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Les Suisses appelés à voter sur le « revenu universel », entre utopie et pragmatisme

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  • Les Suisses appelés à voter sur le « revenu universel », entre utopie et pragmatisme

    La révolution viendra-t-elle de Suisse ? Dimanche 5 juin, le pays est appelé à voter sur l’instauration d’un « revenu de base inconditionnel ». Ce référendum fédéral, autorisé à la suite d’une pétition qui a récolté plus de 100 000 signatures, vise à modifier la Constitution helvétique, afin que chacun dispose dès sa naissance d’une rente à vie. Si le groupe à l’origine de cette proposition – élus socialistes, Verts, syndicalistes ou encore citoyens du milieu de l’art et de la santé – n’articule formellement aucun chiffre, ses argumentaires se basent sur un montant de 2 500 francs suisses (environ 2 300 euros) par personne et par mois.

    Lire aussi : Le débat sur le « revenu universel » agite aussi... la Silicon Valley

    L’issue négative de cette « votation » ne fait guère de doutes : en décembre 2015, le Parlement helvétique s’est prononcé presque à l’unanimité contre le revenu de base, et le gouvernement recommande de rejeter la proposition. Mais le sujet du « revenu universel », ou « revenu de base », agite désormais plusieurs pays européens. Le principe ? Octroyer à chacun, jeune ou vieux, chômeur ou actif, une somme versée par l’Etat. Iconoclaste a priori, la mesure trouve de plus en plus de soutiens à l’heure du chômage de masse, de la montée des inégalités et de la robotisation croissante de l’économie, alors que la relation entre travail et répartition de la richesse fait l’objet de débats renouvelés.

    « C’EST L’UNE DES RARES MESURES ÉCONOMIQUES QUI PEUT ÊTRE À LA FOIS TRÈS SOCIALE ET TRÈS LIBÉRALE », RÉSUME YANNICK L’HORTY, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ PARIS-EST-MARNE-LA-VALLÉE
    « Le revenu universel [est] une idée qu’il faut mettre dans le débat public », a lancé le premier ministre Manuels Valls, mi-mai, lors d’un échange de deux heures avec des habitants d’Evry (Essonne), dans l’optique de l’élection présidentielle de 2017. Selon un sondage BVA paru le 30 mai, un peu plus de la moitié des Français (51 %) est favorable à l’instauration d’un « revenu minimum universel » garantissant à tout citoyen, sans condition ni contrepartie, un revenu de base, en remplacement des différentes aides sociales existantes. L’idée essaime un peu partout dans le monde. Au Canada, la province de l’Ontario s’apprête à la tester à l’automne, après avoir augmenté le salaire minimum. La Finlande a, un temps, été tentée par l’expérience.

    Lire aussi : « Redistribuer mieux et plus équitablement la richesse » avec un revenu de base

    La popularité du concept s’explique sans doute par sa double filiation. « C’est l’une des rares mesures économiques qui peut être à la fois très sociale et très libérale », résume Yannick L’Horty, professeur à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée. Pour les tenants d’une société plus égalitaire, le revenu universel donne la possibilité à chacun de mener une vie décente, où la richesse serait distribuée entre tous, et non accaparée par certains. Une approche légitimée par le fait que certaines activités, comme le travail domestique des femmes ou l’engagement associatif, ne trouvent pas de rémunération sur le marché du travail tel qu’il fonctionne aujourd’hui.

    Lire aussi : Le revenu universel, généalogie d’une utopie

    Le Basic Income Earth Network (BIEN), principal réseau mondial de recherche sur le sujet, soutenu par des ONG engagées dans la lutte contre la pauvreté (Emmaüs, ATD Quart Monde…) et relayé par des personnalités politiques ou de hauts fonctionnaires (Martin Hirsch…), a ainsi inspiré en France la création du revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988, puis du revenu de solidarité active (RSA) en 2008.

