Nous publions ci-après une lettre ouverte de Salah Guemriche (écrivain) à Ferhat Mehenni, président du Gouvernement provisoire kabyle.
LE Matin D'Algerie
Par Salah Guemriche
Cher Ferhat,
Te souviens-tu de notre séjour, à l’occasion d’un colloque, dans la magnifique ville d’Amalfi, en Italie, voilà plus de vingt ans? C’était un mois de mai, et, un soir, à la faveur d’un mini-concert improvisé, tu m’avais fait l’amicale surprise en me dédiant une chanson, pour mon anniversaire...
La Kabylie, j’y ai un empan
Si je commence par cette anecdote toute personnelle, c’est surtout pour te rafraîchir la mémoire : ce fut là, à Amalfi, que sur une déclaration que tu venais de faire au milieu d’un groupe, sur la «question berbère», je t’avais franchement dit ce qui me tenait à cœur : «Ferhat, la Kabylie, j’y possède un empan («chber»), même symbolique, comme tu en as un du côté de chez moi, dans l’Est algérien, et je n’admettrai jamais que l’on me prive de cet empan-là, encore moins que, pour y accéder, j’aie besoin d’un visa !».
J’avais du respect pour ton art, comme pour ton engagement d’antan qui te valut arrestations, gardes-à-vue et six-cents jours de prison… Ton répertoire, je l’avais encensé, voilà vingt-cinq ans déjà, dans un article paru dans le mensuel Paroles et musiques, en rappelant le mot de Kateb Yacine qui t’avait surnommé «Le maquisard de la chanson». Pour ton engagement passé, je me disais et me dis toujours qu’à ta place jamais je n’aurais pu me relever des souffrances que le régime t’avait fait subir. Et tu t’étais relevé, avec dignité et une inflexible volonté. Puis, à Paris, nous nous sommes vus et revus, et partagé le sel et le pain. Je me perds dans les années, sans doute. Je ne sais même plus situer la date de ton concert au Rex, qui fut un triomphe.
Décembre 1994, alors que tu te trouvais parmi les otages dans l’Airbus détourné, par des membres du GIA, à Marignane, nous avions, ma compagne et moi, vécu de près l’angoisse de tes proches, à Paris. Une angoisse décuplée par une initiative des plus sadiques : le jour où il y eut ce coup de fil d’un fleuriste parisien annonçant la livraison d’une couronne mortuaire, au moment même où le GIGN s’apprêtait à prendre d’assaut l’avion d’Air France... Nous n’avons jamais su qui était derrière ce geste effroyable.
Le père, le chanteur et le politique
Troisième souvenir, quelques années après ton sauvetage, à Marignane : tu nous avais invités à fêter un événement familial, dans une grande maison prêtée par des amis. C’est là que je m’étais accroché avec plusieurs de tes potes kabyles, violemment agressifs à mon égard, moi, le natif de Guelma, donc, à leurs yeux, mal placé pour débattre, et encore moins de manière critique, de la question berbère !
Sept ans après, la mort va te frapper de près, pire : comme tu l’avais déclaré, «en m’assassinant, les criminels m’auraient tué une seule fois ; en s’en prenant à Ameziane, ils me tuent chaque jour, à chaque instant !». Sans preuves, l’opinion, elle, n’avait aucun doute sur les commanditaires. Comme si à travers ton fils, dont la mort ne sera jamais élucidée par la police française, on avait voulu te faire payer ton engagement et, surtout, ton insoumission : quelques mois plus tôt, tu avais publié La question kabyle. Un livre que j’avais emporté dans ma valise au Québec, où j’étais invité pour le «Festival international de poésie» de Trois-Rivières. Le soir de la clôture, les organisateurs m’avaient demandé si j’avais un nom de poète algérien à leur suggérer pour leur prochaine édition. Je n’avais pas réfléchi longtemps pour leur proposer ton nom. Comme il avait fallu te présenter, il y eut une hésitation : ils cherchaient un poète, pas un chanteur. Ce à quoi je rétorquai : «Mais il est les deux à la fois, un peu comme votre Félix Leclerc !»... L’argument fit mouche. C’est ainsi que, l’année d’après, tu fus reçu en grandes pompes au Québec… Pourquoi je te raconte tout ça ? Simplement pour te dire non seulement mon amitié mais aussi le respect que j’avais pour l’artiste.
