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"Le redoutable régime ‘capitariste’ chinois, alliance du capitalisme et du totalitarisme"

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  • "Le redoutable régime ‘capitariste’ chinois, alliance du capitalisme et du totalitarisme"

    En Chine, le capitalisme débridé allié au régime totalitaire du Parti communiste chinois serait un instrument géopolitique à l'efficacité redoutable pour mettre fin à l'hégémonie américaine, et empêcher tout autre pays émergent de voir son économie progresser. C'est la thèse que défend Antoine Brunet, économiste et analyste financier. Alarmant mais fort plausible.

    On connaît les “démocratures”, ces régimes faussement démocratiques dans lesquels les élections libres et le pluralisme des partis ne sont qu’apparents. Dans le genre espèce hybride, il va falloir compter dorénavant avec celle du 'capitarisme', alliance dans un même régime politico-économique du capitalisme et du totalitarisme. L’exemple le plus achevé en est le régime chinois depuis 1979, mais il fait de plus en plus d’émules (Russie, Turquie, Iran, etc.), selon Antoine Brunet, auteur du concept. “Les Occidentaux ont fait l’erreur de croire que le capitalisme a besoin de la démocratie pour se déployer. Non ! Le capitalisme peut non seulement fort bien s’épanouir avec le totalitarisme, mais trouver dans ce dernier une efficacité redoutable”, analyse l’économiste. L’un des ressorts de cette efficacité du “capitarisme” est sa capacité à maintenir une surpression sur les salaires. . Un argument particulièrement valable en Chine où les succès économiques se fondent sur des coûts salariaux horaires locaux qui sont au moins seize fois inférieurs à ceux des pays développés, au mépris des droits sociaux. Mais Antoine Brunet met surtout en garde sur la dimension géopolitique de cette stratégie menée par Pékin, mise au service de deux objectifs jumeaux : “renverser l’hégémonie américaine en déstabilisant le monde par l’économie, pour préserver la pérennité du Parti communiste chinois”.


    Le régime chinois né en 1949 a combiné pendant une trentaine d’années un mode de production collectiviste avec un mode de gouvernance politique totalitaire. Mais en 1979 – tournant essentiel –, Deng Xiaoping, se rendant compte que le collectivisme menait l’économie chinoise dans une impasse, décide de basculer du collectivisme au capitalisme tout en conservant complètement intact le gouvernement politique totalitaire. Ainsi la Chine est-elle depuis lors, soit presque quarante ans, dans cette configuration très particulière d’un mode de production capitaliste combiné à un mode de gouvernance totalitaire, une combinaison que j’appelle le 'capitarisme'. Ce nouveau concept permet de bien distinguer trois grands types de société : la société communiste comme il n’en existe plus qu’en Corée du Nord, la société capitaliste démocratique comme celles que l’on connaît aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne ou encore en France, et enfin la société capitariste mixant production capitaliste avec gouvernance totalitaire.

    Les précédents régimes 'capitaristes'
    À ce stade de l’analyse, il est très important de savoir qu’on a déjà eu, dans les années trente, en mettant de côté certains petits pays, trois grands pays “capitaristes”, l’Allemagne, l’Italie et le Japon qui, il faut le souligner, ont été issus tous les trois d’un capitalisme démocratique. Or ces trois pays ont tenu la dragée haute pendant toute la Seconde guerre mondiale à une coalition en face d’eux composée des deux plus grands pays capitalistes démocratiques, les États-Unis et l’Empire Britannique, et coalisée avec le plus grand pays communiste de l’époque qui était l’URSS. Et en dépit de cette alliance très forte entre ces trois pays, l’axe Allemagne-Italie-Japon leur a tenu tête pendant très longtemps, et a même failli faire mordre la poussière à ses adversaires ! Je souligne ce fait pour montrer combien ce type de régime peut être fort et redoutable.

