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Agir ou subir ? Un choix décisif pour être acteur de sa propre vie

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  • Agir ou subir ? Un choix décisif pour être acteur de sa propre vie

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    Avoir le sentiment de tenir les rênes de sa propre existence et d’agir en étroite relation avec son désir est essentiel pour l’épanouissement et la santé psychique de l’individu.
    Or, la société moderne ne cesse de faire l’apologie de l’affairisme et d’encourager le faire au détriment de l’action véritable. Prisonniers d’une foultitude d’injonctions aliénantes (il faut consommer, s’enrichir ) qui les détournent d’elles-mêmes, de plus en plus de personnes ont le sentiment diffus de subir leur vie. Ce constat nous amène à nous interroger afin de mieux appréhender les origines de ce positionnement intérieur et envisager les moyens d’y faire face.

    Deux modes d’être fondamentaux

    En ces temps d’affairisme, où tout un chacun, agenda surchargé en poche, est quotidiennement occupé à mille choses, de plus en plus de personnes témoignent d’une impression de subir (manque de sens, sentiment de contrainte, d’impuissance) plutôt que de vivre pleinement leur vie, laquelle semble subrepticement leur échapper. Peut-on comprendre les origines de ce positionnement intérieur ?
    Passivité et activité sont deux modes d’existence fondamentaux de l’être humain. Ces concepts prennent leur sens dans les premières années de la vie, dans le développement de la motricité corporelle puis du langage. L’existence du bébé est marquée par la vulnérabilité et la dépendance. Dans les premiers moments de sa vie3, c’est sa mère qui subvient complètement à ses besoins fondamentaux.
    Il va au fil du temps acquérir lentement son autonomie : il parvient d’abord à agripper les objets, puis commence à se déplacer pour explorer enfin l’espace autour de lui. Il développe ainsi progressivement son pôle actif et apprend à agir en fonction de ce qui l’attire (un objet, une personne, un lieu). C’est ensuite l’avènement du langage, de la possibilité de dire oui ou non et donc de faire un choix. L’enfant devient de plus en plus indépendant, agissant en fonction de ce qui l’intéresse et de manière à satisfaire ses propres besoins.
    La maturité psychique correspond au stade où la véritable indépendance est acquise. L’adulte accompli est capable de solliciter ses propres ressources pour se donner les moyens de vivre en adéquation avec ses désirs. Il a acquis un espace de liberté suffisamment large pour lui permettre d’être créatif.

    Agir ?

    Au stade adulte, la pulsion de vie est en principe prédominante et se canalise dans l’action. Mais que faut-il entendre par agir ? Précisons tout d’abord que la passivité ne se confond pas avec le fait de ne rien faire, pas plus que l’activité avec le faire. Il n’y a qu’à prendre un TGV pour un trajet de quelques heures pour se rendre compte de la dictature du faire, attitude passive et aliénante, qui règne largement aujourd’hui. Elle s’illustre particulièrement avec ce qu’on pourrait nommer une dictature de l’écran et celui de l’index (avec les écrans tactiles) où l’illusion de l’action est portée à son comble. Combien de personnes gaspillent leur temps de trajet en étant prisonnières de leur portable, leur tablette ou leur écouteur ? Quelle place reste-t-il pour le silence intérieur ou la contemplation, pour l’émergence du désir et de la pensée ?
    De fait, on ne peut que constater que la passivité est largement encouragée dans notre société moderne… L’homme du XXIe siècle est continuellement assisté, perdu sans son GPS et devenant à peu près incapable de se repérer avec une carte et son seul sens de l’orientation. C’est de plus l’ère du jetable et du tout cuit, où utiliser ses mains devient quasiment une chose incongrue : réparer un quelconque objet est aujourd’hui presque complètement obsolète, quant à le fabriquer, c’est une idée qui ne naît plus que rarement dans un cerveau contemporain !
    Sur le plan de la pensée, l’heure est à la paresse et au prêt-à-penser. Citons l’exemple des journaux distribués gratuitement dans le métro et qu’il ne reste plus qu’à lire en quelques minutes pour ingurgiter docilement son quota quotidien de clichés et d’images stéréotypées qui contribuent à appauvrir la pensée commune et à l’uniformiser.
    De façon plus générale encore, l’environnement de tout un chacun, conséquence de l’omniprésence des médias, est envahi en permanence par des stéréotypes : image valorisante du succès médiatique, mise au pinacle de l’argent, de la consommation. Celles-ci s’immiscent peu à peu pernicieusement dans l’esprit. Elles forment à terme un ensemble de croyances solidement ancrées dans la pensée commune, autant de diktats qui contribuent à détourner l’homme de lui-même.

    De façon métaphorique, comparer faire et agir serait un peu comme comparer bouger et danser. L’un est désincarné tandis que l’autre engage tout l’individu, la triade cœur-corps-esprit évoquée par la danseuse Jacqueline Robinson4.
    L’action véritable est ainsi reliée à la présence à soi et engage l’être dans le monde. Celle-ci est le reflet de la connexion avec notre désir, nos valeurs et nos besoins fondamentaux. Chaque action est un choix en soi porteur de sens. « En me choisissant, je choisis l’homme» dit Jean-Paul Sartre dans L’existentialisme est un humanisme, où il nous engage à prendre conscience de notre vertigineuse responsabilité pour donner pleinement du sens à nos actes.

