« Le lavage de cerveau du Makhzen a détruit les Marocains »Hamza Lakhal, poète sahraoui
A l’occasion de la 40e année de l’invasion du Sahara Occidental par le Maroc, nous avons choisi de donner la parole à un citoyen sahraoui des territoires occupés. Hamza Lakhal est poète, il a passé plusieurs semaines auprès de sa famille dans les camps de réfugiés de Tindouf. Dans cet entretien, il dénonce les pratiques des autorités coloniales et la complicité affichée par certaines puissances. Hamza Lakhal estime que les citoyens Marocains sont eux-mêmes victimes du Makhzen.
Entretien réalisé par Tarek Hafid
Impact24: Vous avez séjourné pour la première fois dans les camps de réfugiés sahraouis. Comment avez-vous trouvé le moral des membres de votre famille et de vos compatriotes qui vivent dans la hamada?
Hamza Lakhal: J’avais une idée sur la vie dans les camps de la Dignité. Mais en m’y rendant, j’ai pu constater les conditions de vie difficiles auxquelles sont confrontés les milliers de réfugiés sahraouis.
J’ai surtout pu constater leur volonté et leur détermination à défendre notre cause. Ils sont tous déterminés à lutter pour libérer nos terres. Je dois dire, également, que j’ai ressenti une réelle déception vis-à-vis de l’absence de volonté affichée par l’ONU pour trouver un règlement à la question du Sahara Occidental.
C’est cette situation qui conduit les sahraouis à douter de la possibilité d’un règlement pacifique. La question d’un retour à la lutte armée se pose avec acuité.
Vos poèmes sont-ils connus dans les camps ?
Effectivement, j’ai rencontré des Sahraouis qui m’ont affirmé avoir écouté mes poèmes sur Youtube. D’autres ont lu mon recueil de poésies publié en 2013 aux éditions l’Harmattan-RASD. D’ailleurs, nous avons profité de mon séjour dans les camps pour fêter la sortie de ce recueil. Je pense que les Sahraouis s’intéressent à mes poèmes car ils sont destinés autant à ceux qui sont restés dans les territoires occupés, que ceux qui sont dans les camps de réfugiés ou encore tous les membres de notre diaspora.
Les Sahraouis qui résident dans les territoires occupés vivent une situation quasiment unique en ce début de 21e siècle. Pensez-vous qu’il soit possible d’avoir une vie « normale » dans un système colonial?
Voilà quelques années déjà que les Sahraouis des territoires occupés sont arrivés à la conclusion que l’indépendance du pays ne s’obtiendra pas de façon pacifique. Nous sommes victimes au quotidien des exactions du régime marocain. Et tout ceci se déroule avec la complicité de l’ONU et des puissances occidentales.
Le makhzen agit dans la plus totale impunité car il a le soutien des puissants de ce monde. C’est ce qui lui permet de porter atteinte ouvertement à notre peuple, à notre identité et à notre culture. Les Sahraouis en sont arrivés à la conclusion que seule la force leur permettra de recouvrer leur dignité.
Ce sentiment légitime est partagé autant par les Sahraouis des territoires occupés que par ceux qui vivent dans les camps de réfugiés.
Vous êtes en contact au quotidien avec des citoyens marocains. Que pensent-ils de votre engagement et de la question du Sahara Occidental ?
Je dois dire qu’il est possible de discuter de ce sujet avec des personnes instruites. Généralement, elles nous respectent et respectent nos positions. Elles ne disent pas « nous sommes des anges et vous des démons ». Mais il est vrai que la politique de désinformation menée depuis des années par les autorités coloniales a eu de l’effet sur la majorité des Marocains. Ils ne font aucun effort pour regarder la vérité en face. Pour les Marocains, le lavage de cerveau du Makhzen a été destructeur.
Il y existe également une autre catégorie de Marocains, essentiellement de gauche, qui est pour le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Il s’agit notamment des militants et des sympathisants d’ Annahj Addimocrati (La voie démocratique).
Vous avez aujourd’hui 31 ans et vous venez tout juste d’entamer des études à l’université d’Agadir. Pourquoi ce retard ?