    Ce qui fait la force du capitarisme, c’est l’association d’un mode de production capitaliste efficace basé sur des entreprises privées raisonnant sur le profit et l’accumulation – des moteurs bien plus performants que la production planifiée collectiviste – et un mode de gestion politique totalitaire qui permet – et ce point est selon moi essentiel – de maintenir une surpression salariale très importante, avec à la clé un taux d’accumulation extrêmement intense et élevé, et au final une croissance économique très forte qui est elle-même vecteur d’une montée en puissance géostratégique, comme on l’a vu durant les années trente et quarante. Il est frappant de relever à cet égard un point commun très important entre le régime hitlérien et le régime chinois.

    Dans les deux cas, en Allemagne en 1933, et en Chine après 1979, Hitler et Deng Xiaoping se sont adressés à leur population dans les mêmes termes cyniques en leur proposant ce contrat : renoncez à vos libertés et nous vous garantissons en retour un travail, un logement, une automobile et les autres éléments de confort minimum. Or pour revenir à notre monde contemporain, force est de constater que ce type de régime capitariste fait de plus en plus école. La Russie associe un régime de plus en plus autoritaire à une économie capitaliste débridée ; l’Iran avec son régime totalitaire théocratique si particulier ; la Turquie du sultan Erdogan ; l’Arabie saoudite qui fait coexister un pouvoir dans les mains d’une clique autour de la monarchie avec des éléments capitalistes – une bourse, des entreprises privées qui font des profits, etc.

    L’erreur des Occidentaux
    Les observateurs occidentaux, et plus grave encore, les stratégistes américains, ont commis une erreur essentielle après 1979 en Chine. Voyant que Deng Xiaoping abandonnait le collectivisme pour le capitalisme, ils en ont déduit qu’inéluctablement et très vite ensuite, le gouvernement chinois basculerait du totalitarisme à la démocratie. Ils tablaient à tort sur l’idée que le capitalisme ne peut s’épanouir que dans la démocratie. On aimerait bien qu’ils aient raison mais l’histoire nous prouve que cette conviction n’est pas fondée, comme l’ont montré les régimes capitaristes des années 30 et la réussite économique de la Chine depuis 1979.

    Preuve est donnée que le capitalisme n’a pas besoin de la démocratie pour s’épanouir et que le capitalisme peut fort bien s’épanouir avec le totalitarisme. On doit même aller plus loin dans l’analyse et faire le constat que le capitarisme donne plus de puissance géopolitique à un pays que le capitalisme démocratique. De 1979 à 1989, on pouvait encore espérer que la classe dirigeante chinoise opterait pour la démocratie, mais les événements de 1989 ont montré le caractère illusoire de cette perspective. Alors qu’une partie importante de la population chinoise, dans les villes en tout cas, réclamait l’instauration de la démocratie – avec en particulier l’érection place Tienanmen d’une statue de la démocratie –, les dirigeants sous la houlette de Deng Xiaoping optent, après un débat assez vite tranché au sein du comité central du Parti communiste chinois, pour la répression, ne laissant plus espérer pour longtemps une évolution du régime vers plus de démocratie. Et depuis, la situation est loin de s’améliorer, bien au contraire.

    La face totalitaire du régime chinois
    Mon affirmation selon laquelle la Chine est un pays totalitaire n’est pas du tout gratuite. J’ai lu énormément Hannah Arendt, Raymond Aron, Élie Halévy, tous ces grands auteurs qui ont écrit sur le totalitarisme, et tous insistent sur le fait que le totalitarisme, c’est une clique plus une idéologie. La clique, dans le cas de la Chine, c’est le PCC (Parti communiste chinois), dans le cas de la Russie actuelle, c’est les anciens du KGB autour de Poutine, dans le cas de l’Iran, c’est les leaders religieux chiites de l’Iran, etc. Dans le cas de la Chine, la clique, le PCC, réunit quand même 80 millions de membres sur une population de 1,3 milliard d’individus mais avec une forte hiérarchisation à l’intérieur de l’organisation. L’idéologie sur laquelle prend appui le PCC pour se maintenir au pouvoir et légitimer le monopole du pouvoir politique dont il s’est emparé, c’est essentiellement le thème de la société harmonieuse. L’idée est que depuis que le PCC a pris le pouvoir, il n’y a plus aucune opposition sociale – ni donc de lutte de classes – à l’intérieur de la Chine.