    L’activité ou la passivité dans la vie quotidienne

    L’activité ou la passivité se traduisent par des attitudes très différentes dans notre quotidien : allumer la télé au hasard au lieu de choisir soi-même un programme ou de prendre un livre, payer pour des vacances prémâchées au lieu d’organiser soi-même son séjour, suivre ponctuellement des régimes pour se donner l’impression d’agir au lieu de reconsidérer son hygiène de vie globale etc., être dans une hyperactivité frénétique (consommation, travail etc.) au lieu de prendre le temps de vivre ce qui est essentiel pour nous. Dans chacune de ces situations, c’est l’absence de choix guidé par des aspirations réelles qui est manifeste.
    Au contraire de la plainte, ou de l’accusation – i.e. la recherche d’un responsable ou d’un bouc émissaire à nos frustrations – l’humour est une attitude de pensée hautement active qui vise à agir sur le réel pour le dédramatiser, pour se l’approprier et en faire quelque chose d’acceptable. La pièce de Gilles Ségal, En ce temps là l’amour en donne une tragique illustration, celle d’un père enfermé avec son fils dans un train vers le camp Auschwitz, qui utilise le rire comme ultime recours pour demeurer libre dans l’horreur de la déportation. Cela rejoint le point de vue de Victor Frankl5, ou de Bruno Bettelheim6, pour qui l’homme conserve toujours, même dans l’horreur des camps de concentration, une part irréductible de liberté.

    Sur le plan de la pensée, la passivité se manifeste par l’acceptation d’une idée sans questionnement ou réflexion personnelle préalable, d’où sa dangerosité potentielle. Un individu passif est en effet vulnérable pour assimiler toute information sans analyse ni remise en question là où l’individu actif va faire appel à son esprit critique pour la questionner. L’attitude active correspond à un questionnement intérieur incessant, une mise en relation des connaissances qui n’est autre que la pensée elle-même.

    Les racines de la passivité

    Passif vient du latin patio, qui signifie souffrir, subir. Spinoza avait déjà noté en son temps le lien étroit entre le développement de l’être et l’état psychique. Selon l’illustre philosophe Hollandais, l’étouffement de l’être, et donc en terme psychanalytique, du désir, se traduit nécessairement par un état de tristesse tandis que son développement conduit à la joie.
    La racine sub (i.e. sous) du verbe subir suggère de plus une domination, une influence qui agit dans l’ombre. En d’autres termes, il existe une soumission à quelque chose d’extérieur à soi qui gouverne l’individu à ses dépens : ce sont l’ensemble des croyances, des injonctions parentales ou sociétales inconscientes qui empiètent sur le libre arbitre et aliènent le sujet. Celui-ci est alors condamné à être étranger à lui-même, à ne pas accueillir son destin : il est agi plutôt qu’il n’agit lui-même et est ainsi réduit à une sous-mission.
    L’individu est mû par des croyances et reproduit des conduites dénuées de sens à ses yeux.

    La comparaison avec les stades d’évolution de l’enfant dans la théorie freudienne nous montre que c’est en fait une attitude très régressive. L’assimilation correspond en effet à la phase embryonnaire et orale de la matrice maternelle et la reproduction à la matrice parentale, soit approximativement de 6 mois à 6 ans (i.e. pendant les phases anale et phallique)7. Cette constatation amène un questionnement : la société actuelle ne favoriserait-elle pas un stade régressif ? Encourage-elle réellement l’accession à l’âge adulte ?

    Ainsi, la passivité n’est autre que cette absence de connexion réelle entre soi et soi. À défaut de ce souffle intérieur, l’individu va tenter de combler ce vide existentiel par de faux désirs et par des pseudo-actions, sans liens réels avec sa singularité : achats compulsifs, ambition professionnelle démesurée, divertissement au sens pascalien du terme de tout ce qui nous détourne de l’essentiel. La consommation à outrance, par exemple, est un leurre. Elle donne à l’individu une impression d’activité fictive, l’illusion de maîtriser sa vie en agissant dans l’objectif de son bien-être. Mais c’est justement sur ce point que le bât blesse, puisque ce n’est nullement l’être qui est ici le moteur de l’action.
    La quête effrénée de jouissance à tout prix, un des leitmotivs de la société actuelle, est un autre miroir aux alouettes. Si le plaisir des sens est essentiel au bien-être et à l’équilibre, il n’est néanmoins pas suffisant pour satisfaire pleinement l’individu. Victor Frankl, psychiatre rescapé des camps d’extermination nazis, a souligné dans toute son oeuvre l’importance cruciale du sens chez l’être humain. Il faut donc que nos actions aient du sens et pour cela il est nécessaire de comprendre ce qui est essentiel à nos yeux.
    Dernière modification par haddou, 12 juin 2016, 09h35.

  • #2
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    Psychanalyste.
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    Psychologue clinicien, psychanalyste.
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    Dans les phases embryonnaire puis orale (matrice maternelle).
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    Jaqueline Robinson , « Danse Chemin d’éducation », Auto-édité (1993).
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    Viktor Frankl, « Man’s search for himself », Éditions Beacon Press (2006) ; “The Will to meaning, Foudations and Applications of Logotherapy », Éditions Meridian (1988).
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    Bruno Bettleheim, « Le coeur conscient », Édition Robert Laffont (1975).
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    M.N. Cugnot, L’univers quantique du psychisme et de la psychanalyse, Éditions L’Harmattan (2000).
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