Écrit par Samir Tazaïrt
Rencontré en marge des travaux du workshop organisé par l’Association algérienne de l’industrie du gaz, jeudi dernier à Alger, sur la gestion des gazoducs sous-marins – ou offshore – Abdelmadjid Attar, en sa qualité de vice-président de l’association, mais également d’ancien président de Sonatrach et ancien ministre, revient longuement, dans cet entretien, sur les vulnérabilités «économiques» de l’Algérie née d’une dépendance dangereuse à la rente à laquelle s’ajoute une consommation énergétique nationale qui menace nos parts d’hydrocarbures dédiées à l’export. C’est toute la complexité à laquelle font face désormais nos dirigeants. Aussi, lors de cette journée hautement technique, il est apparu que l’Algérie doit gérer des gazoducs offshores menacés à tout moment par les navires marchands – à cause de leurs ancres qui causent des dommages sur les tuyaux – par les «free-span», une érosion du sédiment sablonneux en dessous du pipeline provoqué par l’hydrodynamique, faisant perdre son appui et provoquant sa cassure ; et enfin par des gazoducs vieux et «mal entretenus».
Tout le problème est que le pays ne dispose pas, seul, de la technologie nécessaire pour venir à bout de ces phénomènes, qui coûtent cher !
Abdelmadjid Attar
Reporters : Quel regard portez-vous sur la situation énergétique que vit le pays actuellement ?
Abdelmadjid Attar : Du point de vue des ressources, l’Algérie dispose encore d’assez de pétrole et de gaz dans son sous-sol. Seulement, le grand problème, c’est que ces ressources naturelles sont englouties trop vite. Les taux de croissance de notre consommation nationale ont dépassé toutes les attentes - 8 à 10% par an en moyenne – et les prévisions. Le pays est devenu énergivore. Dans tout le bassin méditerranéen - 24 pays et territoires, NDLR -, l’Algérie est le premier pays consommateur de gaz, d’électricité et d’hydrocarbures. Or, et ceci est encore un autre problème, nous consommons toute cette énergie sans produire la moindre contrepartie ni richesse, c’est-à-dire de rentrées tirées de l’utilisation de cette énergie, qu’elle soit industrielle ou autre.
Parallèlement, cette ressource consommée - à perte - constitue aussi 98% de nos rentrées en devises. Du coup, l’Algérie est face à un dilemme extrêmement complexe et difficile. S’il ne fallait consacrer cette ressource qu’à satisfaire les besoins énergétiques intérieurs, nous pourrions y répondre d’ici à 50 ans sans aucun problème, mais vous savez bien qu’il faut en consacrer une partie à la rente, tout simplement parce que nous ne pouvons pas nous en passer actuellement. Quelles que soient les ambitions et quel que soit le programme de diversification et de développement économique du gouvernement, ce n’est pas du jour au lendemain qu’il va apporter ses fruits et devenir une alternative à la rente. Dix à quinze ans au moins sont nécessaires pour en voir les résultats. Entre-temps, nous allons continuer à consommer de l’énergie et à devoir en vendre pour maintenir cette rente. Un arbitrage d’une extrême difficulté doit être fait par le gouvernement.
Le gouvernement a-t-il conscience de cet arbitrage ?
Le gouvernement a bien sûr conscience de la situation. Pour preuve, il y a quelque temps, il a décidé de s’attaquer aux gaz de schiste, pas nécessairement pour commencer à en produire dans l’immédiat, car ni les technologies, j’entends les moyens logistiques, ni le coût de leur exploitation, très élevé en Algérie, ne peuvent en permettre l’exploitation dès à présent. Mais nous finirons par y aller dans… je dirai cinq ans. Nous vendons le gaz à l’Europe entre 5 et 6 dollars, alors que le prix de revient du million de BTU en gaz de schiste tournera au moins à 20 dollars.
Ce n’est simplement pas possible de l’exploiter ni même de le vendre à ce prix-là ! A vrai dire, nous irons aux gaz de schiste une fois que les technologies ainsi que les coûts d’exploitation seront à notre portée. Une autre raison atteste de cette prise de conscience par l’Etat de la situation complexe que nous vivons, c’est le programme de développement des énergies renouvelables. Si le gouvernement a décidé de donner la priorité à ce nouvel agenda énergétique, c’est qu’il sait parfaitement que notre consommation énergétique est en train de croître de façon déraisonnable, et, par conséquent, il faut consommer de nouvelles énergies de telle sorte à préserver ou faire durer le plus possible nos capacités d’exportation. Et nous n’en sortirons pas au bout de cinq ou dix ans. C’est certain.
Vous faisiez part dans votre mot d’ouverture de l’atelier sur le management des risques sur les gazoducs sous-marins du fait que l’Algérie est très en retard sur le lancement de nouveaux forages et leur mise en production…
Nous avons longtemps continué à produire à partir des gisements existants sans investir dans la rénovation des installations de surface, dans l’optimisation ou le boosting gisements de gaz et le maintien de la pression de production. Sonatrach a annoncé il y a un an avoir lancé une telle opération sur l’ensemble de ses gisements et réseaux de transports dans le but de faire face à la baisse de pression dans le but de garder intacts ses niveaux de production le plus longtemps possible et augmenter les taux de récupération, surtout pour le pétrole. Nous avons pris beaucoup de retard sur le maintien en vie des gisements existants. Maintenant, il semble que des projets dans ce domaine sont en cours. Tant mieux !
