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Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard : la percée record inaugurée le 1er juin

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  • Tunnel ferroviaire du Saint-Gothard : la percée record inaugurée le 1er juin

    20 ans de chantier, 57 km de longueur… Le tunnel ferroviaire du Saint-Gothard en Suisse est le plus long jamais percé. Au cœur de cette prouesse technique, de gigantesques tunneliers, à l’œuvre sur d’autres chantiers dans le monde.





    C'est un ouvrage hors normes, sous les Alpes, qui décrochera lors de son inauguration le 1er juin 2016, le titre de plus long tunnel de la planète. Ce voyage en train dans les entrailles de la Terre se résume en quelques chiffres : un tracé de 57 km, dans un tube d’environ 9 mètres de diamètre comparable à une galerie de métro… mais avec par endroits jusqu’à 2300 mètres de montagne au-dessus de la tête ! Bref, un trajet proscrit en cas d’aversion pour les espaces confinés. L’ouvrage a été conçu avec un double objectif : délester le trafic routier de marchandises particulièrement dense sur cet axe qui relie l’Allemagne et l’Italie ; et faire profiter le trafic voyageurs de ces aménagements puisque les trains pourront y circuler à grande vitesse, jusqu’à 250 km/h.




    Conséquence, le temps de parcours entre Zurich et Milan sera de moins de 3 heures contre 4 heures 42 minutes aujourd’hui. Un gain considérable, à la hauteur de ce chantier qui a duré… près de vingt ans et nécessité l’excavation de millions de tonnes de roches. "Cela représente l’équivalent de plus de cinq pyramides de Kheops !", précise Renzo Simoni, le P-DG de AlpTransit Gotthard, la société qui a dirigé ces travaux.

    Des tunneliers qui dévorent la croûte terrestre

    L’essentiel a été creusé par quatre tunneliers à roche dure, ces imposantes machines capables de dévorer la croûte terrestre, traversant les couches géologiques sans faiblir… ou presque. "Certaines parties du tracé étaient particulièrement difficiles. Nous avons été contraints d’utiliser l’explosif plutôt que les tunneliers", rappelle l’expert. La difficulté tient au phénomène de convergence, très redouté, qui se traduit par un resserrement du diamètre de la galerie tout de suite après qu’elle a été percée. L’explication est simple : la roche est comprimée par les efforts mécaniques exercés au moment du percement, avant de revenir à sa position initiale, réduisant ainsi le diamètre du tunnel. "La machine risque alors d’être coincée sous Terre, ce qu’il faut éviter à tout prix !", confirme Sébastien Chappelaz, responsable travaux chez Spie Batignolles. Dans le petit monde des tunneliers, c’est le règne du gigantisme. À Hong Kong, Bouygues Travaux Publics utilise ainsi le plus gros tunnelier du monde. Il a été conçu par l’allemand Herrenknecht pour creuser, 50 mètres sous la mer, une galerie de 5 km de long reliant l’aéroport international à l’île de Lantau.

    La roue de coupe atteint les 17,63 mètres de diamètre… soit la hauteur d’un immeuble de six étages. La machine a détrôné la "Grosse Bertha" — c’est son surnom —, un tunnelier conçu par Hitachi et doté d’une roue de 17,25 mètres. L’engin japonais devait creuser en 2013 un tunnel routier de 2800 mètres sous les gratte-ciel de Seattle, aux États- Unis. Il devait même raconter sa vie en direct avec des messages sur Twitter. Las! après à peine quelques centaines de mètres parcourus, la Grosse Bertha a surtout twitté… ses problèmes. Elle s’est en effet retrouvée bloquée par une conduite en acier, abandonnée dans le sol après des travaux de forage en 2002. L’obstacle a endommagé les "dents" de sa roue de coupe. Plus grave, son moteur et des roulements ont été abîmés par une infiltration de sable et de gravier. Résultat : les ouvriers ont dû creuser en plein coeur de Seattle un puits de 37 mètres pour remonter à la surface la roue de 2000 tonnes afin de remplacer les roulements. Les réparations ont coûté 143 millions de dollars, soit presque deux fois le prix de la machine elle-même, et les travaux, stoppés pendant deux ans, n’ont repris que récemment.

    Un bras robotisé pour remplacer les ouvriers

    Pour tenter de parer la menace de ces obstacles imprévus et ruineux, les ingénieurs ont donc innové. "À Hong Kong, les outils de coupe qui attaquent la roche sont équipés de capteurs qui donnent l’alerte s’ils rencontrent un point dur. Nous avons ainsi dû arrêter la machine pour dégager des pieux métalliques qui bloquaient le passage. De telles opérations peuvent prendre des mois", explique Christophe Portenseigne, directeur technique de Bouygues Travaux Publics. Car elles sont dangereuses. En effet, pour dégager de tels obstacles, inspecter l’état des molettes — voire les remplacer —, il faut ainsi envoyer des hommes dans la "chambre d’abattage", un espace extrêmement confiné d’environ un mètre de large, situé juste derrière la roue. Or, quand la machine creuse en terrain meuble, comme c’est le cas à Seattle ou à Hong Kong, la chambre est sous pression pour rester en équilibre avec celle exercée par le terrain : les hommes travaillent donc en condition dite hyperbare, cette pression pouvant atteindre 8 bars, c’est-à-dire huit fois la pression atmosphérique. "Dans cet espace très restreint, les hommes doivent manipuler des molettes pouvant peser 200 kg", explique Thomas Camus, directeur de la recherche et développement chez NFM et coordinateur, avec l’École centrale de Lyon, du programme européen NeTTUN auquel participent de nombreux laboratoires et industriels.

    L’un des objectifs de ce projet consiste à concevoir un robot qui pourrait remplacer les ouvriers intervenant dans la chambre. "Nous avons mis au point un bras robotisé capable de démonter la plupart des molettes et dents de la roue de coupe. Il ne reste plus qu’à le tester en condition réelle", indique Thomas Camus. Même approche chez Bouygues, qui a déjà équipé son tunnelier de Hong Kong d’un bras de ce genre basé sur un robot industriel. Dans le cadre du projet NeTTUN, les scientifiques s’intéressent aussi à la prédiction du terrain. L’idée est d’anticiper la présence d’un obstacle, d’un vide ou encore d’une poche d’eau qui pourrait noyer le tunnel. Les techniques actuelles consistent à sonder le terrain avec un forage de quelques centimètres de diamètre sur une paroi pouvant mesurer plus de 17 mètres. "Nous développons un système fondé sur des ondes radar, c’est-à-dire électromagnétiques, et sur des ondes acoustiques, proches de l’échographie médicale. L’analyse des échos de ces ondes envoyées dans le terrain devant le tunnelier ne nous permet pas de définir la nature de la roche mais de déceler s’il y a du vide, des failles, de l’eau, des roches plus ou moins dures, etc.", explique Thomas Camus. Là encore, cette technologie demande à être testée dans des conditions réelles. Si elle faisait la preuve de son efficacité, elle pourrait révolutionner les techniques de prédiction en venant à bout du pire ennemi du tunnelier : l’inconnu.

    SA
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