DIPLOMATIE - Depuis trois ans, une nouvelle séquence de politique étrangère prend forme au Maroc, sous l’impulsion du Roi Mohammed VI qui s’attelle à construire un nouveau logiciel diplomatique marocain qui s’appuierait à la fois sur la puissance et sur l’influence.
Le dernier discours musclé du souverain marocain lors du premier sommet Maroc-pays du Golfe il y a quelques jours constitue à cet égard un avatar emblématique de cette volonté du Royaume de créer un "triptyque vertueux" qui consisterait à diversifier sa base d’alliances, à redevenir central dans les dossiers du Moyen-Orient, et à mettre sous pression ses alliés traditionnels afin de les obliger à se déterminer sur le dossier du Sahara, colonne vertébrale de la diplomatie chérifienne.
L’objectif de cette reformulation de la politique étrangère du Maroc est clair: se créer un boulevard stratégique sur les temps longs, tout en créant un point de cristallisation autour de la question du Sahara afin d’en accélérer le processus de règlement.
Sur ce plan, le Maroc peut avoir des raisons de perdre patience: huit ans après la proposition marocaine d’une autonomie élargie pour le Sahara- initiative soutenue dès sa genèse par les grandes puissances- les modes actuels de gestion de ce dossier par l’ONU apparaissent au mieux désuets, au pire inefficaces.
A ce titre, l’exercice de diplomatie auquel se livre Rabat actuellement vise en premier lieu à signifier aux puissances occidentales dont la voix compte auprès des instances onusiennes que le moment de se décider est venu.
En clair: il faut choisir son camp et bannir les ambiguïtés.
Si tel n’était pas le cas, le Maroc ne serait pas sans options, comme le montre le rapprochement visible avec deux membres permanents du Conseil de Sécurité que sont la Russie et la Chine et avec la grande puissance émergente Indienne.
Le signal est clair: au besoin, ces partenariats de plus en plus étroits pourraient trouver une traduction opérationnelle dans les couloirs feutrés de l’ONU.
Toutefois, cette logique de diversification d’alliances, second pilier de la stratégie chérifienne, est aussi dictée par l’agenda économique du Maroc.
Affichant de plus en plus son ambition africaine, le pays veut construire des ponts avec les pays les plus actifs sur le continent afin de capter avec eux de la croissance additionnelle.
Rabat fait la "politique de sa géographie"
Rabat fait en quelque sorte la "politique de sa géographie".
Le Maroc se repositionne aussi au Proche-Orient, et se remet peu à peu dans la position centrale qu’avait conceptualisée et exécutée le roi Hassan II, et qui avait permis au royaume de devenir incontournable dans tout ce qui touche à la région du Golfe.
Si Mohammed VI avait donné un temps l’impression que l’agenda du développement intérieur marocain était prééminent sur tout le reste, le "bétonnage" récent des axes avec Ryad, Abu Dhabi, Doha, Manama et Koweït sur les plans économiques et diplomatiques constitue désormais le troisième pilier de cette nouvelle politique étrangère marocaine.
Au niveau des moyens, l’articulation de ces trois piliers s’appuie sur une palette d’instruments que le Maroc déploie désormais en usant à la fois de la puissance et de l’influence.
Sur les volets sécuritaires qui relèvent de la puissance, le royaume met à disposition de ses partenaires stratégiques son expérience reconnue dans le domaine du renseignement afin de les assister dans la lutte anti-terroriste, tout en déployant ses troupes au Moyen-Orient aux côtés de ses alliés du Golfe.
Sur le plan de l’influence, l’impulsion d’une politique religieuse visant la promotion de l’"Islam du milieu" -à travers notamment le centre de formation des imams-a eu un impact considérable et permet de renforcer les liens avec les pays désireux de prendre le mal extrémiste à la racine, c’est à dire en formant ceux qui seront potentiellement au contact de jeunes radicalisés.
De même, si la marche forcée pour faire du Maroc un exemple en matière de transition énergétique grâce au déploiement de ce qui deviendra la plus grande centrale solaire au monde (Noor1) ne répond pas à un agenda diplomatique immédiat, elle permet de dessiner un projet de société particulier et contribue positivement à l’image extérieure du Maroc.
Ce n’est donc peut être pas un hasard si, prises ensembles, ces dimensions qui forgent "une certaine idée du Maroc" correspondent aux trois sujets qui se trouvent au cœur de la conversation mondiale: la sécurité, la tolérance et la préservation de l’environnement.
huffpostmaghreb
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