Et puis, nous nous sommes perdus de vue. Je t’ai suivi, de loin en loin, Cela fait douze ans que je ne t’ai plus croisé, Ferhat. Pardon d’avoir pris tant de détours avant de te dire ce que je pense de ces années durant lesquelles tu allais prendre un chemin miné.
Le MAKisard de La chanson
Tu as donc franchi le pas, un pas d’«aventurier de l’arche perdue», en créant le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), ce mouvement qui allait te faire passer du titre de «Maquisard de la chanson» à celui de… MAKisard.
Tu le sais mieux que personne, j’ai toujours fait mienne la cause berbère, non point comme militant mais comme citoyen algérien non berbérophone, pour qui la reconnaissance de l’antériorité de l’entité berbère est une nécessité ontologique et l’officialisation de la langue tamazight un facteur d’épanouissement de l’être algérien et non pas un facteur de division. Ce qui ne m’empêche pas de fustiger le discours berbériste, surtout lorsqu’il vire au racisme réactionnel. Dans une tribune, parue en 2004, dans Libération, sous le titre : Berbères contre cerbères (Berbères contre cerbères), j’écrivais notamment ceci : «Cette posture du pouvoir mérite d'être dénoncée massivement, non plus par les seuls Berbères mais par l'ensemble des citoyens, toutes régions confondues. Hélas, la solidarité du reste de la nation fait dramatiquement défaut au mouvement berbère. Et ce n'est pas l'incapacité de ses leaders à transcender leur ethnocentrisme réactionnel qui atténuera la désaffection de la composante arabe...».
En effet, les légitimes revendications du mouvement berbère ont besoin de l’engagement des non-Berbères, de ceux qui se disent ou se croient arabes alors que le peuple algérien dans son écrasante majorité est de souche berbère que seuls les siècles d’islamisation ont fini par en faire un peuple d’arabophones. Voilà pourquoi, sans mettre une croix, si j’ose dire, sur la langue arabe, je pense qu’il y va de l’avenir de toute l’Algérie que le pouvoir se réhabilite en réhabilitant et en assumant l’identité berbéro-arabe du peuple algérien. Mais de là à vouloir amputer le pays d’une partie de son «corps», voilà qui donne à tes revendications, cher Ferhat, le caractère d’un égarement, voire d’un délire paranoïde. Après l’autonomie, tu réclames carrément l’indépendance. Et pour ta campagne menée tambour battant, tu n’as pas hésité à chercher soutiens et parrainages partout où ton pays, l’Algérie, était craint ou mal vu. La liste est longue mais assez connue pour ne pas la décliner ici.
Conversion à «l’israélisme»
Ainsi, parmi les personnalités que tu as eu «le plaisir et l’honneur» de rencontrer en Israël, figurait un certain Jacques Kupfer. Toi, tu savais à qui tu avais affaire ; l’opinion publique, elle, ne le sait pas. Ton hôte, ancien caïd du Likoud mondial qui un jour a suggéré l’usage de l’arme nucléaire contre les Palestiniens, est connu pour ses multiples appels à raser Gaza, car, selon lui, les Gazaouis «ne sont certainement pas plus innocents que les habitants d'Hiroshima ou de Dresde !», avant de conclure : «Gaza doit devenir un champ de ruines d’où ne peuvent sortir que des gémissements !» (Quand le Likoud de France encourage la "chimiothérapie" de Gaza).
Et c’est dans la propriété de cet homme, dans le quartier chic de Bet Hakeren, à Jérusalem, que tu auras partagé le sel et rompu le pain, comme si tu étais l’hôte du chef de la djemaâ d’Illoula Oumalou, ton village natal ! L’ennemi de ton ennemi devenant ainsi ton ami, tu as fini dans les bras du Likoud. Un parti d’extrême droite. Stupéfiante conversion ! Comme je l’avais écrit, à propos de Bouâlam Sansal sur mon ancien blog de Médiapart (Cf : Salah Guemriche écrit à Boualem Sansal après ses déclarations autour de son séjour en Israël), te voilà tel un Saint-Paul qui, sur le chemin de Damas, eut la révélation christique : votre révélation à tous deux vous aura fait adhérer aux thèses les plus négationnistes en fermant les yeux sur les malheurs des Palestiniens, dont vous niez honteusement les droits, ces mêmes droits que toi, Ferhat, tu réclames pour les Kabyles au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ! Où donc est passé le Ferhat interprète en kabyle du Déserteur de Boris Vian et de l’Internationale ?
