Alors que l'homme absorbe de grandes quantités d’antibiotiques (davantage par la consommation de certains produits animaux que par une hausse des achats), une étude britannique confirme que la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques pourrait s'avérer très problématique.
Atlantico : Une étude menée par Jim O'Neill démontre que les infections risquent de devenir résistantes aux antibiotiques d'ici 2050. Comment a-t-elle été menée et qu'apporte-t-elle de nouveau ?
Stéphane Gayet : Lord Jim O’Neill n’a pas de compétence particulière en infectiologie ni en microbiologie. C'est un économiste britannique. Il a rédigé un rapport sur commande du Premier ministre anglais. Ce travail n’apporte pas réellement de nouveautés. C’est une compilation de données existantes et qui s’essaie en outre à des simulations et des projections dans les années 2050. Il est vrai que la situation anglaise en matière de résistance des bactéries aux antibiotiques est assez alarmante. Quand l’auteur annonce 10 millions de décès et un coût de cent mille milliards de dollars par an, il faut considérer ces chiffres comme une estimation destinée à alerter l’opinion publique.
Ils sont plus que discutables.
Quelles sont ces infections résistantes aux antibiotiques et comment le sont-elles devenues ?
Sur le plan de la signification et du niveau de résistance des bactéries, il faut préciser qu’il existe des genres bactériens (comme le genre Staphylococcus – staphylocoque en français courant - et le genre Klebsiella – klebsielle en français courant), qu’au sein de chaque genre il existe des espèces bactériennes (comme les espèces aureus – doré – et epidermidis - épidermique - pour le genre Staphylococcus ; les espèces pneumoniae et oxytoca pour le genre Klebsiella) et qu’au sein de chaque espèce il existe des souches ou clones bactériens (ils sont désignés par des codes alphanumériques). Au sein de certaines espèces, il existe de plus des variétés, en particulier du fait de la présence d’antigènes bien particuliers à la surface de toutes les bactéries d’une même variété. Aucun genre bactérien, aucune espèce bactérienne n’est sensible à tous les antibiotiques : il existe constamment une résistance dite naturelle qui varie selon les genres et les espèces. Les résistances acquises caractérisent quant à elles les souches ou clones et apparaissent en raison de l’utilisation des antibiotiques qui exercent des pressions de sélection. On connaît bien le phénomène de pression de sélection avec les pesticides, mais aussi dans notre société humaine. Pour revenir aux bactéries, on distingue plusieurs niveaux de résistance aux antibiotiques : du plus faible au plus élevé, il y a la résistance naturelle (systématique), la résistance habituelle ou courante, la multirésistance (BMR : bactéries multirésistantes aux antibiotiques), la haute résistance (BHR : bactéries hautement résistantes), l’ultra-résistance (BUR) et enfin la pan-résistance ou toto résistance (BPR ou BTR).
La résistance des bactéries aux antibiotiques se manifeste d’autant plus que l’on consomme beaucoup d’antibiotiques. C’est lié à ce qu’il est convenu d’appeler la pression de sélection. Il est indéniable que ce phénomène augmente d’année en année et qu’il croît avec leur usage. Il existe deux processus concomitants. D’une part, le niveau de résistance antibiotique des bactéries augmente dans une population avec la consommation d’antibiotiques par cette population. D’autre part, la probabilité pour qu’un individu donné devienne porteur de bactéries résistantes aux antibiotiques augmente avec sa propre consommation d’antibiotiques. Étant donné que les enfants en bas âge figurent parmi les personnes qui reçoivent le plus d’antibiotiques en raison de leurs infections respiratoires à répétition, il est attendu qu’ils appartiennent à la tranche d’âge la plus touchée par la résistance bactérienne aux antibiotiques.
Il faut préciser que la résistance des bactéries aux antibiotiques n’est pas binaire.
