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L’Europe allemande et l’étrangleur ottoman

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  • L’Europe allemande et l’étrangleur ottoman

    L'Europe a décidé de suivre la solution Merkel : payer la Turquie pour lui sous-traiter un contrôle que "l'Europe ouverte" ne veut plus assumer. Ce mélange de cynisme et de soumission coûte bien plus que les 6 milliards réclamés par Erdogan.

    Il n’y a plus qu’eux deux. Merkel et Erdogan. Des mutants. L’ex-future prix Nobel de la paix « no border » s’est alignée sur l’abominable Orban. Mais il ne faut pas le dire. Le nouveau sauveur de l’Europe est l’ancien bourreau de la place Taksim. Mais il ne faut pas s’en souvenir. L’Europe s’était soumise à Merkel. Elle la soumet au satrape ottoman. Le triomphe de l’impuissance. Mais il faut parler de « pragmatisme ». L’Histoire retiendra plutôt un mélange infantile de naïveté, d’égoïsme et de brutalité passant de « Youpi ! » à « Veux plus ! ». Les riants selfies de bienvenue sous les applaudissements du patronat allemand, puis, soudain : « La politique du laisser-faire est terminée ! »

    La force d’Angela Merkel : imposer ses volte-face par le fait accompli en disant que c’est l’Europe qui change. L’appel aux migrants sans concertation. L’abandon unilatéral des accords de Dublin sur l’asile. La violation de la procédure Schengen pour rétablir les contrôles aux frontières allemandes. La négociation sans mandat avec la Turquie. Elle a imposé son irénisme, puis sa panique, découvrant que les « migrants » ne venaient pas tous de Syrie, qu’ils n’étaient pas tous ingénieurs, et que beaucoup transportaient des valeurs culturelles déconcertantes. Cologne est passé par là. Tout comme a impressionné l’Allemagne cette Conférence internationale des réfugiés et migrants organisée à Hambourg le 26 février et proclamant deux exigences formulées avec un mélange d’évidence et d’arrogance : « Liberté de circulation ! Liberté d’installation ! » Une preuve d’assimilation du langage européen au moment où il passe de mode…

    Les diktats successifs de la chancelière ont humilié la Commission et le Conseil européens. Qui se sont écrasés. L’habitude. Mais aussi la culpabilité. Depuis quatre ans, Bruxelles n’a pas anticipé les effets de la crise syrienne. Soit accueillir ceux qui le demandaient en allant les chercher avant qu’ils ne risquent leur vie. Soit les aider à retrouver leur patrie en organisant avec l’ONU une coalition armant des bataillons de réfugiés. L’Europe postnationale n’y a pas pensé, laissant l’imperium allemand imposer ses petits calculs démographiques. Parce qu’elle se rêvait hors de l’Histoire. Sans frontières et sans gardes frontières. Merkel a fait exploser ce catéchisme pour temps de paix. A ne pas faire la différence entre clandestins économiques et réfugiés, on maltraite ces derniers. A ne pas faire la différence entre asile politique et asile humanitaire temporaire, on piétine les deux.

    L’Europe découvre qu’elle a abandonné les attributs de la souveraineté. Ils ne se reconstruisent pas en cinq minutes. Parler de « hot spots » (pour ne pas dire « camps de tri ») et de « réadmissions » (pour ne pas dire « expulsions ») ne suffit pas. Après avoir traité de « xénophobe » l’Australie (dont la marine préserve autant ses frontières que la vie des migrants qu’elle refoule), Bruxelles abandonne son angélisme indifférent aux milliers de morts en Méditerranée pour suivre une fois de plus la « solution » Merkel : payer la Turquie pour lui sous-traiter un contrôle que l’« Europe ouverte » ne veut plus assumer. Les cris et les pleurs. La police et l’armée. Des heurts et du sang.

    Ce mélange de cynisme et de soumission coûte bien plus que les 6 milliards réclamés par Erdogan. Il y a le risque de s’en remettre à un plus cynique faisant le jeu de l’Etat islamique qui alimente la fuite des réfugiés. Il y a l’hypocrisie de déclarer la Turquie « pays sûr » pour lui renvoyer avec la conscience tranquille des réfugiés du sol européen. Il y a la faute de mélanger la gestion de la crise migratoire et la libération des visas pour 75 millions de Turcs. A défaut de la Turquie, ce sont les Turcs qui entreront dans l’Union ! Où Erdogan pourra venir les haranguer comme il l’a fait à Strasbourg en décembre dernier, les incitant à ne pas s’intégrer dans cette Europe professant « la xénophobie, l’islamophobie et le racisme ».

    Car l’humiliation est le péché mignon du nouveau sultan. Il s’amuse beaucoup avec Merkel, qu’il rencontre peu, lui délégant de loin son Premier ministre. Parce qu’il pense qu’« une femme est avant tout une mère » et que « l’égalité homme-femme est contre nature » ? C’est le moment où son épouse voilée – qui ne s’exprime qu’à son signal – explique (pour les femmes de Cologne ?) que le harem est « une école pour la préparation à la vie ». Le nouvel homme fort de l’Europe malade en rajoute dans la provocation en vantant l’œuvre institutionnelle de Hitler et en piétinant tous les chapitres de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, pourchassant avocats, journalistes, universitaires et expulsant le correspondant du Spiegel ! Mais il peut continuer, Berlin vient de s’abaisser à reporter une proposition de loi sur le génocide arménien et Bruxelles préfère sanctionner la Pologne, qui a modifié le processus de nomination de ses présidents de chaîne de télévision…

    L’Europe se déshonore pour un avenir incertain. Parce que la Turquie risque de ne pas plus respecter cet accord que ses précédents engagements. Parce que son application va soulever en Grèce des problèmes considérables que les bureaucrates de Bruxelles sous-estiment. Et parce que les migrants économiques d’Afrique, aujourd’hui plus nombreux que les Syriens, passeront par la Libye. Où il n’y a pas d’Erdogan. Ou plutôt où il n’y a en a plus. Il s’appelait Kadhafi.

    Marianne
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