Les chiffres communiqués, samedi 7 mai, par le ministère des Finances sont alarmants à plus d’un titre.
Un déficit du Trésor de près de 14 milliards de dollars (dont 13 milliards de déficit budgétaire), des dépenses, notamment de fonctionnement, en forte hausse et des prélèvements importants sur l’épargne budgétaire du pays, le Fonds de régulation des recettes (FRR).
Le ministère des Finances soulève donc un certain nombre de questions. Éléments de réponse.
Le FRR déjà « vide » ?
À la fin 2015, le FRR ne comptait plus que 2 100 milliards de dinars, selon les données officielles. Sur les deux premiers mois de l’année en cours, le gouvernement a prélevé 666 milliards pour combler, en partie, le déficit annoncé.
Il restait donc, à fin février, moins de 1 500 milliards de dinars dans le FRR.
Sauf que, lors de sa création, le législateur a fixé un seuil minimal à conserver dans le Fonds.
Un seuil au-delà duquel le gouvernement ne peut prélever.
Ce montant a été fixé à 740 milliards de dinars.
Ainsi, il reste environ 700 milliards de dinars réellement disponibles, après les prélèvements de janvier et février.
Nous sommes en Mai.
Deux mois se sont donc écoulés depuis (mars et avril). Combien l’État a-t-il puisé du FRR durant ces deux derniers mois ? Selon les estimations d’un économiste, le Fonds a déjà atteint son plancher de 740 milliards.
Une source bancaire confirme l’épuisement du FRR : « Si ce n’est pas déjà fait, ce sera le cas dans les tous prochains mois », s’alarme-t-elle.
L’État se voit donc obligé de trouver, dès à présent, des sources de financement alternatives pour combler le déficit et assurer ses dépenses (salaires des fonctionnaires, fonctionnement, investissement, subventions…).
C’est sans doute le sens du lancement de l’emprunt obligataire interne.
Sauf que celui-ci est loin de récolter des fonds suffisants. Selon plusieurs sources, l’engouement n’y est pas.
D’où vient un tel déficit ?
La question se pose avec acuité.
Un tel niveau de déficit en deux mois n’est pas anodin.
En imaginant qu’il se reproduise durant le reste de l’année, le budget de l’État serait déficitaire de 78 milliards de dollars en 2016.
Cette hypothèse est invraisemblable.
Il s’agirait en réalité de dépenses exceptionnelles.
Sauf que la nature de ces dépenses n’est pas claire. L’explication la plus plausible pourrait être liée, notamment, à d’importants contrats d’armement.
Comment a-t-on financé ce déficit ?
Autre bizarrerie : le déficit annoncé est de près de 13 milliards de dollars.
Or, le Fonds de régulation des recettes n’a baissé « que » de 666 milliards de dinars, soit environ 6,5 milliards de dollars, selon les chiffres du ministère des Finances.
Ce montant ne couvre donc que la moitié du déficit.
D’où provient l’autre moitié ? L’État a dû trouver d’autres sources de financement.
Rien n’indique pourtant que l’État ait levé 6,5 milliards de dollars. La seule explication raisonnable serait que l’État ait récupéré les dépenses budgétisées mais non-consommées de l’année précédente (2015).
Cela dit, la somme parait tout de même élevée.
Hausse des dépenses : pour quoi faire ?
Enfin, les chiffres du ministère des Finances révèlent une hausse exceptionnelle des dépenses de l’État durant les deux premiers mois de l’année : 34% pour les dépenses de fonctionnement et 175% pour les dépenses d’équipement. Ces dernières pourraient éventuellement se justifier par des dépenses exceptionnelles (contrats), ou par le lancement de nouveaux projets, même si on ne voit pas de quoi il pourrait s’agir vu que tout est gelé.
Mais qu’en est-il des dépenses de fonctionnement ? Aucune augmentation de salaire ou rappel, aucun recrutement en masse ne peuvent justifier un tel bond de 34% sur un an. Une haute source bancaire estime qu’il pourrait s’agir de l’intégration d’autres dépenses dans le budget de fonctionnement.
Dans tous les cas, le gouvernement assurait vouloir baisser les dépenses de fonctionnement de près de 4% et celles d’équipement de 18%, selon la loi de Finances pour 2016. Un objectif qui semble difficile à atteindre dans les conditions actuelles.
TSA
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