Prenons le cas d’une souche d’Haemophilus influenzae, bactérie fréquemment responsable d’infection bactérienne respiratoire chez le jeune enfant au cours ou au décours d’une infection virale qui en fait le lit. Si l'on a l’habitude de tester douze antibiotiques sur les souches d’Haemophilus influenzae couramment rencontrées, cette souche, pour chacun des douze antibiotiques, peut être très sensible, moyennement sensible, peu sensible, de sensibilité intermédiaire, résistante ou encore au maximum très résistante. Cela dépend du type d’antibiotique et du mécanisme de diminution de la sensibilité, bien sûr, mais il faut retenir que la résistance bactérienne aux antibiotiques n’est pas de type "tout ou rien". Schématiquement, le laboratoire ne répond pas en six niveaux de sensibilité (S, MS, PS, I, R et TR), mais en trois niveaux (S, I et R), sans quoi ce serait illisible pour beaucoup de médecins. Cette nuance est vraie pour chacun des douze antibiotiques. En se limitant à trois niveaux de sensibilité pour chacun d’eux (S, I et R), cela fait tout de même beaucoup de possibilités avec douze antibiotiques.
La résistance des bactéries aux antibiotiques est le plus souvent réversible.
On constate que, lorsque diminue la pression de sélection des bactéries aux antibiotiques par la baisse de la consommation de ces médicaments, le niveau moyen de résistance tend à baisser. C’est comme si les souches résistantes à un antibiotique donné étaient chassées par les souches sensibles à cet antibiotique au fur et à mesure que baissent les consommations de cet antibiotique.
Avons-nous abusé des antibiotiques ?
La réponse est là encore à nuancer. Quand un enfant a une surinfection bactérienne sévère d’une infection virale des voies respiratoires supérieures, on ne peut pas laisser évoluer cette surinfection bactérienne qui peut être vraiment dangereuse. En revanche, donner systématiquement un antibiotique à un enfant qui a une infection fébrile des voies respiratoires supérieures sans approfondir son cas est une attitude abusive et néfaste. Chaque cas est particulier. Tel enfant fragile fera presque toujours une surinfection bactérienne et nécessitera le plus souvent un antibiotique, tel enfant non fragile n’en fera presque jamais et se passera très bien d’antibiotique.
Pourtant, notre consommation de médicaments antibiotiques n'a-t-elle pas diminué, notamment suite à des campagnes d'information comme celle dont le slogan était : "Les antibiotiques, ce n’est pas automatique" ? Dès lors, comment expliquer que ce phénomène de résistance continue de s’accentuer ? La part d'antibiotiques consommés indirectement, à travers la viande que nous mangeons, serait-elle au contraire croissante ?
Stéphane Gayet : A la suite de toutes ces campagnes médiatiques, notre consommation d’antibiotiques a en effet diminué, mais pas de façon spectaculaire. Mais il n’y a pas que les quantités d’antibiotiques consommés à considérer. Il faut aussi parler de la façon de les prescrire et de les consommer.
Toujours est-il que la France est depuis longtemps un pays gros consommateur de médicaments, en particulier d’antibiotiques, et il est difficile de faire changer les habitudes, tant celles des médecins que celles des patients qui suscitent les prescriptions et prennent leurs antibiotiques comme ils l’entendent. Or, un antibiotique mal choisi, donné à dose insuffisante ou de façon inadaptée, ou encore arrêté trop tôt, contribue à sélectionner des bactéries à lui résistantes. L’antibiothérapie est devenue un domaine médical complexe et à dire vrai difficile à bien appréhender par les non-spécialistes. D’où des prescriptions de nature à favoriser les résistances bactériennes, auxquelles s’ajoute une assez fréquente tendance chez le patient à changer la dose et la durée du traitement antibiotique.
En outre, on ne parle pas assez des antibiotiques présents dans notre assiette.
On stigmatise en les culpabilisant les médecins généralistes en matière de prescriptions antibiotiques, sans jamais parler ou presque des consommations massives et même, d’une certaine façon, anarchiques, d'antibiotiques dans l'industrie agroalimentaire.
Beaucoup de résistances antibiotiques sont liées à l’élevage des volailles, des porcs, des veaux et des poissons, mais on n’en parle pratiquement pas. On a longtemps donné des antibiotiques aux veaux et aux porcelets pour les engraisser, car certains antibiotiques font fabriquer de la graisse. Cette pratique est aujourd’hui très réglementée, heureusement. Par ailleurs, les animaux élevés en grande promiscuité développent facilement des épidémies d’infection bactérienne et les éleveurs prennent les devants en leur donnant des antibiotiques de façon préventive et systématique. Beaucoup de ces antibiotiques sont ainsi retrouvés dans notre assiette et nous les ingérons. Nous pouvons également ingérer directement des bactéries résistantes aux antibiotiques et n’ayant pas été tuées par la cuisson. Cette contribution agroalimentaire à la résistance bactérienne est presque passée sous silence, ce qui n’est pas acceptable.
