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KARIM TABBOU À “LIBERTÉ” “Le pays est devenu l’arène des troubadours, des corrompus et des opportunistes”

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  • KARIM TABBOU À “LIBERTÉ” “Le pays est devenu l’arène des troubadours, des corrompus et des opportunistes”

    Il fait partie des jeunes loups de la scène politique nationale. Ancien premier secrétaire du FFS, aujourd’hui à la tête de l’UDS, parti en attente d’agrément, Karim Tabbou, connu pour ses réparties incisives, revient dans cet entretien sur les derniers événements qui ont secoué la scène politico-médiatique.

    Liberté : Ça vous inspire quoi l’affaire El-Khabar ?

    Karim Tabbou : Vouloir réduire au silence un journal, sous quelque subterfuge que ce soit, est une violence portée contre toute la presse. Ce sont donc les libertés publiques qui sont visées. Les journaux qui sont sur la ligne de mire du pouvoir sont connus : ils refusent de se soumettre à son diktat et ne veulent pas perdre de leur crédibilité, en acceptant de devenir de simples boîtes à musique. Les chantages financiers, les menaces de redressements fiscaux et les intimidations qui ciblent quelques titres attestent de cette volonté de priver les citoyens du droit d’être informés. C’est une attitude déviationniste d’un système politique en panne de perspective et en déliquescence. Les citoyens, les journalistes et les militants qui sont venus braver le diktat du ministre de la Communication (rassemblement devant le tribunal administratif de Bir-Mourad Raïs, ndlr) sont dignes de respect. À deux reprises, ils ont scandé avec fureur leur solidarité avec la presse et leur attachement aux libertés. À ce niveau, la bataille psychologique est gagnée. J’espère, personnellement, que cette affaire se termine vite et que le journal El Khabar continue à poursuivre sa noble mission d’investigation et d’information, et préserve sa ligne éditoriale comme l’exigerait toute presse indépendante.

    Dans cette “affaire”, certains segments du pouvoir accusent l’homme d’affaires Issad Rebrab de “rouler” pour l’ancien patron des services et d’avoir des ambitions politiques. Qu’en pensez-vous ?

    Rouler pour l’ancien patron du DRS ? La majorité de ces gens du pouvoir que vous entendez proclamer, aujourd’hui, leur opposition au chef du DRS étaient des délateurs avérés, des subalternes zélés et des serviteurs dociles de Toufik, patron des services ; ce sont justement les pratiques de la police politique et le pouvoir du DRS qui ont propulsé tous ces charlatans au sommet des responsabilités. C’est ce système de cooptation, de trafics électoraux, de la violence et de la persécution qui a imposé toutes ces fausses représentations politiques et sociales. L’anéantissement de l’élite et la confiscation des libertés ont empêché l’émergence de vraies médiations politiques capables de donner de l’élan, de la fraîcheur mentale et de l’espoir au pays. C’est le projet de l’Algérie démocratique et sociale qui a été trahi. Le pays est devenu l’arène des troubadours, des corrompus et des opportunistes alors que le citoyen lambda s’enfonce de jour en jour dans la misère, le mal-être et l’angoisse. Le mandarin du FLN a même accusé Toufik d’avoir fomenté de faux rapports et manipulé les conclusions des enquêtes menées contre les “hommes du Président” pour lui porter atteinte. Dans un État de droit, la justice se saisirait immédiatement d’une telle affaire, mais hélas !!! Qui, des Algériens, ignore que le chef du DRS a été l’un des architectes et grand fervent défenseur de l’intronisation de Bouteflika à la tête de l’État ? Toufik était bien là au 1er, au 2e, au 3e et même au 4e mandat... Qui ne sait pas que ce sont les services de Toufik qui détenaient les chiffres réels de tous les scrutins et de toutes les consultations électorales, et ce depuis l’arrêt du processus électoral de 1992 ? Aujourd’hui, qui a le courage de demander l’ouverture des archives du DRS ? qui peut oser interroger sur les conclusions des enquêtes de la fraude électorale de 1999, des législatives de 1997, des événements du printemps noir de 2001, de l’assassinat de Boudiaf… ? Dans tous les cas, ce ne sont pas les luttes d’appareils ou les alternances claniques qui vont permettre au pays de sortir de sa torpeur et du sous-développement ; et au peuple d’espérer, enfin, d’un destin nouveau. Certains cercles sont tentés par le pouvoir absolu. C’est pour cette raison qu’ils n’arrivent pas à s’émanciper. Leurs vieux réflexes staliniens et leur entêtement maladif les guident à vouloir rester indéfiniment au pouvoir.