    Unie, la population chinoise a donné en quelque sorte un mandat définitif à son élite, le PCC, pour gérer la société, aussi bien dans la gestion interne que dans la stratégie extérieure. Une vision qui se nourrit d’une thématique antidémocratique très forte. Il n’est pas rare d’entendre des dirigeants chinois affirmer que la démocratie et la vie démocratique sont des poisons pour les pays qui l’acceptent. Une position que même dans les pires années de Staline, on n’entendait pas en Russie, où l’on organisait toujours des élections pour sauver les apparences, même si elles étaient complètement truquées. Il y a enfin la dimension sécuritaire propre à tous les pays totalitaires, avec un système répressif, une police et des services secrets très forts. Certes, il n’y a pas aujourd’hui de recours massif aux camps de travail ou aux exécutions, mais le souvenir des grandes répressions de masse lors de la période du “Grand bond en avant” et de la révolution culturelle reste encore très vivace dans la population qui doit continuer à faire montre de docilité.

    La conversion chinoise au capitalisme
    Le moment important en matière de conversion au capitalisme, c’est en 1979 avec Deng Xiaoping. Très soudainement, le PCC décide de mettre fin à toute l’activité économique de nature collectiviste, c’est-à-dire s’articulant de fait directement avec les différents ministères. Dans le même temps, Deng Xiaoping encourage la création d’entreprises privées, légitime le profit, les investissements privés et l’accumulation privée, et un peu plus tard, le marché boursier, mettant ainsi en place tous les éléments du capitalisme privé en Chine. Certes, un certain nombre d’entreprises privées restent des faux-nez d’un capitaliste étatique, mais le développement d’entreprises privées est tel que l’on ne peut pas dire qu’on est en présence en Chine d’un capitalisme d’État.

    Beaucoup d’entreprises cotées ont l’État comme actionnaire, une situation que l’on connaît bien en France sous la forme d’un capitalisme mixte. Mais il y a aussi de vrais entrepreneurs privés, comme le fameux patron d’Alibaba. En réalité, les autorités politiques leur ont donné le feu vert pour qu’ils s’enrichissent, pour peu qu’ils ne critiquent pas publiquement le gouvernement et qu’ils ne nuisent pas d’une façon ou d’une autre à sa stratégie tant intérieure qu’extérieure. Sous ces deux réserves essentielles, le capitalisme privé peut s’épanouir. Le pouvoir totalitaire y trouve son compte puisque ce faisant, la croissance économique est au rendez-vous, ainsi que la puissance géopolitique qui va de pair.

  • #2
    suite

    L’évolutiondepuis l’arrivée de Xi Jinping
    Avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, on constate deux évolutions à la fois significatives et révélatrices. Tout d’abord, le régime procède à l’enlèvement de personnalités qu’il juge dissidentes ou dangereuses, que ce soit sur le territoire chinois même, sur le territoire de Hong-Kong ou dans des pays étrangers, en particulier en Thaïlande. Ces personnalités ne donnent pas de nouvelle d’elles pendant quelques jours et au bout de deux semaines, appellent leur famille par téléphone pour la rassurer sur le mode “ne vous inquiétez pas, je collabore à une enquête avec la police chinoise”. Et généralement, deux semaines plus tard encore, on les retrouve à la télévision, s’accusant de crimes ou de forfaits qu’ils affirment avoir commis… Des sortes d’aveux qui rappellent les pratiques staliniennes, faites aussi pour impressionner la population en signifiant à cette dernière le sort qui est réservé aux opposants, et pour lui rappeler que le Parti communiste ne plaisante pas avec tous ceux qui osent le défier, même petitement. Mais il y a un autre élément très significatif, qui est l’enlèvement successif de deux dirigeants d’entreprises privées chinoises, d’abord celui de Fosun, la société qui a pris le contrôle récemment du Club Méditerranée, puis du dirigeant de l’entreprise chinoise qui a pris le contrôle de l’Aéroport de Toulouse-Blagnac.

