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Face à la crise pétrolière, l'urgence de libérer l'économie algérienne

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  • Face à la crise pétrolière, l'urgence de libérer l'économie algérienne

    Indépendante depuis 1962, l’Algérie était alors moins pauvre que la Corée du sud. Aujourd’hui, malgré d’abondantes ressources financières injectées dans l’économie, dont 50 milliards de dollars par an (25 % du PIB) pour la protection sociale, Alger pointe au 94e rang mondial en termes d’indice de développement humain (IDH). Séoul est à la 14e place. Raison : la pérennisation de son système rentier et le financement des dépenses publiques par les revenus des hydrocarbures (97 % des recettes d’exportations et 65 % des recettes fiscales).

    S’agissant de la protection sociale, cette manne bénéficie prioritairement aux salariés de l’Etat, des entreprises publiques et privées, et accessoirement aux ayants droit des combattants de la guerre de libération nationale, les « anciens moudjahidines ». Elle donne accès à de nombreux produits et services (santé, éducation, logement, transport, éclairage, chauffage et emploi). Pour autant, cette manne ne peut masquer les « handicaps congénitaux » du système : les revenus du pétrole sont hiératiques et incertains ; la production nationale (industrie, agriculture, services) est faible, peu performante et dominée par les secteurs rentiers, spéculatifs et informels ; les impôts productifs sont largement minorés par l’évasion, la fraude fiscale ; le pays satisfait une bonne partie de ses besoins par les importations.

    Pour ces raisons, le développement n’est toujours pas au rendez-vous. Le PIB par tête (à parité de pouvoir d’achat) est passé de 10 113 dollars en 1990 à 13 179 dollars en 2014, soit une hausse de 30 % en vingt-cinq ans. Parallèlement, celui de la Corée du Sud est passé de 12 087 à 33 629 dollars, soit une progression de 278 %.

    La baisse actuelle des cours des hydrocarbures, confirme, si besoin était, la fragilité du système algérien. La chute conséquente des recettes fiscales accroît les déficits : budgétaire, commercial et des paiements. Les importations régressent (moins 12 % en 2015) avec, à la clef, un retour aux licences d’importations et leurs arbitrages administratifs. Le rythme des investissements s’est réduit (les investissements directs étrangers sont inférieurs à 2 milliards de dollars). Le BTP, l’industrie et l’agriculture sont touchés de plein fouet : blocages ou fermetures de chantiers ; baisse de la production ; mises en chômage technique ; reports de certains projets comme les CHU.

    Cela est d’autant plus grave que la rente pétrolière connaissait déjà, depuis la fin des années 1970, une véritable « mutation administrative et politique » en diverses rentes spéculatives (foncières, commerciales et financières), alimentant l’économie informelle sur fond de corruption. Les acteurs de l’informel, qui emploient un travailleur sur deux, affrontent et dominent sans vergogne les entreprises légales tout comme le secteur bancaire, grâce à d’énormes masses monétaires (50 milliards de dollars, soit 50 % de la monnaie en circulation) non bancarisées, au contrôle du taux de change parallèle (véritable régulateur du marché), et à la mise en échec du dispositif fiscal dont ils assèchent l’assiette par la fraude (non-facturation et pratique du double bilan), l’évasion fiscale (40 % des transactions en cash) et les transferts invisibles de capitaux (1,5 à 2 milliards de dollars/an).

    Les incertitudes politiques liées à la maladie du président Abdelaziz Bouteflika et aux crises régionales (Libye, Tunisie, Mali…), et leur implication sur la transition politique, viennent encore alourdir l’atmosphère.

    Dans ces conditions, en matière sociale, les experts prévoient une remontée du chômage (10 % de la population active et 25 % chez les jeunes), une baisse du pouvoir d’achat et des difficultés d’accès à la protection sociale. Aussi, la paix sociale, chèrement acquise, est désormais loin d’être garantie. Il est donc urgent de concevoir une autre politique et de rompre le lien pervers avec le système rentier. Il faut redéfinir, par une négociation libre et ouverte à tous les partenaires politiques et sociaux, la structure des ayants droit, les objectifs, le contenu et les modalités du financement non pétrolier de cette protection sociale. De sorte à obtenir un meilleur ciblage des populations vulnérables et de nouvelles conditions d’éligibilité et d’accès aux biens et services sociaux.

    Pour autant, cette nouvelle politique sociale suppose la mise en place d’un « nouveau modèle économique et social » fondé sur la liberté entreprendre et d’association et sur la réhabilitation du travail productif. Ce modèle s’appuierait sur des acteurs économiques légaux, libérés du carcan d’une pseudo-régulation, centralisée à l’excès, bureaucratique, tatillonne et clientéliste, reposant sur les ressources perverses de l’Etat pétrolier. Et reposerait sur une triple régulation : celle du marché, pour les activités et services marchands, légaux et concurrentiels ; celle de l’Etat, à travers ses fonctions régaliennes, pour les activités et services publics non marchands, dont la protection sociale ; celle, enfin, de la société civile pour les activités et services solidaires.

    Tribune de Smaïl Goumeziane est économiste et ancien ministre algérien du Commerce

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