Document envoyé par Alain Rondeau, publié sur RC le 9 octobre 2009, republié même s'il date un peu, au vu de son succès de fréquentation permanent.
Chine : la quête d'un modèle de développement
Peter Franssen, sinologue
La République populaire de Chine fête son 60e anniversaire. Pays extrêmement pauvre et sous-développé en 1949 et où la plupart des gens n’avaient pratiquement rien à manger et ne couraient qu’en haillons, la Chine s’est muée en la seconde nation industrielle et la troisième économie du monde. Pour y arriver, elle a dû projeter et élaborer elle-même un modèle de développement.
Son succès n’a pas seulement transformé la Chine, il a également modifié la relation entre le Nord et le Sud dans le monde. L’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine disent que la collaboration avec la Chine « leur offre de nouvelles possibilités de développement indépendant ». C’est sous son influence que l’hégémonie américaine s’effrite de jour en jour. Au moment où Mao Zedong proclamait la République populaire de Chine, le niveau de vie n’y était pas plus élevé que celui de l’Afrique noire. Dans la première période de construction, de 1949 à 1979, le pays enregistrait de nombreux succès dans la lutte contre la pauvreté. Mais ce fut dans la seconde période, de 1979 à nos jours, que les progrès furent les plus importants.
La Banque mondiale écrit : « Entre 1981 et 2004, la partie de la population disposant de moins d’un dollar par jour est passée de 65 à 10 pour cent. Entre 1981 et 2004, plus de 500 millions de Chinois ont été sortis de la pauvreté. »
Dans les autres domaines du développement humain aussi, les progrès sont impressionnants.
En 1949, 90 pour cent des Chinois étaient analphabètes. Aujourd’hui, 87 pour cent des femmes et 96 pour cent des hommes de plus de 15 ans savent lire et écrire.
En 1949, le Chinois vivait en moyenne 35 ans. Aujourd’hui, 72. Il y a actuellement 4 millions de lits d’hôpital et 6 millions d’infirmiers, médecins et pharmaciens à temps plein. Le nombre de médecins pour 10.000 habitants est aujourd’hui de 16, soit la moitié en plus qu’en 1978.
En 1949, aller à l’école était un privilège pour les riches. Aujourd’hui, la Chine a le plus grand réseau d’écoles du monde. L’enseignement gardien compte 23 millions d’enfants. Les enseignements primaire, secondaire et supérieur comptent respectivement 105, 92 et 20 millions d’élèves et d’étudiants. Chaque année, plus de 6 millions d’étudiants des universités et des écoles supérieures terminent leurs études. L’enseignement emploie 13 millions d’enseignants à temps plein.
La clé : l’économie
Au cours des 60 années écoulées, la Chine n’a jamais trouvé de solutions « clé sur porte » aux problèmes qui sont immenses dans un pays où vit un bon cinquième de l’humanité et qui, en 1949 encore, faisait partie des plus pauvres de la planète. Le Parti Communiste Chinois a commis bien des fautes, dont de très graves aussi, et il ne fait pas de doute qu’il en commet encore aujourd’hui. Mais on ne peut évaluer correctement ces fautes et erreurs sans les placer dans un contexte de progrès très rapide.
Aucun grand pays ne peut présenter un "palmarès" comme celui de la Chine. Son voisin, l’Inde, qui compte aussi plus d’un milliard d’habitants, la précédait de loin, en 1949, sur le plan du développement humain.
Aujourd’hui, la situation s’est inversée. La Chine compte 7 pour cent d’enfants sous-alimentés. L’Inde 44 pour cent. En Chine, 98 pour cent des enfants de moins de 12 ans vont à l’école. En Inde, 50 pour cent.
En 1950, le revenu national chinois par habitant était d’un quart inférieur à celui de l’Inde. Aujourd’hui, il est trois fois plus élevé.
La clé du succès chinois se situe bien sûr ici : plus vite l’économie croît, plus vite on peut résoudre les problèmes de la nourriture, de l’habillement, du logement, des soins de santé, de l’enseignement, de l’emploi, de l’urbanisation.
Depuis 1980, l’économie chinoise croît chaque année de 10 pour cent en moyenne, soit plus du double de la croissance de la période 1949-1979. Aujourd’hui, la Chine est à même de nourrir toute sa population : 22 pour cent de l’humanité, même si la Chine ne possède que 9 pour cent de toutes les terres cultivables du globe. Ses réserves céréalières sont deux fois plus importantes que la moyenne mondiale.