    Dans les deux cas, le scénario a été le même qu’avec les dissidents : une disparition soudaine suivie d’une réapparition sans autre explication. Que s’est-il passé entre-temps ? Pourquoi ces enlèvements ? Les questions sont nombreuses et toujours en suspens. Le Parti reproche-t-il à ces personnalités de ne pas s’inscrire dans la stratégie internationale du Parti ? C’est une possibilité. De même a-t-on vu des hiérarques du Parti ayant accumulé une certaine fortune et ayant des moyens d’influence (site Internet), se faire rappeler à l’ordre brutalement… sûrement des mesures d’intimidation… C’est dans ce contexte que le pouvoir a lancé une virulente campagne dite “anti-corruption”. Je relève que dans ce domaine, si les arrestations sont nombreuses, le nombre des procès et encore plus celui des jugements est beaucoup moins élevé. Ce qui laisse à penser qu’il s’agit au premier chef de règlements de compte au sein du pouvoir.


    Xi Jinping est lui-même un Prince Rouge, c’est-à-dire un héritier des dirigeants chinois de la génération antérieure. Il est contesté par d’autres cadres du Parti qui voudraient que la promotion au sein de l’appareil se fasse selon le mérite plutôt que sur l’héritage. Xi Jinping se méfie d’un certain nombre de personnes au sein du PCC. Cette campagne anti-corruption lui permet de terroriser et de mettre au pas un certain nombre de ses contestataires. L’autre aspect de cette campagne anti-corruption, c’est de pouvoir répondre aux critiques relatives à la montée des inégalités dans le pays. En matière de creusement des inégalités, la Chine est allée encore plus loin que les États-Unis. Cette réalité frustrante pour le peuple, les autorités paradoxalement ne cherchent pas à la masquer, en publiant même des statistiques à ce sujet.

    Il est probable que la campagne anti-corruption est une façon pour le régime de se dédouaner. Une des faiblesses du PCC est son incapacité à faire fonctionner un marché financier de façon efficace. La bourse chinoise, c’est n’importe quoi. Les autorités n’ont toujours pas réussi à mettre en place une institution crédible de gendarme de la bourse, à l’instar de l’AMF en France ou de la SEC aux États-Unis. D’où des fraudes massives, des phénomènes de spéculation incontrôlés et une volatilité extrême des cours. Dans ce contexte, l’énorme épargne financière en Chine, qui est concentrée entre les mains de familles très riches, peine à trouver des supports de placement. L’immobilier chinois est encore plus volatil que l’immobilier américain. Quant au marché des obligations d’entreprise, il ne fonctionne pas faute d’un système de notation crédible. À cela s’ajoutent les doutes sur les capacités des banques chinoises à tenir leurs engagements sur leurs dépôts. Tout cela entraîne une très grande méfiance des grandes fortunes chinoises et un mouvement massif de sorties de capitaux hors du pays – on parle de 1 100 à 1 200 milliards de dollars en 2015 – avec des achats dans l’immobilier à Londres, en Californie, à Vancouver, et des achats d’actions occidentales. Des mouvements qui ont en partie la bénédiction du gouvernement chinois, dont la stratégie est d’encourager la prise de contrôle d’entreprises occidentales.

