Par Jean Araud et Tarik Bouafia
Mondialisation, 24 mai 2016
Depuis quelques semaines, le Venezuela fait régulièrement la une de l’actualité internationale. Comme au temps d’Hugo Chavez, une importante campagne médiatique de dénigrement et de mensonge est menée contre la Révolution Bolivarienne. Même si en effet le Venezuela traverse une période difficile notamment sur le plan économique, la réalité de la situation décrite par les médias s’avère très souvent partiale et caricaturale.
Journaliste installé depuis quarante au Venezuela, Jean Araud suit de très près l’actualité dans le pays. Son analyse de la situation diffère radicalement de ce qu’on entend généralement dans les médias dominants.
Le 6 décembre dernier, l’opposition vénézuélienne remportait pour la première fois en quinze ans les élections législatives. Quatre mois plus tard, quel bilan pouvons-nous tirer des premières actions de l’opposition à l’Assemblée Nationale?
En réalité aucun bilan ne surprend véritablement. Le nouveau président de l’Assemblée Nationale, Ramos Allup, est un politicien de la vieille école bien connu des Vénézuéliens pour son style provocateur. Le bilan est marqué par des provocations suivies d’autres provocations. La nouvelle Assemblée Nationale a tenté d’ignorer les autres niveaux de pouvoirs, en essayant par exemple d’imposer trois de ses députés qui avaient été élus de manière frauduleuse, ou en essayant de faire passer certaines lois des plus extravagantes. Parmi ces lois, une « loi d’amnistie » a pour objectif de pardonner des personnes condamnées et qui purgent leur peine, ou des hors-la-loi, pour des actes de corruption. Le véritable bilan est un véritable show médiatique, prudemment diffusé par certains grands médias internationaux, et plusieurs protestations populaires contre les prétentions de l’Assemblée Nationale, celles-là avec peu de couverture médiatique. Mais jusqu’à présent, cette Assemblée Nationale n’a pas réussi à imposer ses trois députés, ni aucune de ses lois extravagantes.
Côté économique, le Venezuela a été frappé de plein fouet par la baisse du prix du pétrole. Puis, depuis quelques semaines, le pays fait face à une terrible sécheresse qui affecte sérieusement l’approvisionnement en énergie. Enfin, l’oligarchie économique mène depuis des années une redoutable guerre économique en créant désapprovisionnement, pénuries…
Face à ce contexte difficile, quelles sont les principales mesures qu’a prises le gouvernement pour d’un côté affronter ces problèmes et de l’autre conserver les nombreuses conquêtes sociales acquises ces quinze dernières années?
Cette question et une synthèse parfaite du panorama général actuel au Venezuela. Face aux difficultés d’approvisionnement en électricité, le gouvernement a pris les mêmes mesures que prendrait n’importe quel autre gouvernement face à une telle situation. D’un côté une campagne d’information auprès de la population a été mise en place avec des messages tels que « je suis prudent, je consomme efficacement », et d’un autre côté, il y a eu une réduction des heures de travail dans les organismes publics afin de minimiser la consommation en énergie.
Face au désapprovisionnement, créé par l’opposition afin des déstabiliser ou pour tenter de provoquer une explosion social, des programmes baptisés « motores » ont été développés afin de développer d’autres moteurs économiques que le pétrole. Ces programmes concernent principalement les manufactures, l’agriculture et le tourisme. On a également développé des activités de cultures urbaines afin de pallier au désapprovisionnement et à la distribution d’aliments sur le marché noir. En réalité, ce désapprovisionnement est le résultat de l’accaparement des produits.
Par exemple, le peuple n’a pas les moyens de s’approvisionner en sucre, ni en pain, sous le prétexte qu’il n’y a pas de farine. Mais curieusement, si on fait le tour des boulangeries de Caracas, on peut voir dans les vitrines toute sorte d’articles de boulangerie et de pâtisserie, mais bien entendu à des prix astronomiques. Cela est juste un exemple qui en illustre des centaines d’autres.
Les conquêtes sociales continuent cependant de se développer et ce malgré la crise économique. Le gouvernement maintient fermement certains programmes d’éducation, de logements et le système de pensions. Le gouvernement a également multiplié les augmentations de salaires afin que la population puisse faire face à l’augmentation démesurée du prix des denrées.
