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Le Minotaure 504, de Kamel Daoud

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  • Le Minotaure 504, de Kamel Daoud

    Kamel Daoud a 40 ans, il n’a pas connu l’Algérie colonisée, mais il ne garde pas la langue française dans sa poche, il en use dans Le Quotidien d’Oran, où il tient depuis plusieurs années une chronique incisive, politique et bien troussée. Le Minotaure 504 est son cinquième livre, le premier publié en France. Les quatre nouvelles qui le composent dressent un portrait sévère de l’Algérie indépendante, comme si la fin de la guerre avait sonné la mort de l’espérance, l’abandon de tout projet partagé.

    La nouvelle qui donne son titre au recueil est le monologue déglingué comme sa 504 d’un chauffeur de taxi qui n’a de Minotaure qu’une absence de cou et la conviction qu’Alger a fait de lui un monstre. C’est un ancien soldat qui s’est battu pour la ville et qui ne supporte pas ce qu’elle est devenue: «J’ai défendu Alger pendant qu’elle se faisait baiser dans mon dos par tous, on racontait que des gens, venus d’ailleurs, voulaient la violer alors que c’est elle qui les avait excités avec ses longues jambes et ses gros seins.»

    Le héros de «Gibrîl au kérosène» n’en est pas un, c’est un homme résigné, un officier de l’armée de l’air qui fait le pied de grue devant un avion de sa fabrication à la foire internationale d’Alger, mais personne ne s’intéresse à son Ange Gibrîl, qu’il a patiemment construit de ses mains. Il tient bon et désespère: «Un vrai verset satanique que celui qui me trotte dans la tête : "Un Arabe est toujours plus célèbre lorsqu’il détourne un avion que lorsqu’il le fabrique!" C’est ce que pense le monde qui sait qu’il n’y a que deux sortes de peuples : ceux qui ont appris à marcher dans le ciel et ceux qui se font marcher dessus.» La dernière nouvelle, « La préface du nègre », montre un vieil homme analphabète qui convoque un jeune écrivain pour lui dicter ses glorieux souvenirs qui ont figé l’histoire de son pays, le scribe ne supporte pas cette autohagiographie et la trahit : «En sept ans de guerre, emprisonné, torturé, puis libéré par les siens, il en devint admirable mais fade comme un chiffre dans un poème.» Seul «L’ami d’Athènes» est incarné par un jeune Algérien, un coureur de fond qui participe aux 10 000 mètres des JO d’Athènes, les vingt-cinq pages du récit sont les divagations de son esprit le temps de la course, nourries d’amour de son pays. Il y trouve la force de la victoire mais ne peut s’arrêter sur le fil de l’arrivée et poursuit sa course vers le ciel comme un fuyard qui ne croit plus à ce qui l’exaltait.

    Kamel Daoud écrit ses nouvelles comme des paraboles où il peut dire poétiquement et peut-être plus librement que dans sa chronique journalistique son constat amer de l’Algérie d’aujourd’hui. Mais il garde les pieds sur terre : le 12 février dernier, il est descendu sur la place d’Armes à Oran où avait lieu un rassemblement de protestation, il a été interpellé et molesté par la police.
    dz(0000/1111)dz
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