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Qu’est-ce que la liberté ?

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  • Qu’est-ce que la liberté ?

    Qu’est-ce que la liberté ? Lorsque la liberté est analysée par des intellectuels savants en position d’autorité, elle finit par avoir l’air d’un concept douteux. Comment répondre à cela ?

    Dans l’univers de Georges Orwell de 1984, les gens sont conditionnés à penser que « la liberté, c’est l’esclavage ».

    Les philosophes en vogue de nos jours pensent souvent la même chose. Laisser une personne adulte décider par elle-même, c’est la soumettre à des forces étrangères. Sans l’autorité sage et bienveillante de notre collectivité, elle sera conditionnée par sa famille, par les publicités, par les exigences du marché du travail, par sa classe sociale, par le néo-libéralisme triomphant, bref, par… sa collectivité !

    Au Québec, le second cours de philosophie au collégial vise à diffuser ce genre de réflexions paradoxales. L’élève doit y apprendre à questionner son libre-arbitre, en passant en revue les arguments de Spinoza, Nietzsche, Marx, Freud et autres dits grands penseurs contre lui.
    Une de mes amies, œuvrant dans le secteur, y voit une objection solide contre mes opinions libertariennes. Qu’en est-il vraiment ?

    La faute partagée

    Premièrement, si ma liberté est illusoire, alors celle des autorités censées m’émanciper l’est aussi. Si les individus sont trop vulnérables pour prendre des décisions par eux-mêmes, il en va de même des policiers, des enseignants, des intervenants sociaux, des inspecteurs et de tous les représentants de la collectivité censés les en sauver.
    Ce que mon amie me montre au-delà de ce qu’elle me dit est très prétentieux. Elle suggère que les gens, surtout ses élèves et leurs parents, ne sont pas suffisamment libres pour décider par eux-mêmes de ce qu’ils doivent apprendre. Elle sous-entend, sans le dire explicitement, qu’elle est meilleure qu’eux à cet égard. Donc, elle a le droit de les forcer à faire ce qu’elle croit les émanciper, puis de forcer les contribuables à la payer via des grèves générales paralysantes.

    Ce qui manque le plus à un intellectuel en position de pouvoir, c’est un miroir. Lorsqu’il discourt de la liberté, il parle de celle des autres différemment de la sienne. De la même manière, lorsqu’il invoque la collectivité, il lui attribue une large autonomie sous son leadership, puis la voue aux pires dominations laissée à elle-même. Il y a un mot pour cela : l’égocentricité.
    Cette accusation se comprend encore mieux lorsque nous pointons comment ces autorités scolaires, légales, politiques, intellectuelles sont elles-mêmes le jeu de forces agissant à leur insu. Plus précisément, elles sont gratifiées d’un salaire et d’une reconnaissance par des individus qui tirent avantage de leur pouvoir. Elles œuvrent au sein de l’État. Elles vivent de la taxation. Bref, elles constituent un groupe ayant intérêt à légitimer, c’est-à-dire enchanter une forme de contrainte quelconque, surtout économique.

    Lorsque je leur reflète cet état de choses, ils m’accusent d’être paranoïaque. La remarque est savoureuse d’ironie, car ils passent la plupart de leur temps à analyser le reste de la société civile de cette manière. C’est seulement lorsque je retourne cette méthode contre eux qu’ils invoquent la pleine maîtrise qu’ils ont d’eux-mêmes contre les déterminismes de leur environnement.
    En ce sens, même si la liberté apparente n’était une illusion, elle le serait pour tout le monde, autorités incluses. Donc, il n’y a aucune raison logiquement valide d’abandonner cette liberté illusoire au profit d’une autre, plus vraie, apportée par une classe d’émancipateurs héroïques sortie de notre caverne et représentant supposément notre collectivité.

    La compatibilité

    Deuxièmement, l’apparente contradiction entre la liberté de l’individu, puis l’influence de forces sociales sur sa volonté n’est qu’un effet de langage.
    Imaginez deux philosophes en train de débattre à propos d’une table. L’un d’eux prétend que c’est la table qui supporte les différents morceaux de bois qui la constituent. L’autre lui répond que, non, ce sont les différents morceaux de bois qui supportent cette table. Les deux produisent de volumineuses recherches. Ils vont à des conférences sur le sujet. Ils vivent de l’impôt prélevé de force aux contribuables, se justifiant par la noblesse de cette activité. Ils exigent de l’État qu’il force l’enseignement de cette matière sur la jeunesse. Remplacez maintenant le mot table par celui de liberté et vous comprendrez alors mieux le ridicule de ce qui se passe actuellement dans nos universités.