Heureusement, nous en parlerons plus loin, ces abus très dangereux dans le domaine agroalimentaire sont en régression depuis plusieurs années.
Si les progrès de la médecine ne permettaient pas de produire des antibiotiques permettant de lutter efficacement contre ces infections, quelles en seraient les conséquences ? Que nous apprend l'étude de Jim O'Neill à ce sujet ?
Stéphane Gayet : Sur le plan de l’impact des résistances bactériennes sur la thérapeutique, les infections liées à des souches bactériennes de résistance habituelle ou courante ne posent aucun problème en pratique courante. Celles à des souches de bactéries multirésistantes (BMR) sont sources de difficultés thérapeutiques, mais on est rarement démuni pour traiter un patient. En revanche, les infections liées à des souches de bactéries hautement résistantes (BHR) et bien sûr de bactéries ultra résistantes (BUR, heureusement rares) sont très difficiles à traiter et les échecs thérapeutiques, pouvant conduire au décès, existent, c’est évident. Quant aux infections liées à des souches pan ou toto résistantes (BPR ou BTR), elles constituent évidemment une impasse totale et les décès sont fréquents. Ces dernières restent fort rares en France.
Mais, en vérité, beaucoup de statistiques concernent en fait le nombre de personnes porteuses de bactéries résistantes et non celui de personnes malades de ces bactéries. Car être porteur d’une souche résistante est une chose et en être malade en est une autre. Cela nous amène à bien distinguer la colonisation bactérienne de l’infection bactérienne. Quand on est simplement colonisé ou encore porteur sain d’une souche résistante, on n’en est pas malade. Notre santé n’en est nullement affectée. Quand il y a une infection, c’est différent, il s’agit d’un phénomène morbide, une maladie en somme.
Atlantico : Une étude menée par Jim O'Neill démontre que les infections risquent de devenir résistantes aux antibiotiques d'ici 2050. Comment a-t-elle été menée et qu'apporte-t-elle de nouveau ?
Stéphane Gayet : Lord Jim O’Neill n’a pas de compétence particulière en infectiologie ni en microbiologie. C'est un économiste britannique. Il a rédigé un rapport sur commande du Premier ministre anglais. Ce travail n’apporte pas réellement de nouveautés. C’est une compilation de données existantes et qui s’essaie en outre à des simulations et des projections dans les années 2050. Il est vrai que la situation anglaise en matière de résistance des bactéries aux antibiotiques est assez alarmante. Quand l’auteur annonce 10 millions de décès et un coût de cent mille milliards de dollars par an, il faut considérer ces chiffres comme une estimation destinée à alerter l’opinion publique.
Ils sont plus que discutables.
Quelles sont ces infections résistantes aux antibiotiques et comment le sont-elles devenues ?
Sur le plan de la signification et du niveau de résistance des bactéries, il faut préciser qu’il existe des genres bactériens (comme le genre Staphylococcus – staphylocoque en français courant - et le genre Klebsiella – klebsielle en français courant), qu’au sein de chaque genre il existe des espèces bactériennes (comme les espèces aureus – doré – et epidermidis - épidermique - pour le genre Staphylococcus ; les espèces pneumoniae et oxytoca pour le genre Klebsiella) et qu’au sein de chaque espèce il existe des souches ou clones bactériens (ils sont désignés par des codes alphanumériques). Au sein de certaines espèces, il existe de plus des variétés, en particulier du fait de la présence d’antigènes bien particuliers à la surface de toutes les bactéries d’une même variété. Aucun genre bactérien, aucune espèce bactérienne n’est sensible à tous les antibiotiques : il existe constamment une résistance dite naturelle qui varie selon les genres et les espèces. Les résistances acquises caractérisent quant à elles les souches ou clones et apparaissent en raison de l’utilisation des antibiotiques qui exercent des pressions de sélection. On connaît bien le phénomène de pression de sélection avec les pesticides, mais aussi dans notre société humaine. Pour revenir aux bactéries, on distingue plusieurs niveaux de résistance aux antibiotiques : du plus faible au plus élevé, il y a la résistance naturelle (systématique), la résistance habituelle ou courante, la multirésistance (BMR : bactéries multirésistantes aux antibiotiques), la haute résistance (BHR : bactéries hautement résistantes), l’ultra-résistance (BUR) et enfin la pan-résistance ou toto résistance (BPR ou BTR).