    26 % du PIB français

    L’autre approche, d’inspiration libérale, revient à octroyer une somme de départ à chaque individu, afin de lui permettre ensuite d’évoluer dans la vie selon son seul mérite personnel. Intégrée au système fiscal, elle prend directement la forme d’un « crédit d’impôt » pour les plus pauvres. L’allocation versée vient remplacer les minima sociaux, voire, pour les plus radicaux, se substituer aux prélèvements sur le travail (retraite, assurance-santé…). Charge ensuite à chacun de contracter ces garanties auprès d’organismes privés s’il le souhaite.

    Lire aussi : Qu’est-ce que le revenu universel de base ?

    Dans cette optique, plus besoin de revenu minimum du travail, ni de services tentaculaires de l’Etat pour gérer l’attribution des allocations. Fini le règne du salariat, où la protection sociale est essentiellement garantie par les cotisations patronales. Et plus de phénomène de désincitation au travail, puisque le revenu initial reste acquis, que la personne accepte ou pas un emploi. Un argument pris à rebours par les contempteurs du revenu universel, qui pointent le risque d’oisiveté lié à un revenu assuré.

    Lire aussi : « Les avantages d’un revenu universel européen »

    Au-delà des polémiques, « parler de revenu universel demande de décider à quel objectif on souhaite répondre. Un tel outil peut permettre de simplifier le maquis des aides sociales et d’éviter les non-recours [les deux tiers des ayants droit du RSA activité ne le perçoivent pas, faute d’accomplir les démarches nécessaires]. Mais cela pose le problème de la gestion des mécanismes d’aide, aujourd’hui assurée par les partenaires sociaux (assurance-maladie, vieillesse…) », souligne Marc Ferracci, professeur à l’université Panthéon-Assas.

    « De nombreux systèmes sociaux et fiscaux contiennent déjà des éléments du revenu universel. En France, le RSA en est très proche, en tout cas à partir de 25 ans. Il tourne autour de 700 euros par mois, en comptant l’aide au logement, avec des prélèvements qui s’ajustent à la baisse lorsque la personne reprend un travail », estime pour sa part Pierre Cahuc, professeur d’économie au Crest-Ensae et à l’Ecole polytechnique.

    « En France, la quasi-totalité des réformes sociales faites depuis la fin des années 1990 (taxe d’habitation, allocation logement, salaire minimum…) vise à faire en sorte que “le travail paie”. Si on doit réfléchir au mécanisme de revenu universel, c’est surtout dans une optique de simplification et de réduction des non-recours et des effets de seuil », abonde M. L’Horty.

    C’est le sens du rapport sur la réforme des minima sociaux, remis au premier ministre mi-avril par le député socialiste Christophe Sirugue (Saône-et-Loire). Dans l’une de ses propositions, il suggère de fusionner la dizaine de minima sociaux existants (RSA, allocation aux adultes handicapés, prime de solidarité…) en une allocation unique de 400 euros. Versée sous conditions de ressources à partir de 18 ans, elle serait majorée pour les seniors, les handicapés ou les chômeurs.

    Reste la question du financement d’une telle mesure. Dans un rapport publié le 22 mai, la Fondation Jean-Jaurès, proche du Parti socialiste, estime qu’un montant de 750 euros par mois – avec une part variable suivant l’âge – coûterait 565 milliards d’euros, soit 26 % du PIB français ! Mais elle « pourrait être financée en réorientant l’ensemble des dépenses actuelles de protection sociale (retraite, assurance-maladie, chômage, allocations familiales), à l’exception de celles consacrées à la prise en charge des affections de longue durée », selon le groupe de réflexion. A cela s’ajouterait « une hausse de 2 points de la TVA, dans une logique consistant à faire peser davantage la protection sociale sur la consommation plutôt que sur le travail ».

    Mais ce big bang social et fiscal ressemble davantage à un vœu pieux, à l’heure où la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source, véritable serpent de mer législatif, engendre déjà d’importantes difficultés. La Fondation Jean-Jaurès elle-même parle d’ailleurs de son estimation comme de « l’utopie la plus réaliste ».

