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Trump : le symptôme d’un régime présidentiel US à la dérive

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  • Trump : le symptôme d’un régime présidentiel US à la dérive

    François Vergniolle de Chantal1 répond à quelques questions pour Contrepoints.

    Dans la course à l’investiture, Hillary Clinton a définitivement écarté son rival Bernie Sanders tandis que Donald Trump triomphe au sein du parti républicain, occasionnant du même coup un regain d’intérêt pour la candidature du libertarien Gary Johnson auprès des électeurs insatisfaits de l’offre politique en présence. Contrepoints a interrogé François Vergniolle de Chantal pour comprendre les enjeux de l’élection présente. François Vergniolle de Chantal est professeur des universités à l’Université Paris Diderot. Son prochain ouvrage, L’impossible présidence impériale paraîtra en 2016 aux Éditions du CNRS. Il co-dirige avec Alexandra de Hoop Scheffer la revue Politique américaine.

    Donald Trump est désormais le seul candidat en lice pour le parti républicain : donné perdant il y a quelques mois, il caracole en tête dans les sondages à présent, porté par un discours en total décalage avec les attentes politiques et médiatiques de ses alliés comme de ses ennemis. Faut-il voir dans cette candidature inattendue un danger proprement populiste contre les institutions américaines ? Ou alors, peut-on faire confiance aux institutions, et en particulier la présidence, pour « absorber » le choc d’une personnalité fort peu respectueuse des formes, qui, comme l’avait vu Tocqueville, sont au cœur d’une démocratie bien réglée ?

    La présidence américaine telle qu’elle fonctionne depuis les années 1930 est presque naturellement populiste. Certains diront plébiscitaire. Franklin Roosevelt a imposé une pratique du pouvoir présidentiel où le titulaire joue de sa popularité personnelle pour forcer la main des autres institutions, notamment le Congrès. Tous ses successeurs, républicains ou démocrates, ont inscrit leur action dans ce schéma, même s’il y a parfois quelques inflexions, plus en retrait, par exemple avec Eisenhower ou avec Carter. De ce point de vue, l’élection de Donald Trump confirmerait à nouveau cette évolution au point d’en être la caricature…

    Mais bien entendu, tous les présidents plébiscitaires depuis les années 1930 prennent le risque d’un backlash des autres institutions car la mécanique des freins et contrepoids (checks and balances) inhérente à la vie politique bloque les abus, éventuels, du titulaire de l’exécutif. Nixon a franchi la ligne rouge et le Watergate a causé sa perte. Mais aussi Reagan et l’Irangate ou G.W. Bush et la guerre en Irak. Ce backlash peut prendre un certain temps mais le pouvoir présidentiel est borné. Un président Trump serait confronté aux mêmes difficultés et il réaliserait, comme tant d’autres avant lui, qu’il ne peut pas faire grand chose de durable sans l’aval du Congrès et la collaboration de la Cour Suprême. On peut raisonnablement parier que la vitalité de la Constitution américaine serait suffisante pour pallier les excès d’un Trump.

    Les partisans et alliés de Donald Trump ne se privent pas de comparer sa campagne à celle de Ronald Reagan. Seulement, n’y a-t-il pas comme une illusion rétrospective alimentée par une certaine nostalgie conservatrice ? Peut-on vraiment comparer la stature profondément clivante de Trump à celle de Reagan ?

    Je n’ai pas vu cette comparaison. Mais tous les républicains se comparent à Ronald Reagan qui est l’idole de la droite américaine, et fut son seul leader incontesté. Il n’y a là rien de bien original. C’est une rhétorique banale. Historiquement pourtant, Reagan fut bien plus clivant que vous ne le dites. En 1980 il incarnait la droite dure et ses adversaires se moquaient de son passé d’acteur de films de second ordre. Je verrais plutôt des similitudes à ce niveau entre les deux sur ce point : des outsiders moqués par les professionnels… Mais sinon, les différences sont nombreuses, à commencer par le fait que Reagan avait une carrière d’élu derrière lui et que cela faisait presque vingt ans qu’il parcourait les cercles républicains.

    Hillary Clinton vient de remporter l’investiture démocrate face à Bernie Sanders, qui incarne l’aile gauche du parti. Elle a choisi de faire campagne à la fois sur son expérience au sein de l’exécutif et sur sa volonté de rassembler les minorités, ce qui a pour effet presque mécanique de se priver d’une partie de l’électorat représenté par Sanders, qui reste attaché aux questions de justice sociale. Cette incapacité à rassembler le Parti démocrate, tout comme l’explosion du Parti républicain, n’est-elle pas révélatrice d’une crise concernant la sélection des candidats à la présidentielle, qui finalement cherchent plus à séduire les appareils politiques que les électeurs ?

    Oui. Le problème de l’offre politique est dramatique et, comme vous le dites, le cycle 2016 l’illustre à merveille. Les Primaires ont montré que, premièrement, les responsables des partis (l’Establishment comme on dit, c’est-à-dire en gros les élus) n’ont plus la main sur le processus de sélection à la présidentielle, ouvrant ainsi la voie à des candidatures inattendues et hétérodoxes, comme celle de Donald Trump ; deuxièmement, les Primaires sont une sorte de caisse de résonance de la crise de la démocratie américaine, mêlant montée des extrêmes, hyper-médiatisation (personnalisation, « petites phrases »), omniprésence de l’argent privé et choix finaux qui semblent bien éloignés des attentes de l’électorat général, beaucoup moins idéologue que l’électorat des primaires.

    François Vergniolle de Chantal est professeur des Universités (Paris Diderot), spécialiste des institutions politiques américaines et co-dirige la revue « Politique Américaine

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