En 1952, le produit intérieur brut (ce qui est produit dans tous les secteurs) de la Chine était de 68 milliards de yuan. En 2008, de 30.000 milliards de yuan.
En 1950, la Chine produisait moins de 3 pour cent de ce qui était produit dans le monde entier. Aujourd’hui, 12 pour cent.
Des 22 principales catégories industrielles, il y en a 7 dans laquelle la Chine est le premier producteur mondial.
Les numéros un, deux et trois du monde bancaire international sont chinois et tous trois appartiennent à l’État.
En 1950, la Chine produisait 160.000 tonnes d’acier, juste de quoi fabriquer un petit couteau de cuisine pour chaque habitant. L’an dernier, la production d’acier a été de 500 millions de tonnes – c’est plus que la production des États-Unis, du Japon et de la Russie ensemble.
En 2008, la Chine réalisait 22 pour cent de la croissance économique totale dans le monde. D’après l'ONU, cette année, elle franchira le cap des 50 pour cent.
Alors que le monde entier soupire et gémit sous la crise économique, la Chine connaîtra cette année aussi une croissance économique d’au moins 8 pour cent. À titre de comparaison : les 16 pays qui utilisent l’euro ont cette année une croissance négative de 4 pour cent.
La pratique réclame à cor et à cris un nouveau modèle économique
Au fil des années, le Parti Communiste Chinois a projeté un modèle qu’il appelle « économie socialiste de marché ». « C’est à cela que nous devons notre succès économique », dit-il.
Ce modèle a été mis sur pied progressivement à partir de 1979, en tant qu’alternative au modèle soviétique classique, l’économie planifiée, modèle que la Chine a connu elle aussi jusqu’en 1979. Le modèle soviétique est né dans les années 1927-1929, après la mort de Lénine, le fondateur de l’Union Soviétique. Tous les pays socialistes ont appliqué ce modèle après la Seconde Guerre mondiale.
L’économie planifiée, dans laquelle l’État accorde aux entreprises les moyens disponibles telles les matières premières et les finances, a connu ses succès et ses revers. Le modèle a permis à l’Union soviétique d’évoluer en très peu de temps, passant d’une situation de pays sous-développé au rang de seconde nation économique sur terre. Il a également permis à l’Union Soviétique de vaincre le nazisme et, après la guerre, de se remettre rapidement sur pied sur le plan économique.
Mais, à partir des années 1960, l’économie soviétique régressait sur le plan de la croissance de la productivité, de l’efficience et du progrès économique en général. La planification centrale ne pouvait empêcher la prospérité et le bien-être des gens de ne croître que très modérément, pas plus qu’elle ne pouvait empêcher qu’intervînt une pénurie de longue durée de denrées de première nécessité et de biens de consommation. À partir des années 1960, l’économie capitaliste des centres – États-Unis et Europe occidentale – connaissait une croissance plus rapide que celle de l’Union Soviétique. Trente ans plus tard, ç’allait être l’une des causes de la disparition de l’Union Soviétique.
À la fin des années 1970, la Chine a connu une situation comparable à celle de l’Union Soviétique au début des années 1960. Au cours du Premier Plan quinquennal, de 1952 à 1957, la planification centrale assurait une croissance économique spectaculaire mais, par la suite, le taux de croissance se mit à baisser sans arrêt.
Durant le Premier Plan quinquennal, la croissance de la productivité dans toute l’économie fut en moyenne de 8,7 pour cent par an. Durant le Troisième Plan quinquennal (1965-1970), elle était descendue à 2,5 pour cent et, durant le Quatrième Plan quinquennal (1970-1975), elle n’était plus que de 1,3 pour cent en moyenne par an.
Durant le Premier Plan quinquennal, les salaires réels dans les entreprises d’État augmentèrent de 5,4 pour cent en moyenne par an. Durant le Quatrième Plan quinquennal, cette croissance fut négative : - 0,1 pour cent en moyenne par an.
Entre 1957 et 1978, la consommation privée dans les campagnes augmenta de 1,9 pour cent par an et par habitant. Dans les villes, cette hausse fut de 2,6 pour cent. Aujourd’hui, cette hausse, tant à la campagne que dans les villes, est de trois à quatre fois plus élevée.
Entre 1958 et 1978, la production de céréales n’augmenta en moyenne que de 2,08 pour cent par an. C’est à peu près la même croissance que celle de la population.