De nombreux historiens, analystes, voient dans cette guerre économique menée contre la Révolution bolivarienne un remake de la guerre menée par les secteurs oligarchiques chiliens contre le président Salvador Allende dans les années 1970. Selon vous, cette comparaison est-elle justifiée ?
L’époque n’est pas la même, mais oui, il existe des similitudes, et la principale est que ces deux cas sont des guerres économiques menées depuis Washington. Au Chili, se fut de manière couverte, mais aujourd’hui au Venezuela cela est fait à la lumière du jour. La grande différence est qu’au Chili, les militaires ont utilisé la manière forte, et qu’ici au Venezuela, les militaires se présentent comme des citoyens armés.
Nous assistons depuis quelques semaines à une croisade médiatique contre le président Maduro, accusé de tous les maux dont souffre le pays. Cela rappelle étrangement les campagnes de manipulation et de diffamation dont était victime le président Chavez. Comment expliquez-vous cet acharnement médiatique à l’heure ou le Venezuela fait face à d’importants problèmes économiques ?
La croisade médiatique est exactement la même car elle est réalisée par de grands médias internationaux qui dépendent du « grand capital », des corporations et qui sont transnationaux. Chavez ou Maduro ne sont attaqués que pour ce qu’ils représentent. Il s’agit en fait d’une croisade du capitalisme contre un nouveau modèle de socialisme qui, dans le cas du Venezuela, a été adopté par une grande majorité du peuple dans l’espoir d’un nouveau monde possible, plus juste et plus humain. Pour les grandes puissances occidentales, cela est un exemple dangereux qu’il ne faudrait pas que ses propres peuples suivent, d’où une grande motivation pour neutraliser, par tous les moyens possibles, les leaders de ce modèle.
Plus le temps passe, plus des informations laissent à penser, à travers des indices mais également certaines preuves, que le président Chavez a été assassiné, victime, en un mot d’un assassinat.
L’opposition vénézuélienne rassemblée autour de la « Mesa de la Unidad Democratica » (MUD) vient de lancer une stratégie globale dans le but de renverser le plus rapidement le président Maduro. Face à cette offensive, quel rôle peuvent jouer les bases chavistes que l’on sait puissantes et bien ancrées au sein de la population ?
Avant de répondre à votre question, je me permets une parenthèse. L’appellation « Mesa de la Unidad Democrática » n’est qu’une appellation. N’allez pas imaginer que l’opposition vénézuélienne est unie autour d’une supposée table. L’opposition est menée par des personnalités politiques de la vieille école du bipartisme pratiqué lors de l’ancienne république, c’est-à-dire AD (pour « Acción Democrática ») et COPEI pour les socialistes chrétiens. De fait, l’actuel président de l’Assemblée Nationale est un membre historique d’AD et nombreux sont les incidents qui démontrent qu’entre les partis d’opposition, l’harmonie n’est tout simplement pas à l’ordre du jour.
Cette situation est diamétralement opposée à celle des dirigeants chavistes dont l’immense majorité est fidèle à l’héritage de Chávez, c’est-à-dire fidèle au président Maduro. En réalité, l’opposition n’a aucune stratégie globale pour sortir Maduro dans le sens d’actions stratégiques planifiées et coordonnées. Ce qu’a l’opposition c’est l’obsession de sortir Maduro, la même obsession que contre Chávez. De fait, l’opposition ne fait aucune proposition, ne présente aucun programme concret pour solutionner les problèmes du pays, mais oriente ouvertement ses actions sur une prise de pouvoir coûte que coûte, par la voie démocratique ou non, dans le respect des lois ou non. Actuellement, l’opposition tente de recourir à une révocation afin de destituer Maduro. Ce processus demande une mise en contexte et une observation attentive, et ce pour plusieurs motifs.
C’est Chávez, que certains médias présentaient comme un dictateur, qui a introduit dans la nouvelle constitution vénézuélienne le principe de révocation, symbole démocratique par excellence dont peut de prétendues démocraties peuvent se vanter. La révocation permet au peuple, en ne réunissant qu’un pour-cent de signatures parmi les électeurs, de solliciter un référendum visant à révoquer à mi-mandat les autorités élues, et ce inclut le président de la république.