    Qu’est-ce qui cloche dans cette histoire de table ? Les deux créent une fausse opposition. « La table » et « les morceaux de bois » réfèrent à une seule et même réalité, décrite de deux manières. L’une ou l’autre des deux descriptions cohabitent sans se contredire. Le Peuple, peu initié à ces grands mystères, le comprend assez bien lorsqu’il parle du « verre à moitié vide ou à moitié plein » ou de « l’œuf ou la poule ».

    Dans le cas de la liberté, les philosophes jouent sur une confusion courante entre « moi » et des forces sociales qui me font agir. Ils suggèrent ainsi que ma famille, mes amis, les publicités autour de moi, ma culture, mes employeurs me conditionnent dans une direction ou une autre. Je ne suis alors que le réceptacle passif d’une réseau d’influences. Je ne suis pas vraiment libre.

    Le problème avec cet argument ? Qui sommes-nous, si ce n’est l’ensemble de ces forces qui nous font agir d’une manière individuelle ? Je suis, fondamentalement, la façon unique dont ma famille, mes amis, les publicités autour de moi, ma culture, mes employeurs m’influencent. Il n’y a pas ici deux réalités séparées, dont l’une conditionne l’autre. Il n’y a qu’une seule et même réalité décrite de deux manières, comme dans mon exemple de la table et des morceaux de bois qui la constituent.

    C’est un peu comme cette blague qui dit « je ne t’ai pas frappé, c’est ma main qui l’a fait ». Oui, mais cette main, c’est toi. De la même manière, l’influence de ma famille, de ma culture et ainsi de suite, c’est moi.

    Liberté positive ou négative ?

    Troisièmement, il est erroné de confondre, comme certains, la liberté « positive » où nous sommes aptes à faire des choses et la « négative », où il n’y a personne pour obstruer notre chemin. Selon les marxistes et les rawlsiens, les libertariens ou libéraux classiques concevraient la liberté de façon négative, alors qu’intuitivement elle est positive.
    Cette manière de présenter la chose n’est pas fidèle à notre pensée. Selon la majeure partie d’entre nous, c’est la liberté positive qui importe. C’est pourquoi nous mettons autant d’accent à montrer comment les lois économiques régissant nos échanges mutualisent les bénéfices lorsque les individus sont libres de contraintes. Aucun auteur libéral sérieux n’a dit quelque chose du style « le libre-marché mène à la domination des masses par une élite et à l’appauvrissement des plus vulnérables, mais Who Cares ? » Non, nous croyons justement que les individus maximisent et égalisent leur liberté positive en respectant équitablement la liberté négative des autres. Ce sont nos adversaires qui y voient une opposition. Nous la nions.

    La liberté immature

    Quatrièmement, il importe de distinguer la liberté de la conception que s’en font les esprits adolescents. Ceux-ci pensent qu’elle peut être gratuite, puis qu’un quelconque va nous la fournir magiquement.
    Le monde autour de nous est rempli de limitations. Nous affrontons souvent des obstacles, financiers et autres, qui n’ont pas été mis sur notre chemin par d’autres personnes. C’est notre condition de départ. Elle n’est pas égale, ni même juste. Cela est un fait. Passer de cet état à un futur différent nous demande des efforts, parfois très lourds. D’autres l’ont eu plus facilement. C’est frustrant.

    Ces perceptions sont compréhensibles. Cependant, le monde est ainsi fait que ceux qui se présentent à nous en vue d’obtenir du pouvoir les exploitent afin d’obtenir notre vote et notre assentiment. Ils le font en nous promettant des solutions sans effort, qui ne seront pénibles que pour les plus confortables d’entre nous. Au final, ce sont ces gens qui nous taxent, qui nous limitent et qui nous abusent. Ils ne sont pas des anges, ni des magiciens, mais des êtres humains comme tout le monde.
    Devenir adulte, c’est avoir la sagesse de ne plus attendre la venue de ces princes charmants, puis d’accepter le fardeau de cette responsabilité.

    Qu’est-ce que la liberté ?

    Bref, qu’est-ce que la liberté ? C’est laisser les gens décider par eux-mêmes, en payer le prix, puis en accepter les conséquences, plutôt que de les imposer aux autres par la force. C’est aussi la conviction qu’en agissant ainsi, les individus seront plus aptes qu’en position de dépendance envers une caste d’émancipateurs sociaux. C’est un truc concret, au quotidien, qui ne disparaît pas dans la rhétorique de pelleteurs de nuages.




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