Chine : la quête d'un modèle de développement
Peter Franssen, sinologue
La République populaire de Chine fête son 60e anniversaire. Pays extrêmement pauvre et sous-développé en 1949 et où la plupart des gens n’avaient pratiquement rien à manger et ne couraient qu’en haillons, la Chine s’est muée en la seconde nation industrielle et la troisième économie du monde. Pour y arriver, elle a dû projeter et élaborer elle-même un modèle de développement.
Son succès n’a pas seulement transformé la Chine, il a également modifié la relation entre le Nord et le Sud dans le monde. L’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine disent que la collaboration avec la Chine « leur offre de nouvelles possibilités de développement indépendant ». C’est sous son influence que l’hégémonie américaine s’effrite de jour en jour. Au moment où Mao Zedong proclamait la République populaire de Chine, le niveau de vie n’y était pas plus élevé que celui de l’Afrique noire. Dans la première période de construction, de 1949 à 1979, le pays enregistrait de nombreux succès dans la lutte contre la pauvreté. Mais ce fut dans la seconde période, de 1979 à nos jours, que les progrès furent les plus importants.
La Banque mondiale écrit : « Entre 1981 et 2004, la partie de la population disposant de moins d’un dollar par jour est passée de 65 à 10 pour cent. Entre 1981 et 2004, plus de 500 millions de Chinois ont été sortis de la pauvreté. »
Dans les autres domaines du développement humain aussi, les progrès sont impressionnants.
En 1949, 90 pour cent des Chinois étaient analphabètes. Aujourd’hui, 87 pour cent des femmes et 96 pour cent des hommes de plus de 15 ans savent lire et écrire.
En 1949, le Chinois vivait en moyenne 35 ans. Aujourd’hui, 72. Il y a actuellement 4 millions de lits d’hôpital et 6 millions d’infirmiers, médecins et pharmaciens à temps plein. Le nombre de médecins pour 10.000 habitants est aujourd’hui de 16, soit la moitié en plus qu’en 1978.
En 1949, aller à l’école était un privilège pour les riches. Aujourd’hui, la Chine a le plus grand réseau d’écoles du monde. L’enseignement gardien compte 23 millions d’enfants. Les enseignements primaire, secondaire et supérieur comptent respectivement 105, 92 et 20 millions d’élèves et d’étudiants. Chaque année, plus de 6 millions d’étudiants des universités et des écoles supérieures terminent leurs études. L’enseignement emploie 13 millions d’enseignants à temps plein.
La clé : l’économie
Au cours des 60 années écoulées, la Chine n’a jamais trouvé de solutions « clé sur porte » aux problèmes qui sont immenses dans un pays où vit un bon cinquième de l’humanité et qui, en 1949 encore, faisait partie des plus pauvres de la planète. Le Parti Communiste Chinois a commis bien des fautes, dont de très graves aussi, et il ne fait pas de doute qu’il en commet encore aujourd’hui. Mais on ne peut évaluer correctement ces fautes et erreurs sans les placer dans un contexte de progrès très rapide.
Aucun grand pays ne peut présenter un "palmarès" comme celui de la Chine. Son voisin, l’Inde, qui compte aussi plus d’un milliard d’habitants, la précédait de loin, en 1949, sur le plan du développement humain.
Aujourd’hui, la situation s’est inversée. La Chine compte 7 pour cent d’enfants sous-alimentés. L’Inde 44 pour cent. En Chine, 98 pour cent des enfants de moins de 12 ans vont à l’école. En Inde, 50 pour cent.
En 1950, le revenu national chinois par habitant était d’un quart inférieur à celui de l’Inde. Aujourd’hui, il est trois fois plus élevé.
La clé du succès chinois se situe bien sûr ici : plus vite l’économie croît, plus vite on peut résoudre les problèmes de la nourriture, de l’habillement, du logement, des soins de santé, de l’enseignement, de l’emploi, de l’urbanisation.
Depuis 1980, l’économie chinoise croît chaque année de 10 pour cent en moyenne, soit plus du double de la croissance de la période 1949-1979. Aujourd’hui, la Chine est à même de nourrir toute sa population : 22 pour cent de l’humanité, même si la Chine ne possède que 9 pour cent de toutes les terres cultivables du globe. Ses réserves céréalières sont deux fois plus importantes que la moyenne mondiale.