    Lire aussi : « L’allocation universelle ne rompt en rien avec la logique de l’Etat-providence »

    Marie Maurisse (Genève, correspondance)
    Journaliste au Monde
    Audrey Tonnelier
    Journaliste au Monde
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Revenu de base inconditionnel rejeté par 4/5e des Suisses

    05/06/2016 | 15:09
    * Les partisans du RBI parlent d'une victoire morale

    * La Suisse, premier pays à voter sur le principe d'un revenu de base

    * Un projet du même genre est à l'étude en Finlande

    * Une autre initiative, "en faveur du secteur public", massivement rejetée (Actualisé avec précisions, autre initiative)

    par Silke Koltrowitz et Marina Depetris

    L'initiative en faveur d'un revenu de base inconditionnel (RBI) a été rejetée par près de quatre électeurs sur cinq lors d'une votation ce dimanche en Suisse, selon une projection de l'institut GfS pour la télévision helvétique.

    La nette défaite des partisans du RBI n'est pas une surprise, les sondages ayant prévu un rejet de cette ampleur.

    Les partisans du RBI estiment que mettre en place un revenu mensuel de 2.500 francs suisses (2.250 euros) par adulte et de 625 franc suisses (560 euros) par enfant serait un progrès pour la dignité humaine et pour les services publics.

    Les opposants à cette idée, au nombre desquels le Conseil fédéral (gouvernement), estiment que la mise en place d'un RBI aurait un coût trop élevé et affaiblirait l'économie de la confédération.

    Le propriétaire de café bâlois Daniel Häni, l'un des coauteurs de l'initiative, a reconnu la défaite des partisans du RBI mais s'est targué d'avoir remporté dimanche une victoire morale.

    "En tant qu'homme d'affaires, je suis réaliste et je m'attendais à un 'oui' de l'ordre de 15%, mais il semble que nous soyons plutôt à plus de 20% voire peut-être à 25%. Je trouve ça fabuleux, sensationnel", a-t-il dit à la télévision suisse.

    "Quand je vois l'intérêt porté (au sujet) par les médias, y compris à l'étranger, je me dis que nous lançons là une tendance", a continué Daniel Häni.

    La Suisse est le premier pays à tenir un référendum national sur l'idée d'un revenu de base garanti à chacun, mais d'autres pays, comme la Finlande, étudient des projets du même type.

    REJET DE L'INITIATIVE PRO-SERVICE PUBLIC

    Le Conseil fédéral avait appelé les électeurs à rejeter le RBI, parlant d'une menace pour la cohésion de la société et d'une réforme trop coûteuse. Si l'issue du référendum ne faisait guère de doute, le RBI a déclenché dans le pays un débat animé.

    Selon le Conseil fédéral, le RBI aurait un coût annuel de l'ordre de 208 milliards de francs suisses (187 milliards d'euros), et découragerait les gens de travailler, notamment ceux qui ont de faibles revenus, tout en affaiblissant l'économie.

    Une bonne partie de ces coûts auraient pu être couverts par les organismes de prestations sociales existants, mais la partie restante, équivalant à 25 milliards de francs suisses (22,5 milliards d'euros), aurait dû être financée par des hausses d'impôts ou par une baisse des dépenses publiques.

    Un mécanisme social vient d'ores et déjà en aide aux personnes qui ne peuvent plus subvenir à leurs besoins. Moins de sept pour cent de la population suisse vivait en 2014 dans la pauvreté, selon les statistiques fédérales.

    Lors d'une autre votation, ce dimanche, les électeurs suisses ont rejeté à 67% une initiative populaire fédérale "en faveur du service public", selon une projection de GfS diffusée par la radiotélévision helvétique. Cette initiative demandait à la Confédération de ne pas viser prioritairement les bénéfices au sein des sociétés contrôlées majoritairement par l'Etat, comme Swisscom, La Poste suisse ou la société des chemins de fer CFF.

    L'initiative émanait de magazines de protection des consommateurs. Le soutien en faveur de cette initiative, tout d'abord populaire, s'était nettement réduit au fil des sondages avant le vote. (voir ) (Silke Koltrowitz et Michael Shields; Eric Faye pour le service français)
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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