Rencontré en marge des travaux du workshop organisé par l’Association algérienne de l’industrie du gaz, jeudi dernier à Alger, sur la gestion des gazoducs sous-marins – ou offshore – Abdelmadjid Attar, en sa qualité de vice-président de l’association, mais également d’ancien président de Sonatrach et ancien ministre, revient longuement, dans cet entretien, sur les vulnérabilités «économiques» de l’Algérie née d’une dépendance dangereuse à la rente à laquelle s’ajoute une consommation énergétique nationale qui menace nos parts d’hydrocarbures dédiées à l’export. C’est toute la complexité à laquelle font face désormais nos dirigeants. Aussi, lors de cette journée hautement technique, il est apparu que l’Algérie doit gérer des gazoducs offshores menacés à tout moment par les navires marchands – à cause de leurs ancres qui causent des dommages sur les tuyaux – par les «free-span», une érosion du sédiment sablonneux en dessous du pipeline provoqué par l’hydrodynamique, faisant perdre son appui et provoquant sa cassure ; et enfin par des gazoducs vieux et «mal entretenus».
Tout le problème est que le pays ne dispose pas, seul, de la technologie nécessaire pour venir à bout de ces phénomènes, qui coûtent cher !
Abdelmadjid Attar
Reporters : Quel regard portez-vous sur la situation énergétique que vit le pays actuellement ?
Abdelmadjid Attar : Du point de vue des ressources, l’Algérie dispose encore d’assez de pétrole et de gaz dans son sous-sol. Seulement, le grand problème, c’est que ces ressources naturelles sont englouties trop vite. Les taux de croissance de notre consommation nationale ont dépassé toutes les attentes - 8 à 10% par an en moyenne – et les prévisions. Le pays est devenu énergivore. Dans tout le bassin méditerranéen - 24 pays et territoires, NDLR -, l’Algérie est le premier pays consommateur de gaz, d’électricité et d’hydrocarbures. Or, et ceci est encore un autre problème, nous consommons toute cette énergie sans produire la moindre contrepartie ni richesse, c’est-à-dire de rentrées tirées de l’utilisation de cette énergie, qu’elle soit industrielle ou autre.
Parallèlement, cette ressource consommée - à perte - constitue aussi 98% de nos rentrées en devises. Du coup, l’Algérie est face à un dilemme extrêmement complexe et difficile. S’il ne fallait consacrer cette ressource qu’à satisfaire les besoins énergétiques intérieurs, nous pourrions y répondre d’ici à 50 ans sans aucun problème, mais vous savez bien qu’il faut en consacrer une partie à la rente, tout simplement parce que nous ne pouvons pas nous en passer actuellement. Quelles que soient les ambitions et quel que soit le programme de diversification et de développement économique du gouvernement, ce n’est pas du jour au lendemain qu’il va apporter ses fruits et devenir une alternative à la rente. Dix à quinze ans au moins sont nécessaires pour en voir les résultats. Entre-temps, nous allons continuer à consommer de l’énergie et à devoir en vendre pour maintenir cette rente. Un arbitrage d’une extrême difficulté doit être fait par le gouvernement.
Le gouvernement a-t-il conscience de cet arbitrage ?
Le gouvernement a bien sûr conscience de la situation. Pour preuve, il y a quelque temps, il a décidé de s’attaquer aux gaz de schiste, pas nécessairement pour commencer à en produire dans l’immédiat, car ni les technologies, j’entends les moyens logistiques, ni le coût de leur exploitation, très élevé en Algérie, ne peuvent en permettre l’exploitation dès à présent. Mais nous finirons par y aller dans… je dirai cinq ans. Nous vendons le gaz à l’Europe entre 5 et 6 dollars, alors que le prix de revient du million de BTU en gaz de schiste tournera au moins à 20 dollars.
Ce n’est simplement pas possible de l’exploiter ni même de le vendre à ce prix-là ! A vrai dire, nous irons aux gaz de schiste une fois que les technologies ainsi que les coûts d’exploitation seront à notre portée. Une autre raison atteste de cette prise de conscience par l’Etat de la situation complexe que nous vivons, c’est le programme de développement des énergies renouvelables. Si le gouvernement a décidé de donner la priorité à ce nouvel agenda énergétique, c’est qu’il sait parfaitement que notre consommation énergétique est en train de croître de façon déraisonnable, et, par conséquent, il faut consommer de nouvelles énergies de telle sorte à préserver ou faire durer le plus possible nos capacités d’exportation. Et nous n’en sortirons pas au bout de cinq ou dix ans. C’est certain.
Vous faisiez part dans votre mot d’ouverture de l’atelier sur le management des risques sur les gazoducs sous-marins du fait que l’Algérie est très en retard sur le lancement de nouveaux forages et leur mise en production…
Nous avons longtemps continué à produire à partir des gisements existants sans investir dans la rénovation des installations de surface, dans l’optimisation ou le boosting gisements de gaz et le maintien de la pression de production. Sonatrach a annoncé il y a un an avoir lancé une telle opération sur l’ensemble de ses gisements et réseaux de transports dans le but de faire face à la baisse de pression dans le but de garder intacts ses niveaux de production le plus longtemps possible et augmenter les taux de récupération, surtout pour le pétrole. Nous avons pris beaucoup de retard sur le maintien en vie des gisements existants. Maintenant, il semble que des projets dans ce domaine sont en cours. Tant mieux !
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