En 1952, le produit intérieur brut (ce qui est produit dans tous les secteurs) de la Chine était de 68 milliards de yuan. En 2008, de 30.000 milliards de yuan.
En 1950, la Chine produisait moins de 3 pour cent de ce qui était produit dans le monde entier. Aujourd’hui, 12 pour cent.
Des 22 principales catégories industrielles, il y en a 7 dans laquelle la Chine est le premier producteur mondial.
Les numéros un, deux et trois du monde bancaire international sont chinois et tous trois appartiennent à l’État.
En 1950, la Chine produisait 160.000 tonnes d’acier, juste de quoi fabriquer un petit couteau de cuisine pour chaque habitant. L’an dernier, la production d’acier a été de 500 millions de tonnes – c’est plus que la production des États-Unis, du Japon et de la Russie ensemble.
En 2008, la Chine réalisait 22 pour cent de la croissance économique totale dans le monde. D’après l'ONU, cette année, elle franchira le cap des 50 pour cent.
Alors que le monde entier soupire et gémit sous la crise économique, la Chine connaîtra cette année aussi une croissance économique d’au moins 8 pour cent. À titre de comparaison : les 16 pays qui utilisent l’euro ont cette année une croissance négative de 4 pour cent.
La pratique réclame à cor et à cris un nouveau modèle économique
Au fil des années, le Parti Communiste Chinois a projeté un modèle qu’il appelle « économie socialiste de marché ». « C’est à cela que nous devons notre succès économique », dit-il.
Ce modèle a été mis sur pied progressivement à partir de 1979, en tant qu’alternative au modèle soviétique classique, l’économie planifiée, modèle que la Chine a connu elle aussi jusqu’en 1979. Le modèle soviétique est né dans les années 1927-1929, après la mort de Lénine, le fondateur de l’Union Soviétique. Tous les pays socialistes ont appliqué ce modèle après la Seconde Guerre mondiale.
L’économie planifiée, dans laquelle l’État accorde aux entreprises les moyens disponibles telles les matières premières et les finances, a connu ses succès et ses revers. Le modèle a permis à l’Union soviétique d’évoluer en très peu de temps, passant d’une situation de pays sous-développé au rang de seconde nation économique sur terre. Il a également permis à l’Union Soviétique de vaincre le nazisme et, après la guerre, de se remettre rapidement sur pied sur le plan économique.
Mais, à partir des années 1960, l’économie soviétique régressait sur le plan de la croissance de la productivité, de l’efficience et du progrès économique en général. La planification centrale ne pouvait empêcher la prospérité et le bien-être des gens de ne croître que très modérément, pas plus qu’elle ne pouvait empêcher qu’intervînt une pénurie de longue durée de denrées de première nécessité et de biens de consommation. À partir des années 1960, l’économie capitaliste des centres – États-Unis et Europe occidentale – connaissait une croissance plus rapide que celle de l’Union Soviétique. Trente ans plus tard, ç’allait être l’une des causes de la disparition de l’Union Soviétique.
À la fin des années 1970, la Chine a connu une situation comparable à celle de l’Union Soviétique au début des années 1960. Au cours du Premier Plan quinquennal, de 1952 à 1957, la planification centrale assurait une croissance économique spectaculaire mais, par la suite, le taux de croissance se mit à baisser sans arrêt.
Durant le Premier Plan quinquennal, la croissance de la productivité dans toute l’économie fut en moyenne de 8,7 pour cent par an. Durant le Troisième Plan quinquennal (1965-1970), elle était descendue à 2,5 pour cent et, durant le Quatrième Plan quinquennal (1970-1975), elle n’était plus que de 1,3 pour cent en moyenne par an.
Durant le Premier Plan quinquennal, les salaires réels dans les entreprises d’État augmentèrent de 5,4 pour cent en moyenne par an. Durant le Quatrième Plan quinquennal, cette croissance fut négative : - 0,1 pour cent en moyenne par an.
Entre 1957 et 1978, la consommation privée dans les campagnes augmenta de 1,9 pour cent par an et par habitant. Dans les villes, cette hausse fut de 2,6 pour cent. Aujourd’hui, cette hausse, tant à la campagne que dans les villes, est de trois à quatre fois plus élevée.
Entre 1958 et 1978, la production de céréales n’augmenta en moyenne que de 2,08 pour cent par an. C’est à peu près la même croissance que celle de la population.
Commentaire