En 1999, des émeutes ont éclaté à El Aaiun. Les forces coloniales avaient réagi violemment. Il y a eu de nombreux morts et blessés. Lycéen, j’étais alors en seconde, j’avais participé à ces événements. Avec des amis, nous avons lancé un mouvement pour réclamer la construction de centres culturels dans les villes des territoires occupées. Il faut savoir que la culture sous toutes ses formes est totalement absente au Sahara Occidental puisqu’il n’existe ni théâtre, ni bibliothèques, ni salles cinéma. Le Sahara Occidental est une grande prison et ses villes des casernes.
Donc, au sein de ce mouvement de lycéens, nous avons remis une plate-forme de revendications pour exiger l’ouverture de centres culturels. Les autorités marocaines ont répondu par la violence à notre demande légitime.
En 2002, alors que j’étais en classe de terminale, j’ai fait partie d’un groupe de jeunes sahraoui qui a saisi l’administration marocaine pour demander l’ouverture d’une université à EL Aaiun . Là encore, les autorités coloniales ont choisi de répondre par la répression. Les policiers ont pénétré de force dans notre lycée et nous ont poursuivis dans les classes. J’ai été arrêté avec un groupe de lycéens. Une des mesures prises à mon encontre était de m’interdire de passer le baccalauréat.
L’an dernier, j’ai finalement réussi à me présenter au bac en candidat libre. Je l’ai eu et depuis je suis inscrit à l’université d’Agadir où je poursuis des études en littérature anglaise.
Les autorités marocaines ont-elles accepté l’ouverture d’une université dans les territoires occupés du Sahara Occidental ?
Toujours pas. A part une annexe de l’université d’Agadir qui forme des techniciens, il n’y a aucun centre universitaire dans les territoires occupés.
Vous ne craignez pas d’être inquiété par les autorités coloniales après ce séjour dans les camps de réfugiés ?
Tout est possible. Les forces coloniales sont capables de tout. Mais je ne suis pas inquiet pour autant. Si j’avais eu peur, je ne serais jamais venu.
impact 24
A l’occasion de la 40e année de l’invasion du Sahara Occidental par le Maroc, nous avons choisi de donner la parole à un citoyen sahraoui des territoires occupés. Hamza Lakhal est poète, il a passé plusieurs semaines auprès de sa famille dans les camps de réfugiés de Tindouf. Dans cet entretien, il dénonce les pratiques des autorités coloniales et la complicité affichée par certaines puissances. Hamza Lakhal estime que les citoyens Marocains sont eux-mêmes victimes du Makhzen.
Entretien réalisé par Tarek Hafid
Impact24: Vous avez séjourné pour la première fois dans les camps de réfugiés sahraouis. Comment avez-vous trouvé le moral des membres de votre famille et de vos compatriotes qui vivent dans la hamada?
Hamza Lakhal: J’avais une idée sur la vie dans les camps de la Dignité. Mais en m’y rendant, j’ai pu constater les conditions de vie difficiles auxquelles sont confrontés les milliers de réfugiés sahraouis.
J’ai surtout pu constater leur volonté et leur détermination à défendre notre cause. Ils sont tous déterminés à lutter pour libérer nos terres. Je dois dire, également, que j’ai ressenti une réelle déception vis-à-vis de l’absence de volonté affichée par l’ONU pour trouver un règlement à la question du Sahara Occidental.
C’est cette situation qui conduit les sahraouis à douter de la possibilité d’un règlement pacifique. La question d’un retour à la lutte armée se pose avec acuité.
Vos poèmes sont-ils connus dans les camps ?
Effectivement, j’ai rencontré des Sahraouis qui m’ont affirmé avoir écouté mes poèmes sur Youtube. D’autres ont lu mon recueil de poésies publié en 2013 aux éditions l’Harmattan-RASD. D’ailleurs, nous avons profité de mon séjour dans les camps pour fêter la sortie de ce recueil. Je pense que les Sahraouis s’intéressent à mes poèmes car ils sont destinés autant à ceux qui sont restés dans les territoires occupés, que ceux qui sont dans les camps de réfugiés ou encore tous les membres de notre diaspora.