Je ne te reproche nullement de t’être rendu en Israël : je m’y étais moi-même rendu, vingt ans avant toi et avant Sansal. Sauf que moi, je n’avais pas évité Gaza et Ramallah, et c’était pour participer à une Conférence internationale sur la paix, et non pour affirmer, comme l’a fait Sansal, qu’il n’y a pas lieu de parler de colonisation en Israël ! Si cette allégeance à ce qu’Israël a de plus antidémocratique est d’une manière ou d’une autre payante, «intérêt et principal» comme dit la Cigale de la fable, elle a un autre prix : celui inhérent à toute allégeance, qu’elle soit politique ou morale.
Autant dire, cher Ferhat, qu’en t’accoquinant avec ce qu’Israël a de plus extrémiste, tu fuis une allégeance pour passer à une autre : d’un pouvoir discrétionnaire, celui du régime algérien que tu combats, à un pouvoir discriminant et colonial. En l’occurrence, tu t’inscris en droite ligne avec toute une génération spontanée qui découvre les charmes discrets de ce qu’Edgar Morin a appelé «l’israélisme». Et force est de constater que cette génération est composée essentiellement de tes supporters qui accusent, à juste raison certes, l’Etat algérien de se définir comme Etat «arabo-musulman», mais qui font du kabylo-berbérisme à l’instar de ceux qu’ils combattent et qui font de l’arabo-islamisme, comme si l'Etat algérien était musulman pour les Arabes, et arabe pour les Berbères. Cela me rappelle, comme je l’ai écrit dans ma tribune (Berbères contre cerbères), le mot de ce député arabe israélien, qui, répondant à un interlocuteur pressant, finit par lâcher : "Israël est un Etat juif et démocratique, c'est vrai : il est démocratique pour les Juifs et juif pour les Arabes."
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LE Matin D'Algerie
Par Salah Guemriche
Cher Ferhat,
Te souviens-tu de notre séjour, à l’occasion d’un colloque, dans la magnifique ville d’Amalfi, en Italie, voilà plus de vingt ans? C’était un mois de mai, et, un soir, à la faveur d’un mini-concert improvisé, tu m’avais fait l’amicale surprise en me dédiant une chanson, pour mon anniversaire...
La Kabylie, j’y ai un empan
Si je commence par cette anecdote toute personnelle, c’est surtout pour te rafraîchir la mémoire : ce fut là, à Amalfi, que sur une déclaration que tu venais de faire au milieu d’un groupe, sur la «question berbère», je t’avais franchement dit ce qui me tenait à cœur : «Ferhat, la Kabylie, j’y possède un empan («chber»), même symbolique, comme tu en as un du côté de chez moi, dans l’Est algérien, et je n’admettrai jamais que l’on me prive de cet empan-là, encore moins que, pour y accéder, j’aie besoin d’un visa !».
J’avais du respect pour ton art, comme pour ton engagement d’antan qui te valut arrestations, gardes-à-vue et six-cents jours de prison… Ton répertoire, je l’avais encensé, voilà vingt-cinq ans déjà, dans un article paru dans le mensuel Paroles et musiques, en rappelant le mot de Kateb Yacine qui t’avait surnommé «Le maquisard de la chanson». Pour ton engagement passé, je me disais et me dis toujours qu’à ta place jamais je n’aurais pu me relever des souffrances que le régime t’avait fait subir. Et tu t’étais relevé, avec dignité et une inflexible volonté. Puis, à Paris, nous nous sommes vus et revus, et partagé le sel et le pain. Je me perds dans les années, sans doute. Je ne sais même plus situer la date de ton concert au Rex, qui fut un triomphe.