    La redoutable efficacité du ‘capitarisme’
    Même si c’est choquant de l’observer, force est de constater que les régimes capitaristes sont d’une efficacité redoutable. Imaginons qu’un pays puisse faire cohabiter une gouvernance politique basée sur l’esclavage avec une société capitaliste. Ce pays disposerait d’un avantage considérable qui le ferait très vite devenir le pays le plus développé et le plus puissant au monde ! Eh bien, c’est un peu ce qui se passe en Chine. Ils n’ont certes pas établi l’esclavage, mais ils sont quand même allés très loin dans les conditions de vie et de travail qu’ils imposent à leur population. Lorsqu’en 1979, Deng Xiaoping a décidé de fermer les vieilles usines et d’encourager la création de nouvelles sociétés privées, il a mis sur le carreau des millions d’anciens ouvriers sans aucun système d’indemnisation chômage, qui ont donc été obligés de se vendre avec des salaires extrêmement bas. Cette “surpression” salariale est un élément clé de la stratégie chinoise et les autorités n’ont de cesse de la maintenir de façon obsessionnelle. Selon mes calculs, le rapport de coût salarial horaire entre la Chine et les pays occidentaux est un rapport d’au moins de 1 à 16 et peut être même de 1 à 25. Le salaire mensuel net d’un ouvrier chinois en pouvoir d’achat, c’est-à-dire compte tenu du fait que les prix chinois sont moindres qu’aux États-Unis, est au moins deux fois inférieur en Chine à celui des États-Unis. Premier facteur de un à deux.

    Mais pour obtenir ce salaire, le salarié de base chinois a travaillé au moins deux fois plus sur une base annuelle que les salariés américains ou européens. Deuxième facteur 2. Il n’y a en effet pratiquement pas de congés payés et très peu de jours fériés, et la durée du travail hebdomadaire est d’environ 60 heures, sans congé formation, ni congé maladie, etc.

    Le pendant de cette situation est la quasi-inexistence des cotisations sociales en Chine, alors qu’elles introduisent un facteur de 2,2 dans les pays comme la France ou les États-Unis. Enfin pour couronner le tout, quatrième facteur 2, il y a la sous-évaluation du yuan. Un dollar vaut actuellement autour de 6,50 yuans, alors que la Banque Mondiale et le FMI estiment que la parité correcte devrait être de 3,50. Soit au bout du compte, un coût salarial horaire chinois au minimum 16 fois inférieur à celui des États-Unis, de l’Europe et du Japon. Un avantage compétitif qui ne tient que grâce à la chape de plomb que le PCC maintient sur la formation des salaires.

    Aucune revendication portant sur l’amélioration des conditions de vie des travailleurs (salaires, droits sociaux, etc.) n’est tolérée. Tout est cadenassé : pas de droit d’expression, pas de droit de réunion, pas de droit d’association, pas de droit de grève, évidemment. Des grèves il y en a, mais elles sont réprimées et souvent, les meneurs sont inculpés une fois la grève finie. Il faut aussi compter avec le fameux “Hukou”, ce statut de migrants internes à la Chine qui les assimile à des sans-papiers qui n’ont droit à rien et qui sont sous la menace permanente de la police. Enfin, la revendication salariale a été désamorcée par l’institution de l’enfant unique. Un couple qui travaille avec un seul enfant peut vivre plus facilement qu’une famille avec un seul salaire et trois enfants…


    Le primat de la stratégie géopolitique
    De tels choix relèvent assurément d’une vision stratégique de long terme. Pour autant, en matière industrielle, il n’existe pas en Chine, comme par exemple dans le Japon des grandes années avec le MITI, d’organe central de planification. Les autorités laissent les entreprises nager dans les profits, investir et racheter le plus possible d’entreprises privées occidentales. La stratégie chinoise n’est pas principalement industrielle, elle est géopolitique. En prenant appui sur le totalitarisme et sa principale conséquence, la surpression salariale, la Chine déstabilise le reste du monde. C’est une stratégie de conquête pour renverser l’hégémonie américaine, si possible par la voie pacifique, c’est-à-dire par la voie de la déstabilisation économique, financière et politique. Et pour parvenir à cette fin, il suffit que les entreprises chinoises continuent à s’accaparer des parts de marché de plus en plus importantes dans l’économie mondiale. Et à empêcher toute autre nation industrielle d’émerger. Les autres pays émergents – le Brésil, la Russie, l’Inde, le Vietnam et surtout l’Afrique… - aimeraient avoir un développement industriel, mais la place est prise par la Chine.

