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Banque d’Algérie : les enjeux de la nomination d’un nouveau Gouverneur

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  • Banque d’Algérie : les enjeux de la nomination d’un nouveau Gouverneur


    Le nouveau Gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Mohamed Loukal a été installé ce jeudi 2 juin, en remplacement de Mohamed Laksaci.
    Ce changement, largement pressenti depuis plusieurs semaines, fait notamment suite aux accusations visant l’ancien dirigeant de l’institution monétaire nationale, émanant surtout du secrétaire général du FLN, Amar Saâdani.
    Que présage cette nouvelle nomination et pourquoi avoir opéré ce changement ? M.Loukal, ex-dirigeant de la Banque extérieure d’Algérie (BEA), a-t-il l’étoffe d’un gouverneur de Banque centrale ? Quelles sont les missions et les défis de la Banque d’Algérie ? Des questions auxquelles nous tenterons d’apporter des éléments de réponse.

    Les missions de la Banque d’Algérie

    La Banque d’Algérie a deux missions essentielles : la stabilité des prix, soit la lutte contre l’inflation, et la stabilité du système financier et bancaire du pays.
    Parmi ces tâches, le contrôle et la détermination des taux de change et donc de la valeur du dinar, figure en bonne place.
    Par exemple, lorsque l’inflation est d’origine monétaire, notamment avec la hausse des crédits qui augmentent la masse monétaire, la BA peut intervenir.
    Elle dispose de divers ratios techniques pour empêcher la création monétaire abusive.
    Elle peut notamment rehausser ses taux d’intérêts directeurs, afin de réduire l’excédent monétaire, captant le surplus et renchérissant le prix de l’argent.

    Que devrait faire la Banque d’Algérie ?

    Selon une source bien au fait du dossier, la Banque d’Algérie a, jusqu’ici, surtout développé les fonctions « négatives » de contrôle.
    En responsabilisant les banques pour « tout et n’importe quoi », avec des instructions parfois vagues, la BA a provoqué une stagnation de l’activité bancaire et empêché le développement commercial des banques, affirme la même source.
    Par exemple, les critères des banques deviennent extrêmement strictes quant à l’octroi de crédits, en raison notamment des instructions de la banque centrale, estime-t-elle

    Il faudrait, en réalité, développer les fonctions « positives » de la banque centrale, à travers l’encouragement de nouveaux produits, tels la finance islamique, le paiement électronique. Dans le même ordre d’idée, la Banque d’Algérie gagnerait à réanimer sa direction du crédit, afin de développer des ratios techniques qualitatifs (et quantitatifs) à même de stimuler le financement de l’économie.

    Loukal fera-t-il un bon Gouverneur ?

    Les métiers de banquier et de banquier central sont deux choses bien différentes.
    Un excellent banquier commercial ne fait pas forcément un bon gouverneur de banque centrale.
    En effet, un Gouverneur a un rôle éminemment politique et doit donc avoir une bonne lecture de la situation.
    Surtout, il doit parfaitement maitriser les agrégats macroéconomiques du pays, voire du monde.
    Enfin, il s’agit pour un Gouverneur de maîtriser les techniques financières.

    Mohamed Loukal sera-t-il donc à la hauteur ? Interrogées, plusieurs sources ont un avis contrasté sur la question. Certains se montrent réservés et veulent accorder « le bénéfice du doute ».
    D’autres estiment au contraire que Loukal n’en a pas l’étoffe : « Il ne maîtrise pas la macroéconomie, contrairement à Laksaci », affirment-ils. L’avenir nous le dira.

    Un Gouverneur plus « complaisant » ?

    Une chose est sûre : tout le monde reconnaît à Mohamed Laksaci une bonne maîtrise des questions macroéconomiques, même si certaines de ses décisions ont été désastreuses, à l’image de l’émission du billet de 2000 dinars qui a favorisé l’informel et la thésaurisation de l’argent ou encore l’excès de liberté laissée aux banques commerciales durant de nombreuses années durant lesquelles elles n’ont fait que financer l’importation au détriment de l’investissement.
    Mohamed Laksaci était aussi connu pour ses « convictions » de banquier central.
    Des convictions qui se sont souvent heurtées aux objectifs du gouvernement, souvent dictés par des considérations politiques ou électoralistes.