Décembre 1994, alors que tu te trouvais parmi les otages dans l’Airbus détourné, par des membres du GIA, à Marignane, nous avions, ma compagne et moi, vécu de près l’angoisse de tes proches, à Paris. Une angoisse décuplée par une initiative des plus sadiques : le jour où il y eut ce coup de fil d’un fleuriste parisien annonçant la livraison d’une couronne mortuaire, au moment même où le GIGN s’apprêtait à prendre d’assaut l’avion d’Air France... Nous n’avons jamais su qui était derrière ce geste effroyable.
Le père, le chanteur et le politique
Troisième souvenir, quelques années après ton sauvetage, à Marignane : tu nous avais invités à fêter un événement familial, dans une grande maison prêtée par des amis. C’est là que je m’étais accroché avec plusieurs de tes potes kabyles, violemment agressifs à mon égard, moi, le natif de Guelma, donc, à leurs yeux, mal placé pour débattre, et encore moins de manière critique, de la question berbère !
Sept ans après, la mort va te frapper de près, pire : comme tu l’avais déclaré, «en m’assassinant, les criminels m’auraient tué une seule fois ; en s’en prenant à Ameziane, ils me tuent chaque jour, à chaque instant !». Sans preuves, l’opinion, elle, n’avait aucun doute sur les commanditaires. Comme si à travers ton fils, dont la mort ne sera jamais élucidée par la police française, on avait voulu te faire payer ton engagement et, surtout, ton insoumission : quelques mois plus tôt, tu avais publié La question kabyle. Un livre que j’avais emporté dans ma valise au Québec, où j’étais invité pour le «Festival international de poésie» de Trois-Rivières. Le soir de la clôture, les organisateurs m’avaient demandé si j’avais un nom de poète algérien à leur suggérer pour leur prochaine édition. Je n’avais pas réfléchi longtemps pour leur proposer ton nom. Comme il avait fallu te présenter, il y eut une hésitation : ils cherchaient un poète, pas un chanteur. Ce à quoi je rétorquai : «Mais il est les deux à la fois, un peu comme votre Félix Leclerc !»... L’argument fit mouche. C’est ainsi que, l’année d’après, tu fus reçu en grandes pompes au Québec… Pourquoi je te raconte tout ça ? Simplement pour te dire non seulement mon amitié mais aussi le respect que j’avais pour l’artiste.
Et puis, nous nous sommes perdus de vue. Je t’ai suivi, de loin en loin, Cela fait douze ans que je ne t’ai plus croisé, Ferhat. Pardon d’avoir pris tant de détours avant de te dire ce que je pense de ces années durant lesquelles tu allais prendre un chemin miné.
Le MAKisard de La chanson
Tu as donc franchi le pas, un pas d’«aventurier de l’arche perdue», en créant le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), ce mouvement qui allait te faire passer du titre de «Maquisard de la chanson» à celui de… MAKisard.
Tu le sais mieux que personne, j’ai toujours fait mienne la cause berbère, non point comme militant mais comme citoyen algérien non berbérophone, pour qui la reconnaissance de l’antériorité de l’entité berbère est une nécessité ontologique et l’officialisation de la langue tamazight un facteur d’épanouissement de l’être algérien et non pas un facteur de division. Ce qui ne m’empêche pas de fustiger le discours berbériste, surtout lorsqu’il vire au racisme réactionnel. Dans une tribune, parue en 2004, dans Libération, sous le titre : Berbères contre cerbères (Berbères contre cerbères), j’écrivais notamment ceci : «Cette posture du pouvoir mérite d'être dénoncée massivement, non plus par les seuls Berbères mais par l'ensemble des citoyens, toutes régions confondues. Hélas, la solidarité du reste de la nation fait dramatiquement défaut au mouvement berbère. Et ce n'est pas l'incapacité de ses leaders à transcender leur ethnocentrisme réactionnel qui atténuera la désaffection de la composante arabe...».
