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Rolling Morocco

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    Bien avant la déferlante des festivals qui attirent, depuis quelques années, de prestigieuses stars occidentales, le Maroc a été, par le passé, une sorte de terre promise pour les vedettes du show business en mal d’évasions en tous genres. The Beatles, Jimi Hendrix, Led Zeppelin, Jim Morrison…, tous ont succombé à l’appel d’un pays fraîchement indépendant. On est dans les années 1960 et le Maroc est encore à mille lieues du tourisme de masse.Seuls des «connaisseurs» le fréquentent, notamment ceux qui s’y installent pour des durées indéterminées. Il faut croire qu’une magie ample régit, en ces temps, différentes cités du pays.

    Les Rolling Stones n’échappent pas à l’insouciance de tout un pan de la société. La fête bat son plein, les substances interdites sont monnaie courante. Le groupe adopte défi nitivement le royaume épicé, s’y rendant continuellement depuis le milieu de la décennie, le guitariste et fondateur Brian Jones en éclaireur. Voyage dans les dédales du temps Si Tanger demeure un paradis sur terre pour le combo composé de Mick Jagger, Keith Richards, Bill Wyman, Brian Jones et Charlie Watts, son périple marrakchi ne manque pas de souvenirs mouvementés sur fond de produits hallucinogènes. La première visite est fondatrice. Pendant que les musiciens et leur

    entourage arpentent les ruelles de la médina en s’arrêtant par à-coups devant les échoppes, Brian Jones n’a de tête que pour la place Jamaâ El Fna, qu’on lui a longtemps contée. Il presse ses compagnons, leur chantant les louanges d’un lieu qu’il ne connaît pas encore. Les y voilà comme téléportés dans les dédales d’un temps révolu. Charmeurs de serpents, arracheurs de dents, conteurs, mendiants originaux… Une fresque qui n’émeut que vaguement Jones, emporté par les sonorités dans lesquelles baigne un brouhaha d’une autre ère. C’est à cet instant que le guitariste découvre rythmes, mélodie et chants arabes, berbères et africains. Il est sous le charme, bouleversé. Il y retourne régulièrement, fuyant le luxe de l’hôtel Es-Saâdi où le célèbre photographe britannique Cecil Beaton (1904-1980) finit par immortaliser le groupe en 1967. Le prestigieux palace garde en mémoire un autre épisode, corsé celui-ci. Lors d’un autre séjour, Brian Jones, accro à plusieurs sortes de drogues, est confronté à une amère réalité. Sa compagne, le mannequin Anita Pallenberg, le cocufie avec Keith Richards –elle se jettera, plus tard, dans les bras de Mick Jagger. La suite du couple se transforme en un parfait champ de bataille. Richards raconte, sans rire, dans son autobiographie Life parue en 2011 : «Anita et Brian étaient au bout du rouleau, c’était clair. Ils se détruisaient mutuellement. Ca n’avait plus aucun sens. Je n’ai jamais vraiment compris quel était le problème (…) Brian a commencé ses conneries habituelles à l’hôtel Es-Saâdi, ces matchs de boxe en quinze rounds au cours desquels il essayait d’avoir le dessus sur Anita. Je ne sais pas à quel point il captait ce qui se passait entre Anita et moi, mais il s’en est suivi une escalade dans la violence. Résultat pour lui : deux doigts et une côte cassés, si je me souviens bien (…) Brian allait finir par se faire jeter tout en nous aidant, Anita et moi, à franchir le pas ». Le «nouveau» couple plie bagages dans la nuit. Direction,Tanger. In the mood for Jajouka Brian Jones et Anita Pallenberg, filant encore l’amour (im)parfait, se rendent à Tanger avant les autres membres du groupe. C’était en 1966.

    Avec l’aide du peintre beat Brion Gysin (1916-1986), installé dans la ville au début des années 1950, Jones fait une rencontre déterminante. Il est emmené par Gysin au village de Jajouka au sud de Tanger.
    Il y côtoie, moins de deux ans après, des musiciens hors du temps, sept flûtistes et quatre percussionnistes taquinant des tambours.

    Leur futur leader, Bachir Attar, est alors berger et n’a pas encore six ans. Il se rappelle : «C’était pour la première fois qu’on voyait un homme avec de longs cheveux blonds. Il avait des écouteurs et n’arrêtait pas de secouer la tête. On ne savait pas qui il était ». Brian dit, dans la foulée, à Gysin : «J’ai enfin trouvé la musique que je recherchais ». Fin juillet 1968, il atterrit de nouveau à Jajouka. Cette fois, le voyage est professionnel. Avec le concours du fi n saxophoniste free jazz américain Ornette Coleman, il enregistre ce qui fera plus tard référence en matière de world music : Brian Jones presents The Pipes of Pan at Jajouka, avec The Master Musicians of Jajouka. L’album est publié en 1971, trois années après la disparition de Jones. En 1995, l’opus est réédité avec des notes de Bachir Attar, Brion Gysyn, Paul Bowles, William S. Burroughs, Stephen Davis et David Silver. Excusez du peu. En octobre 2012, le psychologue français Gaston Carré publie Retour à Jajouka. Sur les traces de Brian Jones au Maroc. Dans la présentation, il décrit : «J’ai retrouvé les traces du Rolling Stone à Jajouka, un énigmatique village du sud de Tanger, bled de moins de mille habitants où pourtant se croisent la modernité et la mythologie, la musique et la littérature, où dans l’ombre de Brian Jones, on retrouve William Burroughs et Paul Bowles, Andy Warhol et John Lennon, le dieu Pan et la déesse Astarté, et où une dynastie de montagnards joua de la flûte de Pan et, tel maître Hamelin, attira plusieurs générations dans les eaux troubles où il finit par se noyer.» Le 3 juillet 1969 à l’âge de 27 ans, le guitariste est retrouvé inanimé dans sa piscine du Sussex au sud de Londres après avoir avalé une importante quantité d’amphétamines et d’alcool. Il venait d’être viré du groupe, notamment par Mick Jagger. Le Tanger de Mick Jagger Dandy exubérant, Mick Jagger entretient des relations très personnelles avec le Maroc, loin des élucubrations passées de ses acolytes des Rolling Stones. Il s’installe, un temps, à Taroudant, où une équipe de 2M lui rend visite dans les années 1990. Au cours de l’interview, il lâche : «Taroudant est peut-être la seule ville au monde où je me ballade seul. Les gens qui me reconnaissent ne m’approchent pas. Ils me saluent de loin, d’un geste de la main ». Mais c’est à Tanger qu’il a le plus d’assises.