    Et en prenant tout, les Chinois savent qu’ils déstabilisent le reste du monde et que pourvu qu’ils restent patients, à un moment donné, le reste du monde s’effondrera. Ce jour-là, la Chine n’aura plus qu’à tout ramasser. Dans cet objectif, les Chinois sont sur la bonne voie. Dans les nouveaux secteurs d’avenir – par exemple le solaire, l’éolien et plus généralement les énergies renouvelables –, la Chine a tout pris. La Chine produit d’ores et déjà 70 % des drones qui existent dans le monde. Et dans le numérique, on voit bien que la Chine va empêcher Google et Apple de rester hégémoniques dans ce secteur-là, sans compter l’habileté des hackers chinois… La stratégie chinoise, c’est celle de la cannibalisation qui se nourrit de la maladie et des faiblesses des autres. La Chine a déjà tué des pans entiers de la vie industrielle en France, en Italie ou en Espagne. Et elle prive d’autres pays de tout espoir de développement. Comment la Tunisie pourrait-elle par exemple relever le défi islamiste ? elle ne peut créer les emplois nécessaires à stabiliser sa jeunesse avec des coûts salariaux qui sont cinq fois plus chers qu’en Chine. Un écart aussi grand rend l’option de la dévaluation du dinar pour remettre les compteurs à zéro totalement inaccessible. La Tunisie va encore souffrir longtemps du “made in China”.

    Même les produits artisanaux qui se vendaient autrefois dans les souks sont maintenant produits en Chine. Cet exemple tunisien montre comment la Chine est susceptible de déstabiliser le reste du monde. Il suffit d’imaginer l’impact sur l’Europe d’une victoire de l’État islamique en Tunisie, ne serait-ce qu’en termes de migrations en provenance de l’Afrique du Nord vers l’Europe.

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    • #3
      fin

      Il ne faut surtout pas sous-estimer les visées hégémoniques de la Chine. La Chine communiste a colonisé le Tibet et le Xinjiang qui étaient encore indépendants en 1950. Et aujourd’hui, elle élargit sa sphère d’influence “naturelle” à toute la zone autour de la mer de Chine du Sud. Une conception qui n’est pas sans rappeler la zone d’influence germanophone dessinée par Hitler. Pour autant, je ne pense pas que la Chine est un pays belliciste comme pouvait l’être l’Allemagne hitlérienne ou même l’URSS de Staline. Le Parti communiste chinois entend ravir l’hégémonie aux États-Unis par la guerre économique au sens large : commerciale, industrielle, financière et monétaire, mais aussi par la voie diplomatique et militaire en créant un rapport de forces favorable qui passe par la constitution d’un arsenal d’armes d’intimidation de plus en plus sophistiquées.

      Son modèle, c’est la façon dont les Américains ont remporté la bataille contre l’URSS en 1989 par une capitulation totale sans combat. Le PCC ne sera pas rassuré sur sa survie tant que les États-Unis restent en mesure de lui livrer une guerre que la Chine pourrait perdre. Et tant aussi que les régimes capitalistes démocratiques restent une alternative désirable en offrant à la fois liberté politique et confort économique. Il n’y a qu’à se rappeler l’extrême nervosité des dirigeants chinois à l’occasion de chaque soulèvement populaire à travers le monde (pays arabes, Ukraine etc.), par crainte de contagion.


      Bio express
      Obsession chinoise
      La montée en puissance de la Chine et les risques et dangers qu’elle soulève, selon lui, pour le monde, ne cessent pas d’obséder Antoine Brunet. Cet ancien chef économiste au Crédit Lyonnais, au CCF puis chez HSBC France, aujourd’hui analyste stratégiste indépendant, a publié en 2011 avec Jean-Paul Guichard ‘La Visée hégémonique de la Chine’ (L’Harmattan ; Mention d’honneur au Prix Turgot 2011 ; Edité en huit langues étrangères), et en mars 2016, le chapitre de conclusion de "Notre monde est-il au bord du gouffre", un ouvrage collectif (L’Harmattan).


      l'économiste

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