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PETROLE : La Russie entend signer la mort du "Petrodollar"

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  • PETROLE : La Russie entend signer la mort du "Petrodollar"

    L’idée est simple et la symbolique est forte : elle part de la volonté pour la Russie de s’émanciper du monopole des Etats-Unis sur la cotation du pétrole. En effet, aujourd’hui, la cotation mondiale du baril de brut se fait en dollars américain. Or la Russie a clairement l’ambition à moyen terme de négocier son pétrole sous un nouveau standard. Cela permettra ainsi de traiter le contrat à terme du pétrole brut russe en roubles ! En d’autres termes l’ère du « petrorouble » est en marche.
    Il convient de rappeler que la Russie puise une importante part de ses revenus nationaux par l’extraction et la revente d’or noir. Ce pays étant un consommateur de gaz naturel conséquent, cela lui offre la possibilité d’exporter une part importante de son pétrole : près de 75% de sa production.

    En la matière, début novembre, la Russie se trouvait d’ailleurs au coude à coude avec l’Arabie Saoudite comme premier producteur de pétrole brut (10,14 millions de barils par jours) devant les Etats-Unis (9,3 millions de barils par jours).

    Dès lors tout l’intérêt de s’émanciper du dollar prend son sens au regard des enjeux financiers colossaux qui en résultent.



    Graphique de la production de pétrole brut de 2011 à fin 2015 (USA en blanc, Russie en bleu et Arabie Saoudite en vert)



    Pourquoi un tel enjeu ?

    Le « Petrodollar » est un concept crée par les Etats-Unis conjointement avec l’Arabie Saoudite dans les années 70 auquel a participé le diplomate américain Henry Kissinger. Le deal consistait à assurer la sécurité notamment militaire de l’Arabie Saoudite contre une vente exclusive de la production de pétrole de cette dernière en dollars américain. On parle depuis lors de « standard pétrodollar ». Dans la foulée, les autres membres de l’OPEP ont signé des accords similaires.


    Membres de l’OPEP par poids au sein de l’organisation

    Or, le pétrole est la matière première la plus traitée et échangée sur les marchés financiers, donc référencer cette matière première en dollar américain est stratégiquement très important. Il offre effectivement un pouvoir de contrôle implicite très fort. La vente de pétrole libellée en dollars est primordiale pour soutenir la monnaie américaine et assurer le monopole du dollar ainsi que la demande perpétuelle en billet vert.

    Encouragé par Sergey Glaziev (conseiller économique du président) et Igor Sechin (CEO de la plus grosse société pétrolière russe Rosneft), l’actuel président Russe Vladimir Poutine en a fait son fer de lance. Lors d’une déclaration solennelle ce dernier affirmait ainsi que « La Russie doit totalement vendre son gaz et son pétrole en roubles dans la mesure où l’hégémonie du dollar sur le marché de l’énergie nuit à l’économie ».



    Le phénomène de « Dé-dollarisation » prend de l’ampleur

    Le « pétrorouble » n’est en réalité qu’un élément d’un vaste plan de Dé-dollarisation engagé par le gouvernement Russe depuis 2014 en réponse aux sanctions économiques suite au conflit ukrainien. L’objectif non dissimulé est de se désolidariser du dollar américain dans les opérations d’exportations russe. Les meilleurs experts du secteur de l’énergie, des banques et des agences russes ont été convoqués lors de réunions gouvernementales pour réfléchir aux mesures pouvant être prises. La première d’entre elles fut la mise en place d’un système de paiement national permettant de se passer de Visa ou MasterCard.

    D’autre part, le violent décrochage du cours de l’or noir au début de cette année sous les 30 dollars a couté très cher à la Russie avec une contraction estimée de plus de 3% de son PIB pour 2015 et la nécessité de vendre une partie de ses réserves de change pour stabiliser son économie. Les revenus provenant des ventes du pétrole à l’étranger représentent approximativement 40% du budget russe. S’émanciper du dollar serait donc également un moyen de maitriser véritablement sa matière première jusque dans son pouvoir de négociation plus important avec les partenaires commerciaux de la Russie.


    Carte des installations pétrolières (raffineries, ports, stockages…) sur le territoire russe.



    Application concrète

    Pour mener à bien son projet de dynamiter le « pétrodollar » encore faudra-t-il trouver des partenaires commerciaux pour s’engager sur cette voie. La Chine en tête, l’un de ses plus fidèles alliés, conteste également cette hégémonie depuis quelques années et entend mettre le petrodollar au rebut. En effet de nombreux rapprochements et autres accords commerciaux ont eu lieu ces dernières années entre ces deux pays en matière énergétique. Comme par exemple, le contrat du géant russe Gazprom avec la Chine de 456 milliards de dollars en 2013, ou encore l’accord du géant pétrolier russe Rosneft avec Pékin pour plus de 270 milliards de dollars. Une intensification des échanges mutuels d’énergie dans une devise autre que le dollar par ces deux pays majeurs affaiblirait nettement les Etats-Unis.

    A l’heure actuelle le prix du pétrole russe que l’on exporte est fixé par le standard Brent et se négocie à New York et Londres. Désormais si ce projet russe abouti, le pétrole national se négociera en roubles et sur le SPIMEX (St. Petersburg International Mercantile Exchange). De facto, compte tenu du poids que peut représenter la Russie en termes d’exportation de pétrole, il est facile de comprendre que le négoce en rouble amenuisera fortement la demande de pétrole en dollars.

    Le projet n’est d’ailleurs pas utopique puisque la plateforme à terme est en cours de mise en place au SPIMEX sur le pétrole « Urals » (un pétrole très peu souffré à forte valeur ajoutée). Des pourparlers avancés sont même en cours avec des entreprises de trading étrangères pour la cotation de ce nouveau contrat à terme.

    Cette initiative n’est pas singulière, la Chine, deuxième plus grand importateur de pétrole du monde, entend également lancer son propre standard en yuan pour ses transactions pétrolières pour une cotation au INE (Shanghai International Energy Exchange). Enfin, d’autres pays émergeants cherchent également à réduire leurs dépendances au dollar US. Dès lors à n’en pas douter la guerre des monnaies apparaît concrète et n’en est qu’à ses prémices.



    Sébastien Gatel

    © Zonebourse.com 2016
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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