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Algérie, chroniques ciné-littéraires de deux guerres, Par Yassin Temlali

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  • Algérie, chroniques ciné-littéraires de deux guerres, Par Yassin Temlali

    Les tragédies élucidées à la lumière de l'esthétique

    « Algérie, chroniques ciné-littéraires de deux guerres », du journaliste algérien Yassin Temlali, est un voyage à travers la création artistique contemporaine marquée par les bouleversements politiques du pays. Il n'est pas étonnant que Yassin Temlali interroge le drame de la guerre civile à travers le sensible, lui le passionné des arts, dont la jeunesse fut secouée par l'Histoire, avec la révolte nationale d'Octobre 1988 - qui consacra le multipartisme avec ses centaines de morts - suivie du terrorisme à partir de 1992.
    L'ouvrage rassemble des articles de l'auteur, publiés pour la majorité sur Babelmed, dont le fil conducteur est la décennie noire (1990-2000), l'avènement du terrorisme faisant resurgir une autre période bouleversante de l'Algérie, la guerre de libération nationale. Une partie des chroniques est consacrée à des entretiens avec des créateurs ou des analystes. Le journaliste donne ici la parole à d'éminents historiens, tels Deho Djerbel, René Gallissot ou Mohammed Harbi, afin de questionner le présent à travers les blessures du passé, mais aussi à des écrivains et cinéastes pour mieux connaître leur approche esthétique.
    L'intérêt du journaliste pour les bouleversements sociologiques et politiques de l'Algérie est manifeste dans ses questions. La violence des années 90 a poussé des créateurs et des penseurs a revisiter la révolution algérienne. Une nostalgie du passé colonial, côté algérien ou français, marque cette période. La tragédie algérienne a donc réveillé les démons du passé colonial et a touché l'autre rive, la France. Temlali est resté attentif au sujet et a analysé aussi la création et le discours d'auteurs français qui ont abordé cette question.
    Pour Yassin Temlali, la littérature ou le cinéma ne peuvent atteindre au sublime en dehors du monde. Il renoue ainsi avec une tradition critique où l'art doit être questionné dans son contexte et son discours, d'un point vue esthétique et historique, afin de saisir son langage ; il n'y pas de langage neutre et sans affiche, disait Roland Barthes. En disséquant les œuvres, lues ou vues, Yassin Temlali a souvent saisi la profondeur, consciente ou inconsciente, de ces créations, au-delà du message immédiat, du discours apparent. Il a su rendre compte de l'idéologie qui les constitue, en dévoilant la particularité d'un auteur ou ses limites, en cherchant les traces de l'histoire et « son empreinte dans les consciences » (p.09), comme il le précise dans son avant-propos. Dans le bel hommage en préface que lui rend son aîné, le journaliste El-Kadi Ihsane, ce dernier ajoute que « la conscience critique de Yassin Temlali est d'abord sociale » (p.11), en quête de la « lumière qui pointe du désordre des hommes » (p.15).
    Yassin Temlali, qui ne croit donc pas à la neutralité, interroge ce qui est latent à travers « la mécanique » d'une œuvre et il le fait avec excellence. Son regard intelligent, son érudition intellectuelle et son savoureux style prennent toute leur dimension dans la cohérence de ses analyses, qui naviguent à contre-courant, tempérant la qualité d'une œuvre encensée ou sortant de l'ombre une création laissée en marge. Il n'hésite pas à relever, sans bien sûr en renier la qualité littéraire, « la satire conventionnelle » et les poncifs de l'œuvre de Boualem Sensal, tant adulé et distingué par des prix, notamment en Occident. Il pointe le « regard ému et naïf sur la guerre civile » de la cinéaste Yasmina Bachir-Chouikh, avec des arguments étayés, mais sans malveillance, comme ont tendance à le faire certains journalistes quand ils n'apprécient pas une œuvre.
    Après les parties « Ecriture d'une guerre sans nom » et « Guerre d'Indépendance : résurgences », l'auteur clôt son livre par « Évocations » où il rend hommage à des figures tutélaires, romanciers ou penseurs, l'algérien Kateb Yacine, le marocain Abdelkebir Khatibi, les égyptiens Albert Cossery et Nasr Hamed Abou Zied, l'antillais Aimé Césaire, afin de rappeler l'actualité de leurs œuvres et la subtilité de leurs engagements.
    Les chroniques de Yassin Temlali sont un bel exemple de journalisme exigeant et sans concession. C'est aussi un livre délicieux que l'on peut lire au hasard des pages ou au gré de l'intérêt immédiat, de la mémoire. Yassin Temlali nous plonge au cœur de la beauté en pleine tragédie, les yeux grand ouverts sur ses traits ravissants ou ses laideurs.
    Mohammed Yefsah





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