Mondialisation, 24 mai 2016
Depuis quelques semaines, le Venezuela fait régulièrement la une de l’actualité internationale. Comme au temps d’Hugo Chavez, une importante campagne médiatique de dénigrement et de mensonge est menée contre la Révolution Bolivarienne. Même si en effet le Venezuela traverse une période difficile notamment sur le plan économique, la réalité de la situation décrite par les médias s’avère très souvent partiale et caricaturale.
Journaliste installé depuis quarante au Venezuela, Jean Araud suit de très près l’actualité dans le pays. Son analyse de la situation diffère radicalement de ce qu’on entend généralement dans les médias dominants.
Le 6 décembre dernier, l’opposition vénézuélienne remportait pour la première fois en quinze ans les élections législatives. Quatre mois plus tard, quel bilan pouvons-nous tirer des premières actions de l’opposition à l’Assemblée Nationale?
En réalité aucun bilan ne surprend véritablement. Le nouveau président de l’Assemblée Nationale, Ramos Allup, est un politicien de la vieille école bien connu des Vénézuéliens pour son style provocateur. Le bilan est marqué par des provocations suivies d’autres provocations. La nouvelle Assemblée Nationale a tenté d’ignorer les autres niveaux de pouvoirs, en essayant par exemple d’imposer trois de ses députés qui avaient été élus de manière frauduleuse, ou en essayant de faire passer certaines lois des plus extravagantes. Parmi ces lois, une « loi d’amnistie » a pour objectif de pardonner des personnes condamnées et qui purgent leur peine, ou des hors-la-loi, pour des actes de corruption. Le véritable bilan est un véritable show médiatique, prudemment diffusé par certains grands médias internationaux, et plusieurs protestations populaires contre les prétentions de l’Assemblée Nationale, celles-là avec peu de couverture médiatique. Mais jusqu’à présent, cette Assemblée Nationale n’a pas réussi à imposer ses trois députés, ni aucune de ses lois extravagantes.
Côté économique, le Venezuela a été frappé de plein fouet par la baisse du prix du pétrole. Puis, depuis quelques semaines, le pays fait face à une terrible sécheresse qui affecte sérieusement l’approvisionnement en énergie. Enfin, l’oligarchie économique mène depuis des années une redoutable guerre économique en créant désapprovisionnement, pénuries…
Face à ce contexte difficile, quelles sont les principales mesures qu’a prises le gouvernement pour d’un côté affronter ces problèmes et de l’autre conserver les nombreuses conquêtes sociales acquises ces quinze dernières années?
Cette question et une synthèse parfaite du panorama général actuel au Venezuela. Face aux difficultés d’approvisionnement en électricité, le gouvernement a pris les mêmes mesures que prendrait n’importe quel autre gouvernement face à une telle situation. D’un côté une campagne d’information auprès de la population a été mise en place avec des messages tels que « je suis prudent, je consomme efficacement », et d’un autre côté, il y a eu une réduction des heures de travail dans les organismes publics afin de minimiser la consommation en énergie.
Face au désapprovisionnement, créé par l’opposition afin des déstabiliser ou pour tenter de provoquer une explosion social, des programmes baptisés « motores » ont été développés afin de développer d’autres moteurs économiques que le pétrole. Ces programmes concernent principalement les manufactures, l’agriculture et le tourisme. On a également développé des activités de cultures urbaines afin de pallier au désapprovisionnement et à la distribution d’aliments sur le marché noir. En réalité, ce désapprovisionnement est le résultat de l’accaparement des produits.
Par exemple, le peuple n’a pas les moyens de s’approvisionner en sucre, ni en pain, sous le prétexte qu’il n’y a pas de farine. Mais curieusement, si on fait le tour des boulangeries de Caracas, on peut voir dans les vitrines toute sorte d’articles de boulangerie et de pâtisserie, mais bien entendu à des prix astronomiques. Cela est juste un exemple qui en illustre des centaines d’autres.
Les conquêtes sociales continuent cependant de se développer et ce malgré la crise économique. Le gouvernement maintient fermement certains programmes d’éducation, de logements et le système de pensions. Le gouvernement a également multiplié les augmentations de salaires afin que la population puisse faire face à l’augmentation démesurée du prix des denrées.
