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Lettre de Vladimir Maïakovski au camarade Taras Kostrov

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  • Lettre de Vladimir Maïakovski au camarade Taras Kostrov

    Vladimir Vladimirovitch Maïakovski (19 juillet 1893 – 14 avril 1930 à Moscou) est un poète, dramaturge et futuriste soviétique. Esprit révolté, il participe dès ses 15 ans activement à la politique en adhérant au Parti social démocrate bolchévique. Sa plume se déliera alors qu’il est incarcéré à Boutyrskaïa en 1909. Depuis, l’auteur ne cessera de noircir des pages entières pour le plus grand plaisir de tous. Cette lettre qu’il envoie depuis Paris est un véritable hymne à l’amour comme puissance créative.


    Pardonnez-moi donc camarade Kostrov,

    avec votre largeur d’esprit,

    d’avoir dissipé en lyrisme des strophes,

    qui m’étaient allouées pour Paris.



    Regardez, la belle qui fait son entrée,

    parée de fourrures et perles,

    c’est d’elle que je m’étais aussitôt emparé :

    Fallait-il ou pas lui parler ?



    Camarade, j’arrive de 1’U.R.S.S,

    on me connaît dans ma patrie.

    J’ai vu des filles de plus d’allure,

    j’ai vu des filles de plus d’esprit.



    Les poètes sont chers aux femmes,

    avec ça j’ai de l’astuce,

    et pour peu qu’elles prètent l’oreille

    je leur conte des merveilles.



    Je ne mords pas à l’ordure,

    à l’appât de basses fredaines.



    Eternel blessé d’amour

    c’est à peine si je me trahis.



    Fausses mesures d’amour, les noces,

    – s’évapore qui se déprend –

    camarade, quant aux cloches

    je m’en moque éperdument.



    Mais tout ça c’est des vétilles,

    j’ai ri bien assez,

    je n’ai plus vingt ans, ma fille,

    mais trente ans passés.



    L’amour ce n’est pas se promener bouillant,

    ce n’est pas du charbon l’ardente brûlure,

    mais c’est ce qui monte des monts des poitrines

    plus haut que la jungle des chevelures.



    Aimer, c’est courir au fond de la cour,

    et jusqu’au soir des vers luisants.

    briller de la hache, casser des tronas,

    jouant de sa propre puissance.



    Aimer, c’est des draps en loques d’insomnies

    s’arracher, jaloux de Copernic,

    lui, et non le mari d’une Marie,

    étant le rival maudit.



    L’amour n’est pas paradis délicieux,

    l’amour c’est quand cela souffle en vous

    et que du cœur le moteur rouillé

    se remette en marche, à nouveau.



    De Moscou vous êtes coupée

    lieux et temps aidant,

    comment puis-je vous expliquer

    cet étrange état ?



    De la terre au ciel, les feux,

    dans le ciel, les astres en nombres.

    Si je ne m’étais fait poète,

    je serais un astronome.



    La ville mène un train d’enfer,

    moi, je me promène,

    sur les pages de mon carnet

    j’écris des poèmes.



    Les autos courent les chaussées,

    mais elles me ménagent,

    les futées savent ce que c’est,

    qu’un homme en extase.



    Jusqu’aux bords je suis plein,

    – rêves, apparitions, –

    il en pousserait des ailes,

    même à un ourson.



    Alors, dans quelque infâme bistrot,

    enfin, la bouillie est prête,

    de la gorge aux étoiles fuse le mot,

    naissance dorée d’une comète !



    Sur un tiers du ciel s’étale sa queue,

    ses plumes flambent, se dressent,

    pour qu’à deux amoureux la voie lactée

    dans les branches des lilas apparaisse.



    Pour entraîner, soulever, guider

    ceux dont la vue se délabre,

    pour trancher les têtes d’ennemis hideux

    d’une queue luisante de comète.



    L’attente dans chaque battement du cœur,

    à mon rendez-vous sempiternel,

    j’attend qu’enfin reprenne sa rumeur,

    l’amour humain, simple et éternel.



    La tempête, le feu, et l’eau

    assiègent la forteresse.

    Qui saurait en mater l’assaut ?

    Vous ? Ça m’intéresse ! …


    des lettres
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