    Quittant l’hôtel El Minzah où il descend habituellement, il emprunte un circuit qui le mène chez des amis bazaristes. Chez eux, ce sont les traditionnels verres de thé et cigarettes améliorées. Après quoi, il se ravitaille en babouches, bijoux anciens… au prix annoncé. Avec sa compagne de l’époque, la chanteuse Marianne Faithfull, ils font le tour de la médina, traversent le Socco et s’attablent au mythique Café Hafa dans le quartier Marchane. Mythique de par ses clients, il est construit en 1921. Il accueille depuis des lustres musiciens, artistes peintres, écrivains et cinéastes du monde entier. L’autre café au passé chargé est le Café Baba (fondé en 1943), lieu de prédilection de Keith Richards qui s’y plaît en tirant sur le sebsi tant chéri par celui qui assure avoir sniffé les cendres de son père ! Finalement, Tanger est pour les Rolling Stones ce que Marrakech est pour Led Zeppelin ou Fès pour U2. Mick Jagger, amoureux inconsolable de la ville du Détroit, n’a visiblement aucune envie de la quitter une fois dans ses murs. Malgré ses rapports avec les musiciens de Jajouka, ne serait-ce qu’à travers Brian Jones, il ne se décide d’y aller qu’à la fi n des années quatre-vingt. Et on comprend ce qui justifie ce besoin tardif. Les Stones chez Akaaboun Dans le sillage des Master Musicians of Jajouka, il y a la photographe américaine Cherie Nutting. Admiratrice des écrits de Paul Bowles, elle se pointe chez lui, à Tanger, en 1986. Depuis, elle devient son photographe attitré et sa confidente. Mieux : à la mort de l’écrivain en 1999, elle reprend son appartement. Entre temps, elle fait la connaissance de Bachir Attar dont elle tombe amoureuse. En 1989, ils se marient et Nutting devient manager du groupe. La même année, Attar demande à sa femme de contacter l’un des Stones pour savoir s’il y avait moyen de procéder à une quelconque collaboration. Cherie Nutting se met à l’oeuvre et finit par avoir Keith Richards et non Mick Jagger comme cela est souvent rapporté. Le deal est simple : envoyer un enregistrement de Jajouka à Londres. Après écoute de la bande, les Rolling Stones proposent de se déplacer au village pour l’enregistrement de Continental Drift dans le village des musiciens.

    La joie de Bachir Attar s’estampe à l’issue des repérages. Techniquement, il n’est pas possible d’effectuer l’enregistrement à la montagne. On se rabat sur Tanger, chez un vieil ami des Anglais, Abdeslam Akaâboun. Ce personnage haut en couleurs est une figure incontournable de la vie artistique et culturelle tangéroise. Sa demeure, le Palais Ben Abbou, est un bijou trônant dans la Kasbah. Ce lieu était au XIXe siècle, la résidence du Caïd du même nom, dont le portrait a été exécuté au début des années 1830 par Eugène Delacroix. Akaâboun reçoit, jusqu’à sa mort en 2008, artistes et hommes de lettres de différentes sensibilités : les Rolling Stones bien sûr, des jazzmen aux noms sismiques invités par le pianiste américain Randy Weston qui crée à Tanger entre 1967 et 1972 l’African Rhythms Club, des musiciens plus jeunes, Nass El Ghiwane, Jil Jilala, des acteurs du mouvement Beat Generation, des plasticiens, des cinéastes… Le Palais Ben Abbou doit, aujourd’hui encore, sentir les sueurs et résonner les palabres de visiteurs exceptionnels. Les Rolling Stones, représentés par Mick Jagger, Keith Richards et Ronnie Wood (recruté en 1975), débarquent en avril 1989 à Tanger. Chez Akaâboun, l’enregistrement dure trois jours dans une ambiance de fête absolue. Un soir, Bachir Attar et The Master Musicians of Jajouka entrent en transe, entrainant Mick Jagger qui s’empare d’un tambour, cogne dessus jusqu’à épuisement. Une fois l’enregistrement brut de Continental Drift —pièce de l’album Steel Wheels— en boîte, les Rolling Stones, Bachir Attar et Cherie Nutting se retrouvent autour d’un repas largement arrosé à l’hôtel habituel des stars anglaises, El Minzah. Tard dans la soirée, Mick Jagger demande à Bachir Attar de l’emmener à Jajouka. Ce qu’ils font ensemble le lendemain. Il y a quelques semaines, Mick Jagger a été repéré à Tanger, à la recherche d’une maison.

    Zamane
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