La résistance des bactéries aux antibiotiques se manifeste d’autant plus que l’on consomme beaucoup d’antibiotiques. C’est lié à ce qu’il est convenu d’appeler la pression de sélection. Il est indéniable que ce phénomène augmente d’année en année et qu’il croît avec leur usage. Il existe deux processus concomitants. D’une part, le niveau de résistance antibiotique des bactéries augmente dans une population avec la consommation d’antibiotiques par cette population. D’autre part, la probabilité pour qu’un individu donné devienne porteur de bactéries résistantes aux antibiotiques augmente avec sa propre consommation d’antibiotiques. Étant donné que les enfants en bas âge figurent parmi les personnes qui reçoivent le plus d’antibiotiques en raison de leurs infections respiratoires à répétition, il est attendu qu’ils appartiennent à la tranche d’âge la plus touchée par la résistance bactérienne aux antibiotiques.
Il faut préciser que la résistance des bactéries aux antibiotiques n’est pas binaire.
Prenons le cas d’une souche d’Haemophilus influenzae, bactérie fréquemment responsable d’infection bactérienne respiratoire chez le jeune enfant au cours ou au décours d’une infection virale qui en fait le lit. Si l'on a l’habitude de tester douze antibiotiques sur les souches d’Haemophilus influenzae couramment rencontrées, cette souche, pour chacun des douze antibiotiques, peut être très sensible, moyennement sensible, peu sensible, de sensibilité intermédiaire, résistante ou encore au maximum très résistante. Cela dépend du type d’antibiotique et du mécanisme de diminution de la sensibilité, bien sûr, mais il faut retenir que la résistance bactérienne aux antibiotiques n’est pas de type "tout ou rien". Schématiquement, le laboratoire ne répond pas en six niveaux de sensibilité (S, MS, PS, I, R et TR), mais en trois niveaux (S, I et R), sans quoi ce serait illisible pour beaucoup de médecins. Cette nuance est vraie pour chacun des douze antibiotiques. En se limitant à trois niveaux de sensibilité pour chacun d’eux (S, I et R), cela fait tout de même beaucoup de possibilités avec douze antibiotiques.
La résistance des bactéries aux antibiotiques est le plus souvent réversible.
On constate que, lorsque diminue la pression de sélection des bactéries aux antibiotiques par la baisse de la consommation de ces médicaments, le niveau moyen de résistance tend à baisser. C’est comme si les souches résistantes à un antibiotique donné étaient chassées par les souches sensibles à cet antibiotique au fur et à mesure que baissent les consommations de cet antibiotique.
Avons-nous abusé des antibiotiques ?
La réponse est là encore à nuancer. Quand un enfant a une surinfection bactérienne sévère d’une infection virale des voies respiratoires supérieures, on ne peut pas laisser évoluer cette surinfection bactérienne qui peut être vraiment dangereuse. En revanche, donner systématiquement un antibiotique à un enfant qui a une infection fébrile des voies respiratoires supérieures sans approfondir son cas est une attitude abusive et néfaste. Chaque cas est particulier. Tel enfant fragile fera presque toujours une surinfection bactérienne et nécessitera le plus souvent un antibiotique, tel enfant non fragile n’en fera presque jamais et se passera très bien d’antibiotique.
Pourtant, notre consommation de médicaments antibiotiques n'a-t-elle pas diminué, notamment suite à des campagnes d'information comme celle dont le slogan était : "Les antibiotiques, ce n’est pas automatique" ? Dès lors, comment expliquer que ce phénomène de résistance continue de s’accentuer ? La part d'antibiotiques consommés indirectement, à travers la viande que nous mangeons, serait-elle au contraire croissante ?
