Pour répondre à la croissance rapide des villes, les projets de transports publics ferroviaires se multiplient, séduisant de plus en plus les citadins et faisant des émules sur l'ensemble du continent. Reste à trouver le modèle qui assurera leur rentabilité.
Alstom va fournir 50 rames de tramway supplémentaires à Casablanca
Alstom décroche une commande de 200 millions d'euros en Algérie
Depuis le bureau de Laurent Vos, chef du chantier de l’extension du tramway de Constantine, on aperçoit les premières barres d’Ali Mendjeli. Bientôt, la ligne desservira aussi cette ville nouvelle, bâtie à une vingtaine de kilomètres de la métropole, dans sa banlieue sud, à partir de la fin des années 1990. La cité, qui compte déjà plus de 200 000 habitants, doit à terme en accueillir 300 000 – la commune de Constantine en comptait 450 000 en 2008.
« Conçue pour héberger les habitants des logements précaires du centre-ville de Constantine, ainsi que deux universités et une gigantesque cité étudiante de 26 000 logements, Ali Mendjeli a poussé comme un champignon », indique Laurent Vos, cadre du groupe français Alstom, spécialisé dans les transports ferroviaires, qui pilote un groupement comprenant l’entreprise publique algérienne de BTP Cosider et l’espagnol Corsán.
D’importants travaux d’extension d’importants à venir
Inaugurée en juin 2013, la ligne de tramway actuelle part du centre-ville et dessert dix stations sur 8,1 km, jusqu’à Zouaghi, limite de l’agglomération centrale. On est encore loin d’Ali Mendjeli, où vit une large part de la population qui converge chaque matin vers Constantine. Résultat, malgré une capacité de 70 000 passagers par jour, le tramway n’en transporte pour l’instant que 25 000.
« Les travaux d’extension de la ligne, qui doivent être terminés en août 2018, vont doper le trafic », estime Laurent Vos. Et permettre aux habitants d’Ali Mendjeli de raccourcir leur temps de trajet vers le centre de Constantine, de deux heures à cinquante minutes.
L’enveloppe budgétaire de ce projet d’extension est de 200 millions d’euros, pour 10,3 km et 11 stations supplémentaires. C’est moins que les 440 millions d’euros dépensés pour les travaux de la première tranche, menés par l’italien Pizarrotti, qui avaient nécessité des aménagements urbains complexes à l’intérieur de la vieille ville.
Les projets algériens sont parmi les plus avancés du continent, avec ceux du Caire
Le tramway de Constantine est le troisième grand projet mené par l’Entreprise Métro d’Alger (EMA), le pilote public des chantiers et des exploitations de transports urbains sur rails, après Alger (où métro et tramway sont entrés en exploitation en 2011) et Oran (tramway inauguré en mai 2013). Les tramways de Sidi Bel Abbès, de Sétif, de Ouargla et de Mostaganem devraient entrer en service d’ici à 2018. Ceux de Batna et d’Annaba sont censés suivre, ainsi que les nouvelles extensions à Alger et à Oran, mais la signature de ces contrats a été reportée en raison de la baisse des cours du pétrole, qui met à mal les finances de l’État.
À LIRE AUSSI :Colas Rail décroche la deuxième extension du métro d’Alger
Alors que la croissance des villes représente un défi majeur pour le continent, les gouvernements africains planchent désormais tous sur leurs politiques de transport urbain. Les projets algériens sont parmi les plus avancés du continent, avec ceux du Caire (qui dispose d’un métro depuis 1987) et de Tunis (doté d’un tramway depuis 1985).
des projets onéreux
Mais le recours à de nouveaux modes de transport citadin se généralise ailleurs. Au Maghreb, le Maroc, confronté aux mêmes évolutions que l’Algérie en matière de croissance urbaine, s’est doté d’un tramway à Rabat en 2011 puis à Casablanca en 2012 (avec une première ligne longue de 31 km).
« Le marché africain est en pleine croissance. La concurrence pour décrocher les appels d’offres y est désormais forte, estime Gian-Luca Erbacci, vice-président d’Alstom pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Au sud du Sahara, en dehors de l’Afrique du Sud, les projets se sont multipliés ces deux dernières années alors qu’il n’y en avait quasiment pas jusque-là. »
De fait, à Addis-Abeba, un premier tramway, financé et construit par les Chinois pour un budget de 412 millions d’euros, circule depuis septembre 2015 sur 34 km. Et un autre projet, associant tramway et train express, a été annoncé à Dakar. Quant au futur train express urbain d’Abidjan, dont l’enveloppe a été réévaluée à 1 milliard d’euros – contre 500 millions d’euros prévus initialement -, un accord-cadre a été conclu en avril 2014 entre l’État et un consortium franco-coréen (Bouygues-Dongsan Engineering-Hyundai Rotem).
