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Le Qatar, cet émirat qui n'a que des amis

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  • Le Qatar, cet émirat qui n'a que des amis

    Bonjour, n'avoir que des amis en fonction de ses intérêts, ne serait-ce pas cela, la définition d'une bonne diplômatie ?
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    En bons termes avec les Israéliens et les islamistes palestiniens, hôte d'al-Jezira, mais aussi de la plus importante base militaire américaine dans le Golfe, l'émirat du Qatar cherche à concilier l'inconciliable : une stratégie d'influence qui confine au grand écart.

    EN OUVERTURE des récents Jeux asiatiques, la prise de risque a impressionné. Sous la pluie, chevauchant son pur-sang, torche en main, le prince Mohammed, fils cadet de l'émir, gravit la pente à vive allure, avant de sembler se dérober, pour finalement parvenir à allumer la flamme olympique. La scène dit tout du Qatar : un pays sans complexes. Audacieux. Impertinent. Des « Arabes du troisième type » dans un Moyen-Orient ankylosé.

    Rien ne paraît trop grand pour ce minuscule émirat. De gigantesques réserves gazières lui donnent les moyens de ses ambitions. Doha est, d'ores et déjà, candidat pour les JO de 2016. Face à la mer, les tours géantes poussent comme des champignons. Une frénésie de développement due à la personnalité de l'émir, Cheikh Hamad Bin Khalifa al-Thani, 56 ans, qui avait renversé son père en 1995, parce qu'il s'opposait à ses projets de modernisation. « L'émir a une vision de l'avenir », explique un proche : « il pense qu'il n'a pas le choix. S'il ne développe pas rapidement le Qatar, certains à l'extérieur n'hésiteraient pas à faire pression sur des gens ici ». Entouré de géants, le Qatar est obsédé par sa survie. « L'émir a longtemps eu le syndrome du Koweït face à l'Irak, il a peur de se retrouver un matin avec des troupes saoudiennes qui occupent son pays, et personne qui ne dirait mot », souligne un diplomate européen, qui rappelle les accrochages parfois meurtriers à la frontière entre les deux voisins dans les années 1990.

    Les 8 000 soldats américains de la base d'al-Udeid sont un bouclier face à la menace extérieure. Et pour se protéger du risque islamiste intérieur, les Qataris accueillent leurs « ennemis » pour mieux les contrôler. Ainsi, Doha a-t-il conclu des « accords tacites » avec les mouvements fondamentalistes : le Hamas, les rebelles tchétchènes pour lesquels le Qatar a servi de base arrière, et même le Fis algérien (dont l'ancien leader Cheikh Abassi Madani vit en exil à Doha). Les autorités utilisent leurs « hôtes » pour faire passer des messages. Quand Cheikh Hamad a voulu imposer le droit de vote des femmes, contre la volonté d'une majorité de Qataris, il a demandé à Youssef Qaradaoui d'aller prêcher dans les mosquées en faveur du vote féminin. « Vous êtes une protection contre l'extrémisme m'a dit il y a quelques années l'émir », avoue le célèbre prédicateur fondamentaliste égyptien, proche des Frères musulmans, dont l'émission hebdomadaire sur al-Jezira est très regardée dans le monde arabe.

    Singapour comme modèle

    « Parfois, les accords tacites ne fonctionnent plus », tempère Roï Rosenblit. Le représentant d'Israël au Qatar, seul pays arabe à accueillir une telle représentation sans avoir signé la paix avec l'État hébreu, fait référence au premier attentat islamiste, commis en mars 2005 par un travailleur égyptien, qui tua un Britannique dans un théâtre de Doha. L'attaque stupéfia. Un acte, officiellement, isolé. Plus vraisemblablement « une réaction à la décision du Qatar de restreindre les vivres aux islamistes, après les nouvelles contraintes imposées par les Américains sur les mouvements de fonds vers les intégristes », avance un bon connaisseur, soulignant ainsi les limites de la stratégie d'influence tous azimuts de Doha.

    « Notre modèle ressemble davantage à Singapour qu'aux États arabes traditionnels », se défend le vice-ministre des Affaires étrangères, Mohammed al-Rumaihi. Mais avec seulement 160 000 autochtones, l'émirat manque cruellement de capital humain. D'où le recrutement d'universitaires américains à la Fondation du Qatar, le pôle d'excellence en matière d'éducation de Cheikha Moza, la très dynamique troisième épouse de l'émir. Ou, pour faire pendant, l'hospitalité accordée aux anciens fidèles de Saddam Hussein ou à sa veuve Saggida. « Parler à tout le monde nous permet d'avoir une politique dynamique et indépendante », soutient al-Rumaihi.

    Un foyer de tension vient-il à se réchauffer ? La diplomatie qatarie surgit pour réconcilier les protagonistes. Hassem Bin Jassem, le ministre des Affaires étrangères, fait ainsi la navette à Gaza entre Ismaël Hanyeh, le premier ministre du Hamas, et le président palestinien, Abou Mazen. « Nous sommes pour une diplomatie ouverte, et non plus, comme le font trop souvent les pays arabes, pour des contacts secrets », poursuit al-Rohami. Au Conseil de sécurité de l'ONU, Doha n'hésite pas à voter contre le candidat arabe à la succession de Kofi Annan. Et pour « ne pas déplaire » à son voisin iranien, le Qatar peut très bien être le seul des quinze membres du Conseil à rejeter une résolution dure contre Téhéran. En cas d'attaque américaine contre l'Iran, le Qatar redoute en effet une riposte sur la base d'al-Udeid. Et puis, il y a ces 30 ou 40 % de Qataris d'origine iranienne, qu'il convient de ménager.

    «Nouveau défi sécuritaire»

    « C'est l'émir qui impose la modernité à son peuple. Mais le peuple, lui, est conservateur », avertit cependant un diplomate arabe. Dans un pays où la polygamie et le voile sont des « musts », le rythme des réformes peut heurter. Même au sein de la famille régnante, certains critiquent la soif de changement de Cheikha Moza, tandis que d'autres, autour de l'ancien ministre de l'Intérieur, Cheikh Abdallah, un cousin écarté en 2003 pour des contacts présumés avec al-Qaida, renâcleraient. La surexposition du Qatar a fait naître « un nouveau défi sécuritaire », auquel les autorités ont commencé à répondre. Par une « qatarisation » de l'armée, composée aujourd'hui à 60 % par des étrangers. Et surtout par la création en 2004 d'une Force de sécurité intérieure, véritable garde prétorienne du régime, placée sous la responsabilité du prince héritier Cheikh Tamim, 25 ans, l'un des fils de l'émir.

    De notre envoyé spécial à Doha GEORGES MALBRUNOT.
    06 janvier 2007. Le Figaro
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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