    Mais au-delà de ces aspects, cette “affaire” ne traduit-elle pas un certain malaise politique et une panne économique ?

    Le pays patauge dans une crise politique profonde. Deux décennies de mensonges, de rapine et de fourberies ne peuvent déboucher que sur la lassitude et le statu quo. Jamais dans l’histoire, le pays n’a atteint un tel niveau de dégoût social, d’incertitude dans l’investissement économique et d’autarcie politique. Ce n’est pas l’affaire El Khabar qui traduit le malaise. La situation générale du pays soulève de sérieuses interrogations sur l’avenir. Si les hommes du sérail ne sont préoccupés que par les procédures de succession et de maintien au pouvoir, la société, quant à elle, s’interroge sérieusement sur ce que peut bien lui réserver l’avenir. L’idée de partir ailleurs effleure l’esprit de beaucoup de cadres. La communauté universitaire est dans un tel désarroi qu’elle vit dans l’incertitude absolue. Les quartiers populaires sont devenus des zones de non-droits, les villages et les régions reculés sont livrés au banditisme et à la violence, les archaïsmes régionaux refont surface et l’unité du pays est sérieusement menacée…

    Finalement, ne fait-elle pas office d’“écran de fumée” pour divertir du retour controversé de Chakib Khelil, de l’état de santé du Président révélé par le tweet de Manuel Valls et des scandales révélés par les “Panamas Papers” ?

    Pour détourner le regard de l’opinion publique des graves révélations de corruption qui ont touché les plus hauts responsables du pays, le pouvoir est capable de faire dans les théâtralisations et les machinations. Il tente de se saisir de l’opportunité de l’affaire El Khabar après avoir tenté vainement de refocaliser le débat manipulatoire sur la Kabylie. Le scandale révélé par les Panamas papers, dans lequel sont mises en cause des personnalités de premier rang, des ministres et des anciens responsables, est un démenti cinglant aux proclamations d’innocence pompeusement relayées par certains médias et appareils politiques du pouvoir. Le silence de la justice sur ces affaires relève de la complicité. Quant au retour de Chakib Khellil, il a apporté la preuve que le pays est l’otage de clans et que la justice est réduite au rang d’instrument au service du pouvoir politique.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Au milieu d’une telle situation d’incertitude politique, d’absence de visibilité et de marasme économique, l’opposition, notamment la CLTD, peine pourtant à se faire entendre et à provoquer une dynamique populaire pour le changement. Quelles en sont les raisons, selon vous ?