En effet, les légitimes revendications du mouvement berbère ont besoin de l’engagement des non-Berbères, de ceux qui se disent ou se croient arabes alors que le peuple algérien dans son écrasante majorité est de souche berbère que seuls les siècles d’islamisation ont fini par en faire un peuple d’arabophones. Voilà pourquoi, sans mettre une croix, si j’ose dire, sur la langue arabe, je pense qu’il y va de l’avenir de toute l’Algérie que le pouvoir se réhabilite en réhabilitant et en assumant l’identité berbéro-arabe du peuple algérien. Mais de là à vouloir amputer le pays d’une partie de son «corps», voilà qui donne à tes revendications, cher Ferhat, le caractère d’un égarement, voire d’un délire paranoïde. Après l’autonomie, tu réclames carrément l’indépendance. Et pour ta campagne menée tambour battant, tu n’as pas hésité à chercher soutiens et parrainages partout où ton pays, l’Algérie, était craint ou mal vu. La liste est longue mais assez connue pour ne pas la décliner ici.
Conversion à «l’israélisme»
Ainsi, parmi les personnalités que tu as eu «le plaisir et l’honneur» de rencontrer en Israël, figurait un certain Jacques Kupfer. Toi, tu savais à qui tu avais affaire ; l’opinion publique, elle, ne le sait pas. Ton hôte, ancien caïd du Likoud mondial qui un jour a suggéré l’usage de l’arme nucléaire contre les Palestiniens, est connu pour ses multiples appels à raser Gaza, car, selon lui, les Gazaouis «ne sont certainement pas plus innocents que les habitants d'Hiroshima ou de Dresde !», avant de conclure : «Gaza doit devenir un champ de ruines d’où ne peuvent sortir que des gémissements !» (Quand le Likoud de France encourage la "chimiothérapie" de Gaza).
Et c’est dans la propriété de cet homme, dans le quartier chic de Bet Hakeren, à Jérusalem, que tu auras partagé le sel et rompu le pain, comme si tu étais l’hôte du chef de la djemaâ d’Illoula Oumalou, ton village natal ! L’ennemi de ton ennemi devenant ainsi ton ami, tu as fini dans les bras du Likoud. Un parti d’extrême droite. Stupéfiante conversion ! Comme je l’avais écrit, à propos de Bouâlam Sansal sur mon ancien blog de Médiapart (Cf : Salah Guemriche écrit à Boualem Sansal après ses déclarations autour de son séjour en Israël), te voilà tel un Saint-Paul qui, sur le chemin de Damas, eut la révélation christique : votre révélation à tous deux vous aura fait adhérer aux thèses les plus négationnistes en fermant les yeux sur les malheurs des Palestiniens, dont vous niez honteusement les droits, ces mêmes droits que toi, Ferhat, tu réclames pour les Kabyles au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ! Où donc est passé le Ferhat interprète en kabyle du Déserteur de Boris Vian et de l’Internationale ?
Je ne te reproche nullement de t’être rendu en Israël : je m’y étais moi-même rendu, vingt ans avant toi et avant Sansal. Sauf que moi, je n’avais pas évité Gaza et Ramallah, et c’était pour participer à une Conférence internationale sur la paix, et non pour affirmer, comme l’a fait Sansal, qu’il n’y a pas lieu de parler de colonisation en Israël ! Si cette allégeance à ce qu’Israël a de plus antidémocratique est d’une manière ou d’une autre payante, «intérêt et principal» comme dit la Cigale de la fable, elle a un autre prix : celui inhérent à toute allégeance, qu’elle soit politique ou morale.
Autant dire, cher Ferhat, qu’en t’accoquinant avec ce qu’Israël a de plus extrémiste, tu fuis une allégeance pour passer à une autre : d’un pouvoir discrétionnaire, celui du régime algérien que tu combats, à un pouvoir discriminant et colonial. En l’occurrence, tu t’inscris en droite ligne avec toute une génération spontanée qui découvre les charmes discrets de ce qu’Edgar Morin a appelé «l’israélisme». Et force est de constater que cette génération est composée essentiellement de tes supporters qui accusent, à juste raison certes, l’Etat algérien de se définir comme Etat «arabo-musulman», mais qui font du kabylo-berbérisme à l’instar de ceux qu’ils combattent et qui font de l’arabo-islamisme, comme si l'Etat algérien était musulman pour les Arabes, et arabe pour les Berbères. Cela me rappelle, comme je l’ai écrit dans ma tribune (Berbères contre cerbères), le mot de ce député arabe israélien, qui, répondant à un interlocuteur pressant, finit par lâcher : "Israël est un Etat juif et démocratique, c'est vrai : il est démocratique pour les Juifs et juif pour les Arabes."
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