    Dans ce contexte, le remplacement de Laksaci répond-il à une volonté de placer un homme plus « complaisant » dans un contexte économique complexe ?
    Tout le monde le sait : face à la raréfaction des liquidités, le gouvernement tente de « récupérer » des dinars par tous les moyens.
    L’on voudrait donc créer plus de monnaie.
    Une aberration dans le contexte actuel, mais qui justifie peut-être le changement à tête de la Banque d’Algérie, avec la nomination de Mohamed Loukal, plus enclin que son prédécesseur à accepter ce type de politiques.
    Certains rappellent en effet le refus systématique de l’ancien Gouverneur de recourir à la technique de création monétaire, ou selon l’expression consacrée « faire tourner la planche à billets ».

    Nouveau plan économique du gouvernement

    Ceci prend son sens dans le contexte de la dernière annonce du Premier ministre Abdelmalek Sellal : l’Algérie peut « tenir » face à la crise pendant 4 années, avec moins d’importations.
    Le choix des termes est, ici, très significatif, selon l’expert interrogé.
    Il ne reflète pas une volonté de changer de cap et de mettre en œuvre des réformes, notamment budgétaires.
    Au contraire, il trahit une volonté de maintenir la situation en l’état, notamment en termes de subventions et de dépense publique, estime notre source.
    Il y a donc lieu de s’interroger : est-ce un indicateur de l’intention de récupérer l’argent autrement que par la croissance et l’ajustement des dépenses ? Sans doute, oui.

    Modifier les lois

    Comment ? Pour y parvenir, le gouvernement devra modifier des lois en vigueur.
    Notamment celle sur la monnaie et le crédit.
    Un article du texte de loi stipule que la Banque d’Algérie peut accorder des crédits au Trésor.
    Seulement, des garde-fous existent : l’on ne peut aller au-delà de 10% des recettes fiscales ordinaires (hors fiscalité pétrolière) de l’année précédente.
    De plus, le remboursement doit se faire dans les 240 jours. C’est donc une simple avance de trésorerie qui ne peut pas servir à combler le déficit colossal du budget.

    Cet article en vigueur depuis 1990 n’a subi aucune modification, jusqu’à présent. Mais cela pourrait arriver rapidement.
    Laksaci y était opposé.
    Le nouveau Gouverneur aura-t-il une position différente ?
    Par ailleurs, les avoirs du Fonds de régulation des recettes (FRR) ne peuvent légalement descendre en-deçà de 740 milliards de dinars.
    Ce plancher est théoriquement déjà atteint. Il n’y a pourtant plus de solutions pour financer le déficit budgétaire, proche des 26 milliards de dollars en 2015.
    Le gouvernement serait tenté là encore de modifier la législation pour prélever les fonds restants.

    Le scénario catastrophe : péril sur les réserves de change

    Ainsi, l’on s’orienterait vers des erreurs stratégiques particulièrement périlleuses, préviennent nos sources.
    Nous avons effectivement des devises pour trois ou quatre ans, grâce aux réserves de change. Mais nous n’avons pas les dinars pour cette durée.
    Nous sommes donc protégés de l’inflation, tant qu’il reste ce matelas de sécurité. Mais si l’on choisit de recourir au financement de l’économie par la création monétaire, l’on provoquera une forte hausse de la demande.
    La hausse de la masse monétaire en circulation viendra irriguer l’économie, et stimulera la consommation.
    Or cette consommation s’orientera nécessairement vers l’importation, pour équilibrer l’offre et la demande.

    Les réserves de change seront donc fortement sollicitées et impactées, puis vidées en l’espace de quelques années.
    La suite ? Elle est inquiétante : l’hyperinflation transformerait le dinar en « monnaie de singe », les déficits budgétaires, toujours abyssaux, exigeront un ajustement brutal. Incapables d’emprunter sur les marchés étrangers – aucune garantie (comme les réserves de change) à offrir – ou interne – l’échec de l’emprunt obligataire le prouve déjà – l’Algérie risque la cessation de paiement et un retour vers le Fonds monétaire international (FMI).
    Nul besoin de rappeler aux dirigeants et à la population la douleur des plans d’ajustements imposés.
    TSA
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