De nombreux historiens, analystes, voient dans cette guerre économique menée contre la Révolution bolivarienne un remake de la guerre menée par les secteurs oligarchiques chiliens contre le président Salvador Allende dans les années 1970. Selon vous, cette comparaison est-elle justifiée ?
L’époque n’est pas la même, mais oui, il existe des similitudes, et la principale est que ces deux cas sont des guerres économiques menées depuis Washington. Au Chili, se fut de manière couverte, mais aujourd’hui au Venezuela cela est fait à la lumière du jour. La grande différence est qu’au Chili, les militaires ont utilisé la manière forte, et qu’ici au Venezuela, les militaires se présentent comme des citoyens armés.
Nous assistons depuis quelques semaines à une croisade médiatique contre le président Maduro, accusé de tous les maux dont souffre le pays. Cela rappelle étrangement les campagnes de manipulation et de diffamation dont était victime le président Chavez. Comment expliquez-vous cet acharnement médiatique à l’heure ou le Venezuela fait face à d’importants problèmes économiques ?
La croisade médiatique est exactement la même car elle est réalisée par de grands médias internationaux qui dépendent du « grand capital », des corporations et qui sont transnationaux. Chavez ou Maduro ne sont attaqués que pour ce qu’ils représentent. Il s’agit en fait d’une croisade du capitalisme contre un nouveau modèle de socialisme qui, dans le cas du Venezuela, a été adopté par une grande majorité du peuple dans l’espoir d’un nouveau monde possible, plus juste et plus humain. Pour les grandes puissances occidentales, cela est un exemple dangereux qu’il ne faudrait pas que ses propres peuples suivent, d’où une grande motivation pour neutraliser, par tous les moyens possibles, les leaders de ce modèle.
Plus le temps passe, plus des informations laissent à penser, à travers des indices mais également certaines preuves, que le président Chavez a été assassiné, victime, en un mot d’un assassinat.
L’opposition vénézuélienne rassemblée autour de la « Mesa de la Unidad Democratica » (MUD) vient de lancer une stratégie globale dans le but de renverser le plus rapidement le président Maduro. Face à cette offensive, quel rôle peuvent jouer les bases chavistes que l’on sait puissantes et bien ancrées au sein de la population ?
Avant de répondre à votre question, je me permets une parenthèse. L’appellation « Mesa de la Unidad Democrática » n’est qu’une appellation. N’allez pas imaginer que l’opposition vénézuélienne est unie autour d’une supposée table. L’opposition est menée par des personnalités politiques de la vieille école du bipartisme pratiqué lors de l’ancienne république, c’est-à-dire AD (pour « Acción Democrática ») et COPEI pour les socialistes chrétiens. De fait, l’actuel président de l’Assemblée Nationale est un membre historique d’AD et nombreux sont les incidents qui démontrent qu’entre les partis d’opposition, l’harmonie n’est tout simplement pas à l’ordre du jour.
Cette situation est diamétralement opposée à celle des dirigeants chavistes dont l’immense majorité est fidèle à l’héritage de Chávez, c’est-à-dire fidèle au président Maduro. En réalité, l’opposition n’a aucune stratégie globale pour sortir Maduro dans le sens d’actions stratégiques planifiées et coordonnées. Ce qu’a l’opposition c’est l’obsession de sortir Maduro, la même obsession que contre Chávez. De fait, l’opposition ne fait aucune proposition, ne présente aucun programme concret pour solutionner les problèmes du pays, mais oriente ouvertement ses actions sur une prise de pouvoir coûte que coûte, par la voie démocratique ou non, dans le respect des lois ou non. Actuellement, l’opposition tente de recourir à une révocation afin de destituer Maduro. Ce processus demande une mise en contexte et une observation attentive, et ce pour plusieurs motifs.
C’est Chávez, que certains médias présentaient comme un dictateur, qui a introduit dans la nouvelle constitution vénézuélienne le principe de révocation, symbole démocratique par excellence dont peut de prétendues démocraties peuvent se vanter. La révocation permet au peuple, en ne réunissant qu’un pour-cent de signatures parmi les électeurs, de solliciter un référendum visant à révoquer à mi-mandat les autorités élues, et ce inclut le président de la république.
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