ou deux fois par an en moyenne, dans un sentiment, malgré la répression policière de plus en plus brutale, d’impunité. Dans la plupart des cas, les mineurs arrêtés pour vandalisme sortent après leur garde à vue ou écopent de peines légères (entre 2 et 6 mois, sinon acquittements).
PAR FAROUK ABDOU, AU MAROC*LUNDI 21 MARS
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25 janvier 2015. Le Raja vient de s’incliner face au Moghreb de Tétouan (0-1) pour la reprise de la Botola Pro (le championnat du Maroc), au stade Mohammed V de Casablanca. A quelques centaines de mètres, à l’arrêt de tramway Ghandi, des hordes de supporters envahissent la rame, insensibles aux efforts des policiers tentant de les orienter vers l’extrémité du quai. Le vert, en écharpes et t-shirts, est partout. La moyenne d’âge plafonne à 13-14 ans. Malgré 200 places réglementaires, ils sont plus du double à se compresser à l’intérieur. Irrespirable. Un homme d’une quarantaine d’années renonce à toute tentative de monter : «**C’est peine perdue, quand ils déferlent comme ça, aucun moyen de les dévier de leur route. Là, ça va encore, ils sont morts de rire, mais dans deux arrêts, si une gifle ou une bousculade part, ils peuvent semer le chaos**» .
En 20 mois, une trentaine de fais divers liés au hooliganismeSamedi dernier, le stade Mohammed V a connu le chaos. A cause de virages fermés pour travaux, les groupes ultras du Raja, habituellement placés dans le virage Sud, se sont rabattus dans les tribunes latérales à ciel ouvert - ou «*grillage**» dans le jargon du stade - pour y voir leurs Verts affronter le Chabab Al Hoceima. Sauf que l’ambiance dégénère et deux des trois principaux groupes - les Eagles 06 et les Greenboys 05 - s’offrent une bataille rangée entraînant de gigantesques mouvements de foule. Projectiles, de fumigènes, bagarres entre des sweats à capuche - les Eagles - et des torses nus - l’habitude des Green Boys pour tous les matchs du Raja, quelle que soit la météo - et les grilles de séparation de la tribune cèdent, détruites. 3 mineurs, dont 2 garçons de 14 et 17 ans, y ont surtout laissé leur vie, alors que 54 blessés, des arrestations et des dégâts en pagaille autour du stade sont à déplorer.
Ces actes sont désormais monnaie courante au Maroc. Après de graves incidents à Casablanca en 2012 et 2013, le pays subit depuis le début de la saison 2014-2015, une nouvelle vague de violences, à un rythme moyen mensuel d’un ou deux incidents. Les blessés s'accumulent (170 supporters et 100 policiers sur la période 2013-2015 selon le Ministère de l'Intérieur), tout comme les centaines de voitures et de commerces détruits. Aucune ville n’est épargnée. En septembre 2014, les supporters de l’AS FAR Rabat ravagent un train, après un match contre le Raja. A Agadir, la venue de milliers de supporters du Wydad Casablanca a donné lieu, à deux reprises (mai et novembre 2015), à une guérilla urbaine de grande ampleur. En mars 2015, un quinquagénaire meurt, tombé au milieu de bagarres entre rajaouis et fans de l’OCK à Khouribga. Le dernier derby de Casa a lui dégénéré en affrontements entre supporters, puis contre la police. Le point commun de tous ces actes ? Des arrestations de mineurs non encadrés, 2787 selon les chiffres du Ministère de l'Intérieur, toujours sur la période 2013-2015, qui se déplacent par grappes, et vandalisent à tout va.
Une génération laissée pour compte, le foot et la violence pour exutoireAu Maghreb, le mouvement Ultra, et ses premeirs groupes, a commencé à se développer en Tunisie en 2001. Il faudra attendre 2005 pour le Maroc et des milliers d’ados fascinés par cet univers très loin de leur quotidien : la pauvreté, le désœuvrement, l’absence de perspective apportée par l’éducation, l’ennui. L’ambiance du stade, les chants, les tifos, a constitué un moment de réconfort qui les rend aujourd’hui fous, limite parano. Pour cette génération de 10-18 ans, tout est ennemi : la société, les adultes, la police qui persécute, les supporters de l’équipe d’en face, ceux de leur propre camp, qui ne chantent pas, les critiquent, leur disputent «**la suprématie**» des encouragements. Et dans ce contexte, qui peut aussi comporter drogues et armes blanches, la violence devient pour eux un acte légitime. Les Eagles et Greenboys du Virage Sud de Casablanca s’affrontent par exemple gravement une ou deux fois par an en moyenne, dans un sentiment, malgré la répression policière de plus en plus brutale, d’impunité. Dans la plupart des cas, les mineurs arrêtés pour vandalisme sortent après leur garde à vue ou écopent de peines légères (entre 2 et 6 mois, sinon acquittements).
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