Reste que démarrer un tramway, un métro ou un train express urbain est un projet de longue haleine, en témoigne le temps de gestation – vingt-huit ans ! – du métro d’Alger.
Et que ces chantiers peuvent représenter de véritables gouffres financiers, surtout si les autorités changent d’avis en cours de route. Reporté et amendé à plusieurs reprises, le projet du métro d’Alger, finalement réalisé par le consortium Siemens-Vinci-CAF, aurait coûté 3 milliards d’euros aux contribuables algériens avant de sortir de terre. Une erreur de pilotage qu’a voulu éviter la ville de Casablanca – déjà surendettée -, en renonçant à son « métro léger aérien », au coût prohibitif de 1 milliard d’euros, pour lui préférer une nouvelle ligne de tramway à 388 millions d’euros.
Parler de « rentabilité » d’un tramway ou d’un métro est abusif : l’amortissement des investissements – toujours réalisés par la puissance publique – ne se fait que sur le très long terme, à trente, voire cinquante ans. Atteindre l’équilibre sur les seuls coûts d’exploitation est en revanche possible à moyen terme. Ce n’est pas encore le cas pour le tramway de Casablanca (opérationnel depuis 2012), dont l’exploitation est assurée par RATP Dev. L’agence publique , chargée de sa gestion, a affiché en 2015 un déficit de 80 millions de dirhams (7,4 millions d’euros).
« Avec 130 000 passagers transportés chaque jour au lieu des 250 000 attendus, les objectifs n’ont pas été atteints, principalement en raison de la mauvaise interconnexion de la ligne de tramway avec les bus, décrypte Shada Taïb, porte-parole de Casa Transports. Il n’y a pas eu d’accord avec M’Dina, la société d’exploitation des bus. Or, c’était une condition essentielle pour augmenter le trafic, avec la mise en place de plateformes multimodales bus-tramway et d’une tarification commune. » Selon Casa Transports, les 6 dirhams payés par chaque voyageur ne couvrent que 60 % des frais d’exploitation, le reste étant assuré par la subvention publique.
« Nous travaillons à la mise en place d’un titre magnétique interopérable, puis d’une carte sans contact semblable au Navigo parisien », Didier Lescloupé, directeur général de RATP El Djazaïr.
Alstom va fournir 50 rames de tramway supplémentaires à Casablanca
Alstom décroche une commande de 200 millions d'euros en Algérie
Depuis le bureau de Laurent Vos, chef du chantier de l’extension du tramway de Constantine, on aperçoit les premières barres d’Ali Mendjeli. Bientôt, la ligne desservira aussi cette ville nouvelle, bâtie à une vingtaine de kilomètres de la métropole, dans sa banlieue sud, à partir de la fin des années 1990. La cité, qui compte déjà plus de 200 000 habitants, doit à terme en accueillir 300 000 – la commune de Constantine en comptait 450 000 en 2008.
« Conçue pour héberger les habitants des logements précaires du centre-ville de Constantine, ainsi que deux universités et une gigantesque cité étudiante de 26 000 logements, Ali Mendjeli a poussé comme un champignon », indique Laurent Vos, cadre du groupe français Alstom, spécialisé dans les transports ferroviaires, qui pilote un groupement comprenant l’entreprise publique algérienne de BTP Cosider et l’espagnol Corsán.
D’importants travaux d’extension d’importants à venir
Inaugurée en juin 2013, la ligne de tramway actuelle part du centre-ville et dessert dix stations sur 8,1 km, jusqu’à Zouaghi, limite de l’agglomération centrale. On est encore loin d’Ali Mendjeli, où vit une large part de la population qui converge chaque matin vers Constantine. Résultat, malgré une capacité de 70 000 passagers par jour, le tramway n’en transporte pour l’instant que 25 000.
« Les travaux d’extension de la ligne, qui doivent être terminés en août 2018, vont doper le trafic », estime Laurent Vos. Et permettre aux habitants d’Ali Mendjeli de raccourcir leur temps de trajet vers le centre de Constantine, de deux heures à cinquante minutes.
L’enveloppe budgétaire de ce projet d’extension est de 200 millions d’euros, pour 10,3 km et 11 stations supplémentaires. C’est moins que les 440 millions d’euros dépensés pour les travaux de la première tranche, menés par l’italien Pizarrotti, qui avaient nécessité des aménagements urbains complexes à l’intérieur de la vieille ville.