Stéphane Gayet : A la suite de toutes ces campagnes médiatiques, notre consommation d’antibiotiques a en effet diminué, mais pas de façon spectaculaire. Mais il n’y a pas que les quantités d’antibiotiques consommés à considérer. Il faut aussi parler de la façon de les prescrire et de les consommer.
Toujours est-il que la France est depuis longtemps un pays gros consommateur de médicaments, en particulier d’antibiotiques, et il est difficile de faire changer les habitudes, tant celles des médecins que celles des patients qui suscitent les prescriptions et prennent leurs antibiotiques comme ils l’entendent. Or, un antibiotique mal choisi, donné à dose insuffisante ou de façon inadaptée, ou encore arrêté trop tôt, contribue à sélectionner des bactéries à lui résistantes. L’antibiothérapie est devenue un domaine médical complexe et à dire vrai difficile à bien appréhender par les non-spécialistes. D’où des prescriptions de nature à favoriser les résistances bactériennes, auxquelles s’ajoute une assez fréquente tendance chez le patient à changer la dose et la durée du traitement antibiotique.
En outre, on ne parle pas assez des antibiotiques présents dans notre assiette.
On stigmatise en les culpabilisant les médecins généralistes en matière de prescriptions antibiotiques, sans jamais parler ou presque des consommations massives et même, d’une certaine façon, anarchiques, d'antibiotiques dans l'industrie agroalimentaire.
Beaucoup de résistances antibiotiques sont liées à l’élevage des volailles, des porcs, des veaux et des poissons, mais on n’en parle pratiquement pas. On a longtemps donné des antibiotiques aux veaux et aux porcelets pour les engraisser, car certains antibiotiques font fabriquer de la graisse. Cette pratique est aujourd’hui très réglementée, heureusement. Par ailleurs, les animaux élevés en grande promiscuité développent facilement des épidémies d’infection bactérienne et les éleveurs prennent les devants en leur donnant des antibiotiques de façon préventive et systématique. Beaucoup de ces antibiotiques sont ainsi retrouvés dans notre assiette et nous les ingérons. Nous pouvons également ingérer directement des bactéries résistantes aux antibiotiques et n’ayant pas été tuées par la cuisson. Cette contribution agroalimentaire à la résistance bactérienne est presque passée sous silence, ce qui n’est pas acceptable.
Heureusement, nous en parlerons plus loin, ces abus très dangereux dans le domaine agroalimentaire sont en régression depuis plusieurs années.
Si les progrès de la médecine ne permettaient pas de produire des antibiotiques permettant de lutter efficacement contre ces infections, quelles en seraient les conséquences ? Que nous apprend l'étude de Jim O'Neill à ce sujet ?
Stéphane Gayet : Sur le plan de l’impact des résistances bactériennes sur la thérapeutique, les infections liées à des souches bactériennes de résistance habituelle ou courante ne posent aucun problème en pratique courante. Celles à des souches de bactéries multirésistantes (BMR) sont sources de difficultés thérapeutiques, mais on est rarement démuni pour traiter un patient. En revanche, les infections liées à des souches de bactéries hautement résistantes (BHR) et bien sûr de bactéries ultra résistantes (BUR, heureusement rares) sont très difficiles à traiter et les échecs thérapeutiques, pouvant conduire au décès, existent, c’est évident. Quant aux infections liées à des souches pan ou toto résistantes (BPR ou BTR), elles constituent évidemment une impasse totale et les décès sont fréquents. Ces dernières restent fort rares en France.
Mais, en vérité, beaucoup de statistiques concernent en fait le nombre de personnes porteuses de bactéries résistantes et non celui de personnes malades de ces bactéries. Car être porteur d’une souche résistante est une chose et en être malade en est une autre. Cela nous amène à bien distinguer la colonisation bactérienne de l’infection bactérienne. Quand on est simplement colonisé ou encore porteur sain d’une souche résistante, on n’en est pas malade. Notre santé n’en est nullement affectée. Quand il y a une infection, c’est différent, il s’agit d’un phénomène morbide, une maladie en somme.
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