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Maroc : la méthode d’un média proche du palais pour « dégonfler » les scoops gênants

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  • Maroc : la méthode d’un média proche du palais pour « dégonfler » les scoops gênants

    Il ne fallait attendre que le Monde nous disent ue 360 est le defenseur du Roi Mega$ 6

    En vocabulaire militaire, on appelle cela une « frappe préventive », consistant à tirer le premier en cas d’attaque imminente. Pour le site marocain Le360, c’est devenu une méthode, presque une habitude, qui a démontré son efficacité.

    Le 7 mars 2016, près d’un mois avant la date du 3 avril retenue par des médias du monde entier pour publier les révélations des « Panama papers », le site réputé proche du palais surprend son monde en publiant un article intitulé « Les dessous d’une enquête bidon sur deux biens appartenant au roi ». En réalité, un pamphlet visant nommément Will Fitzgibbon, un des reporters d’ICIJ, le consortium international de journalistes d’investigation qui coordonne l’enquête à laquelle participe Le Monde sur les 11,5 millions documents issus de la firme panaméenne Mossack Fonseca.


    L’auteur de l’article, Aziz Bada, un nom d’emprunt, reproche au journaliste américain de s’intéresser à Mohammed Mounir Majidi, le secrétaire particulier du roi du Maroc, Mohammed VI. Lequel a reçu une lettre de Will Fitzgibbon qui pose des questions sur l’achat d’un bateau de plaisance et d’un appartement luxueux à Paris par l’entremise de deux sociétés enregistrées dans les îles Vierges britanniques et au Luxembourg. Cette lettre personnelle, adressée à M. Majidi par l’intermédiaire de son avocat, Hicham Naciri, est visiblement dans les mains des journalistes du site Le360.ma.

    Lire aussi : Maroc : qui est Hicham Naciri, l’homme qui a négocié avec les deux journalistes français ?

    « Circulez, il n’y a rien à cacher ! »

    L’article déploie une série d’arguments pour convaincre ses lecteurs que l’enquête d’ICIJ est « bidon », mêlant leçons de journalisme et contre-vérités sur des informations qu’il valide pourtant au passage : « Est-ce ainsi que l’on fait du journalisme d’investigation ? Tenir un ton inquisitorial pour demander des comptes sur des opérations légales, relevant de la sphère privée ? Est-ce en se focalisant sur deux achats que l’on cherche à transformer en découvertes des informations publiques ? De quel droit demander des comptes au sujet d’un voilier et d’un appartement appartenant au roi du Maroc ? »

    Le journaliste d’ICIJ est placé, photomontage à l’appui, au centre d’une cabale dont les maîtres d’orchestre sont désignés : le prince Moulay Hicham [un cousin du roi qui s’est opposé publiquement à Mohammed VI ces dernières années], l’avocat Patrick Baudouin [président d’honneur de la FIDH, qui défend les intérêts de Moulay Hicham et du boxeur Zakaria Moumni] et son confrère William Bourdon [avocat, entre autres, des journalistes Ahmed Benchemsi et Eric Laurent].

    Et surtout, Le360.ma affirme que les questions de Will Fitzgibbon, de l’ICIJ, n’apportent rien de nouveau. « Les documents et données au sujet des deux sociétés (…) sont publics. Quiconque peut les consulter. Circulez, il n’y a rien à cacher ! », tonne l’auteur de l’article. Rien n’est moins vrai et c’est paradoxalement cet article d’Aziz Bada qui rend public, avant l’ICIJ, l’existence de ces montages offshore.

    Ce n’est pas la première fois que Le360 procède de la sorte. En février 2015, il publiait une diatribe contre Gérard Davet et Fabrice Lhomme, deux journalistes du Monde qui enquêtaient dans le cadre de l’affaire « SwissLeaks » sur des comptes bancaires ouverts par le roi du Maroc et certains membres de la famille royale auprès de HSBC Private Banking à Genève. La frappe préventive découlait elle aussi du courrier adressé au secrétaire particulier du roi, Mounir Majidi, avant la publication de l’article du Monde afin de recueillir ses réactions. Tout en publiant les fac-similés du courrier adressé par les deux journalistes à M. Majidi, Le360 désignait le même coupable : « Parmi les commanditaires de cet article figure au premier rang Moulay Hicham. »

    Un mode opératoire bien rodé, qui a parfois réussi à interrompre des enquêtes de journalistes marocains en sortant très vite un article sur le sujet de l’investigation en cours et la liste des personnes interrogées par ces journalistes.
    Intimidation

    Classé douzième site marocain en termes d’audience par Alexa, la filiale d’Amazon, Le360.ma est, depuis sa création, en 2013, sujet de controverses. L’actionnaire le plus en vue de la holding qui contrôle Le360.ma est le galeriste et critique d’art Aziz Daki. Il est notoirement très proche de Mounir Majidi, qui l’a recruté comme directeur artistique et porte-parole du Festival Mawazine, le plus grand événement musical organisé annuellement à Rabat. M. Majidi a présidé pendant dix ans l’association qui gère le festival, avant de transmettre les rênes à Abdeslam Ahizoune, autre proche du palais, président de Maroc Telecom.


    Dans l’affaire « Panama papers », d’autres personnalités mises en cause ont tenté de minimiser l’impact des révélations en publiant leur version avant la sortie des articles à leur sujet. Avec beaucoup moins de succès. L’épouse du premier ministre islandais, Sigmundur David Gunnlaugsson, a bien tenté d’avouer le 15 mars sur son compte Facebook l’existence de la société offshore controversée, Wintris, que son mari lui a cédée pour 1 dollar symbolique en 2009. Cela n’a pas empêché M. Gunnlaugsson de démissionner, le 5 avril 2016, moins de quarante-huit heures après la publication de l’enquête le concernant. Le Kremlin, de son côté, a accusé, quelques jours avant la révélation des « Panama Papers » la CIA d’être derrière l’opération qui détaillait les schémas mis en place par des proches du président, Vladimir Poutine, pour siphonner une partie des ressources russes. Avec un résultat mitigé : seuls les partisans de M. Poutine et les adeptes de la théorie du complot y ont adhéré.

    Les méthodes du site Le360 sont autrement plus efficaces. Elles témoignent du talent des « spin doctors » du palais royal marocain pour dégonfler les scoops et intimider ceux des médias marocains qui seraient tentés de relayer les révélations gênantes pour le palais.


    Cette fois, pourtant, en voulant griller la politesse aux enquêteurs des « Panama papers », Le360.ma pourrait s’être tiré une balle dans le pied. Son « outing », un mois avant la publication des « Panama papers », a en effet permis au site d’investigation marocain Ledesk d’enquêter sur SMCD Ltd, enregistrée aux îles Vierges, gérée par Mounir Majidi et dont l’ayant droit économique est le roi Mohammed VI. Et de découvrir que cette société était encore officiellement citée comme actionnaire d’une autre société, Alliances Développement Immobilier (ADI), cotée à la Bourse de Casablanca, et cela alors que SMCD a été dissoute en août 2013. Cela met en cause la fiabilité des informations financières fournies par ADI aux autorités boursière et aux épargnants marocains. Cette affaire pourrait appeler un complément d’enquête ces prochaines semaines – mais sans doute pas sur Le360.ma.

    Le Monde 06-04-2016
    Le traité de Fès, nommé traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'organisation du protectorat français dans l'Empire chérifien,
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