Les projets algériens sont parmi les plus avancés du continent, avec ceux du Caire
Le tramway de Constantine est le troisième grand projet mené par l’Entreprise Métro d’Alger (EMA), le pilote public des chantiers et des exploitations de transports urbains sur rails, après Alger (où métro et tramway sont entrés en exploitation en 2011) et Oran (tramway inauguré en mai 2013). Les tramways de Sidi Bel Abbès, de Sétif, de Ouargla et de Mostaganem devraient entrer en service d’ici à 2018. Ceux de Batna et d’Annaba sont censés suivre, ainsi que les nouvelles extensions à Alger et à Oran, mais la signature de ces contrats a été reportée en raison de la baisse des cours du pétrole, qui met à mal les finances de l’État.
À LIRE AUSSI :Colas Rail décroche la deuxième extension du métro d’Alger
Alors que la croissance des villes représente un défi majeur pour le continent, les gouvernements africains planchent désormais tous sur leurs politiques de transport urbain. Les projets algériens sont parmi les plus avancés du continent, avec ceux du Caire (qui dispose d’un métro depuis 1987) et de Tunis (doté d’un tramway depuis 1985).
des projets onéreux
Mais le recours à de nouveaux modes de transport citadin se généralise ailleurs. Au Maghreb, le Maroc, confronté aux mêmes évolutions que l’Algérie en matière de croissance urbaine, s’est doté d’un tramway à Rabat en 2011 puis à Casablanca en 2012 (avec une première ligne longue de 31 km).
« Le marché africain est en pleine croissance. La concurrence pour décrocher les appels d’offres y est désormais forte, estime Gian-Luca Erbacci, vice-président d’Alstom pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Au sud du Sahara, en dehors de l’Afrique du Sud, les projets se sont multipliés ces deux dernières années alors qu’il n’y en avait quasiment pas jusque-là. »
De fait, à Addis-Abeba, un premier tramway, financé et construit par les Chinois pour un budget de 412 millions d’euros, circule depuis septembre 2015 sur 34 km. Et un autre projet, associant tramway et train express, a été annoncé à Dakar. Quant au futur train express urbain d’Abidjan, dont l’enveloppe a été réévaluée à 1 milliard d’euros – contre 500 millions d’euros prévus initialement -, un accord-cadre a été conclu en avril 2014 entre l’État et un consortium franco-coréen (Bouygues-Dongsan Engineering-Hyundai Rotem).
Reste que démarrer un tramway, un métro ou un train express urbain est un projet de longue haleine, en témoigne le temps de gestation – vingt-huit ans ! – du métro d’Alger.
Et que ces chantiers peuvent représenter de véritables gouffres financiers, surtout si les autorités changent d’avis en cours de route. Reporté et amendé à plusieurs reprises, le projet du métro d’Alger, finalement réalisé par le consortium Siemens-Vinci-CAF, aurait coûté 3 milliards d’euros aux contribuables algériens avant de sortir de terre. Une erreur de pilotage qu’a voulu éviter la ville de Casablanca – déjà surendettée -, en renonçant à son « métro léger aérien », au coût prohibitif de 1 milliard d’euros, pour lui préférer une nouvelle ligne de tramway à 388 millions d’euros.
Parler de « rentabilité » d’un tramway ou d’un métro est abusif : l’amortissement des investissements – toujours réalisés par la puissance publique – ne se fait que sur le très long terme, à trente, voire cinquante ans. Atteindre l’équilibre sur les seuls coûts d’exploitation est en revanche possible à moyen terme. Ce n’est pas encore le cas pour le tramway de Casablanca (opérationnel depuis 2012), dont l’exploitation est assurée par RATP Dev. L’agence publique , chargée de sa gestion, a affiché en 2015 un déficit de 80 millions de dirhams (7,4 millions d’euros).
« Avec 130 000 passagers transportés chaque jour au lieu des 250 000 attendus, les objectifs n’ont pas été atteints, principalement en raison de la mauvaise interconnexion de la ligne de tramway avec les bus, décrypte Shada Taïb, porte-parole de Casa Transports. Il n’y a pas eu d’accord avec M’Dina, la société d’exploitation des bus. Or, c’était une condition essentielle pour augmenter le trafic, avec la mise en place de plateformes multimodales bus-tramway et d’une tarification commune. » Selon Casa Transports, les 6 dirhams payés par chaque voyageur ne couvrent que 60 % des frais d’exploitation, le reste étant assuré par la subvention publique.
« Nous travaillons à la mise en place d’un titre magnétique interopérable, puis d’une carte sans contact semblable au Navigo parisien », Didier Lescloupé, directeur général de RATP El Djazaïr.
Commentaire