    La première rencontre de Mazafran a suscité un réel espoir auprès des citoyens. Une première dans les annales politiques nationales : des partis d’obédiences différentes, des personnalités publiques et des intellectuels engagés se sont retrouvés pour débattre de la situation du pays et esquisser une sortie de crise. Le fait d’avoir réussi à élaborer une plate-forme revendicative commune a été un exploit extraordinaire. C’est un tournant décisif dans la vie politique nationale. Il est bien évident que la mise en route par l’opposition d’une dynamique d’actions communes constitue une menace réelle. Face à un tel risque, le pouvoir ne restera pas indifférent : il minimise l’événement au début ; il tente de le contrecarrer par des sorties tous azimuts des ministres sur le terrain, puis il déclenche l’opération “jumelle” pour tenter d’isoler les partis de la société. Le procédé est tout simple : faire peur à la population en ravivant les menaces d’un retour aux années de sang. Le pouvoir déclenche alors sa propagande pour détourner la revendication de changement formulée par l’opposition en un procès contre cette dernière en s’appuyant, comme à l’accoutumée, sur les mass-médias, les intellectuels aliénés et les islamistes de service. Les procédés manipulatoires sont poussés à l’extrême pour diviser l’opposition. La corruption, les promesses alléchantes, etc. font partie de ces procédés. Le refus du pouvoir de s’associer à toute initiative de l’opposition a compliqué un peu la tâche d’autant que les partis connaissent bien les difficultés à mobiliser la rue. C’est ce piège mortel qui a obligé l’opposition à concevoir de nouvelles méthodes d’action. Le coup de force constitutionnel, l’élaboration et l’adoption de certaines lois organiques relatives au régime électoral et à la mise en place de l’instance de surveillance des élections ne font qu’accélérer les contradictions et les hésitations. D’une certaine manière, le pouvoir veut enrôler l’opposition dans cette élection, dans le pur style d’un examen final et dont il est le seul à détenir le sujet, seul habilité à corriger et seul à décider des résultats. Les partis politiques (“les élèves”) ne devront faire preuve que d’obéissance aux maîtres en place pour être admis. Personnellement, je crois que si l’opposition ne s’émancipe pas de ces calculs de sièges et n’accomplit pas des actes de rupture francs avec le système politique en place, le pays sera condamné à tourner à vide.

    Où en est-on avec l’agrément de votre parti ?

    Comme stipulé dans la loi organique relative aux partis politiques, nous avons déposé notre demande de constitution du parti, l’Union Démocratique et Sociale (UDS) au niveau des services du ministère de l’Intérieur le 10 mars 2013. Le 16 juillet 2013, nous avons obtenu la décision portant autorisation pour la tenue du congrès constitutif de notre parti. Cette décision précise qu’“en vertu de la loi organique 04-12 relative aux partis politiques, du décret exécutif 247-94 qui fixe les prérogatives du ministre de l’Intérieur, et après étude et vérification du dossier constitutif du parti dénommé UDS, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales autorise les membres fondateurs du parti cité à tenir leur congrès constitutif”. Cette décision, signée par le secrétaire général du ministère, actuel ministre des Travaux publics, fut donc adressée aux directeurs de la réglementation (DRAG) au niveau des wilayas pour autoriser la tenue d’assemblées générales électives des congressistes. Nous avons tenu la première AG à Alger, puis à Béjaïa. Et le 29 septembre de la même année, les services de la wilaya de Annaba nous informent que notre parti fut retiré de la liste des partis autorisés à tenir des AG. Toutes nos demandes d’autorisations sont restées lettre morte. Nous avons cherché à comprendre les motifs, mais aucun responsable de l’administration n’a fourni la moindre raison du blocage. Assez souvent, on nous dit : “Cela vient d’en haut”. Nous avons formulé, plus de dix fois, des demandes d’audience auprès du ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Tayeb Belaiz, et nous avons reformulé, de nouveau, à trois reprises, des demandes d’audience auprès de l’actuel ministre de l’Intérieur ; toutes ces demandes sont restées sans réponse à ce jour. Je viens de vous relater les faits. Je profite de cette opportunité pour défier le ministre de l’Intérieur d’apporter la moindre justification légale à ce blocage. Je comprends toute la gêne qu’il doit ressentir : il est vrai que chez nous, hélas, l’agrément d’un parti ne relève ni de ses “compétences” ni de ses “prérogatives”. La loi n’est qu’un voile derrière lequel se cachent les décideurs. La Constitution et les lois étant bafouées, ne demeurent que les calculs bassement politiciens. Je tiens à réaffirmer haut et fort que nos principes, notre orientation politique et notre engagement, aux côtés des forces du changement, ne s’accommoderont d’aucun troc, au risque d’être privé d’agrément. Nous refusons de souscrire aux contrats de lâcheté et d’allégeance.

    Propos recueillis par : Karim Kebir
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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