Les Sahraouis qui résident dans les territoires occupés vivent une situation quasiment unique en ce début de 21e siècle. Pensez-vous qu’il soit possible d’avoir une vie « normale » dans un système colonial?
Voilà quelques années déjà que les Sahraouis des territoires occupés sont arrivés à la conclusion que l’indépendance du pays ne s’obtiendra pas de façon pacifique. Nous sommes victimes au quotidien des exactions du régime marocain. Et tout ceci se déroule avec la complicité de l’ONU et des puissances occidentales.
Le makhzen agit dans la plus totale impunité car il a le soutien des puissants de ce monde. C’est ce qui lui permet de porter atteinte ouvertement à notre peuple, à notre identité et à notre culture. Les Sahraouis en sont arrivés à la conclusion que seule la force leur permettra de recouvrer leur dignité.
Ce sentiment légitime est partagé autant par les Sahraouis des territoires occupés que par ceux qui vivent dans les camps de réfugiés.
Vous êtes en contact au quotidien avec des citoyens marocains. Que pensent-ils de votre engagement et de la question du Sahara Occidental ?
Je dois dire qu’il est possible de discuter de ce sujet avec des personnes instruites. Généralement, elles nous respectent et respectent nos positions. Elles ne disent pas « nous sommes des anges et vous des démons ». Mais il est vrai que la politique de désinformation menée depuis des années par les autorités coloniales a eu de l’effet sur la majorité des Marocains. Ils ne font aucun effort pour regarder la vérité en face. Pour les Marocains, le lavage de cerveau du Makhzen a été destructeur.
Il y existe également une autre catégorie de Marocains, essentiellement de gauche, qui est pour le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Il s’agit notamment des militants et des sympathisants d’ Annahj Addimocrati (La voie démocratique).
Vous avez aujourd’hui 31 ans et vous venez tout juste d’entamer des études à l’université d’Agadir. Pourquoi ce retard ?
En 1999, des émeutes ont éclaté à El Aaiun. Les forces coloniales avaient réagi violemment. Il y a eu de nombreux morts et blessés. Lycéen, j’étais alors en seconde, j’avais participé à ces événements. Avec des amis, nous avons lancé un mouvement pour réclamer la construction de centres culturels dans les villes des territoires occupées. Il faut savoir que la culture sous toutes ses formes est totalement absente au Sahara Occidental puisqu’il n’existe ni théâtre, ni bibliothèques, ni salles cinéma. Le Sahara Occidental est une grande prison et ses villes des casernes.
Donc, au sein de ce mouvement de lycéens, nous avons remis une plate-forme de revendications pour exiger l’ouverture de centres culturels. Les autorités marocaines ont répondu par la violence à notre demande légitime.
En 2002, alors que j’étais en classe de terminale, j’ai fait partie d’un groupe de jeunes sahraoui qui a saisi l’administration marocaine pour demander l’ouverture d’une université à EL Aaiun . Là encore, les autorités coloniales ont choisi de répondre par la répression. Les policiers ont pénétré de force dans notre lycée et nous ont poursuivis dans les classes. J’ai été arrêté avec un groupe de lycéens. Une des mesures prises à mon encontre était de m’interdire de passer le baccalauréat.
L’an dernier, j’ai finalement réussi à me présenter au bac en candidat libre. Je l’ai eu et depuis je suis inscrit à l’université d’Agadir où je poursuis des études en littérature anglaise.
Les autorités marocaines ont-elles accepté l’ouverture d’une université dans les territoires occupés du Sahara Occidental ?
Toujours pas. A part une annexe de l’université d’Agadir qui forme des techniciens, il n’y a aucun centre universitaire dans les territoires occupés.
Vous ne craignez pas d’être inquiété par les autorités coloniales après ce séjour dans les camps de réfugiés ?
Tout est possible. Les forces coloniales sont capables de tout. Mais je ne suis pas inquiet pour autant. Si j’avais eu peur, je ne serais jamais venu.
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