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Faut-il avoir peur… de manquer d’engrais?

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  • Faut-il avoir peur… de manquer d’engrais?

    Les réserves mondiales de phosphore seraient en train de s’épuiser. Or, sans cet élément clé des engrais, l’agriculture pourrait très vite péricliter


    Depuis quelques années, la nouvelle revient régulièrement dans les médias: les réserves mondiales de phosphore seraient en train de s’épuiser. Or, sans cet élément clé des engrais, essentiel à la croissance des plantes, l’agriculture pourrait très vite péricliter. La famine est-elle à nos portes?

    Aujourd’hui, environ 90 % du phosphore utilisé dans les engrais est obtenu à partir d’un nombre limité de gisements de roches phosphatées sédimentaires, qui ont mis des millions d’années à se former au fond de mers désormais disparues.

    Les principaux gisements exploités contiennent du phosphore sous forme d’apatite, et sont situés au Maroc, en Chine, aux États-Unis et en Syrie. La production annuelle de roches phosphatées est d’environ 220 millions de tonnes, dont 82 % vont à la production d’engrais. Une fois purifié, le minerai est généralement traité avec de l’acide sulfurique pour donner des phosphates sous une forme que les plantes peuvent assimiler.

    À lui seul, le Maroc disposerait des trois quarts des réserves mondiales, selon les chiffres compilés par l’agence américaine US Geological Survey. Les réserves américaines, elles, sont en net déclin, et la capacité de production des 10 mines que compte encore le pays a commencé à baisser. Le Canada n’a aucune mine d’apatite en exploitation.

    Selon Dana Cordell, une scientifique australienne dont les recherches sont souvent citées dans les médias, ces réserves de roches phosphatées pourraient s’épuiser d’ici 50 à 100 ans. L’US Geological Survey, lui, parle de 100 à 125 ans, alors que l’International Fertilizer Development Center, un centre de recherche indépendant, parle de plusieurs siècles.

    Estimer les réserves globales d’une matière première non renouvelable, qu’il s’agisse du pétrole ou d’une roche phosphatée, est un art extrêmement délicat. Depuis les relevés sur le terrain jusqu’à l’évaluation de la demande future (en tenant compte notamment de la croissance de la population, de l’évolution des habitudes alimentaires et du climat) en passant par l’évolution des technologies, de l’environnement politique et des prix, le processus est tellement entaché d’incertitudes qu’on peut lui faire dire à peu près n’importe quoi.

    Chose certaine, toutefois, les roches phosphatées ne sont pas renouvelables, et un jour ou l’autre, il faudra s’en passer. Mais de même que le pétrole de schiste et les sables bitumineux ont fait reculer le «pic du pétrole», de nouveaux gisements risquent fort de changer la donne pour le phosphore.

    On a ainsi découvert plusieurs gisements de roches ignées (issues du refroidissement du magma) qui contiennent des quantités intéressantes d’apatite, le principal minéral exploité pour la fabrication d’engrais. Cependant, ils renferment en général une moindre grande concentration d’apatite que les gisements sédimentaires, et celle-ci est plus difficile à séparer du reste car la roche est plus dure. Mais une fois l’apatite isolée, il est plus facile d’en extraire le phosphate. Des gisements d’apatite ignée sont déjà exploités notamment en Afrique du Sud et en Russie.

    Au Québec, deux entreprises, Mine Arnaud à Sept-Îles et Arianne Phosphate au Saguenay, prévoient chacune démarrer une mine d’apatite prochainement. Mais le projet de Mine Arnaud prend du retard, entre autres parce que des pays comme la Russie cassent les prix sur l’apatite. Plutôt que la pénurie, on frôlerait actuellement le surplus de production!

    Par ailleurs, les techniques agricoles et les règlements ont commencé à évoluer pour diminuer le gaspillage des engrais phosphatés, qui coûte cher aux agriculteurs et à l’environnement. Si une pénurie devait provoquer une hausse du prix des engrais, ces pratiques gagneraient sûrement très vite en popularité! Et comme elles sont bien moins dommageables pour l’environnement que le gaspillage actuel, on gagnerait sans doute au change.

    On sait en effet que si le sol est laissé à nu entre les périodes de culture ou s’il est trop labouré, jusqu’à 85 % du phosphate épandu par les agriculteurs n’atteint jamais la racine des plantes. Il se retrouve plutôt dans les eaux de ruissellement où il constitue une source de pollution majeure, engendrant notamment la prolifération d’algues et de cyanobactéries dans les lacs et les cours d’eau.

    On pourrait aussi encore largement diminuer la quantité de phosphate nécessaire en ensemençant les cultures avec des mycorhizes, des champignons en forme de filaments qui vivent en symbiose avec les racines de nombreuses plantes. Des études menées notamment par Mohamed Hijri, chercheur à l’Institut de recherche en biologie végétale à Montréal, et par l’entreprise Premier Tech ont montré que ces champignons peuvent tripler la quantité de phosphate qu’une plante peut extraire de l’engrais!

    Enfin, il y a aussi bien des progrès à faire pour tirer un meilleur parti des énormes quantités de phosphore présentes dans les excréments des animaux et des humains. À Vancouver, l’entreprise Ostara a mis au point une technologie particulièrement prometteuse, qui permet de récupérer par un procédé biologique jusqu’à 90 % du phosphore présent dans les eaux usées municipales et de le transformer en un engrais économique directement utilisable par les agriculteurs ou les jardiniers.

    Son procédé permet déjà à la station d’épuration d’Edmonton de produire 2 000 tonnes d’engrais par an. Il est en cours d’installation dans une des plus grandes stations d’épuration au monde, à Chicago, où jusqu’à 15 000 tonnes d’engrais par an seront produites à partir des rejets de phosphore de 2,4 millions de personnes. De quoi aider à repousser la menace d’une pénurie…

    L’actualité Express
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