Réapparu à la surprise générale il y a trois mois, l'ancien ministre et ex-patron de Sonatrach se rêve en successeur d'Abdelaziz Bouteflika. Mais en a-t-il pour autant fini avec la justice ?
À LIRE AUSSI
Algérie : Toufik snobe Khelil
Algérie : l’épouse de Chakib Khelil épinglée par les "Panama Papers"
Algérie : qu’est-ce qui fait courir Chakib Khelil ?
«Je souhaite être candidat à l’élection présidentielle. Aidez-moi… » Quand Chakib Khelil, ministre de l’Énergie et des Mines entre 1999 et 2010, a débarqué en ce mois d’avril 2016 au domicile du colonel Amar Benaouda, à Annaba, ce dernier était loin d’imaginer que son hôte allait le solliciter pour l’aider à gravir les marches d’El Mouradia, siège de la présidence.
Manifestement surpris par cette démarche, le maître des lieux, aussi madré que rompu aux arcanes du pouvoir, décline l’invite avec la ruse des vieux briscards : « Oh, vous savez, moi, maintenant, je m’occupe plutôt d’écrire l’histoire de la révolution. »
Chakib Khelil sollicitant la bénédiction du maquisard Amar Benaouda, voilà qui relève d’un évident calcul politique. À 91 ans, le colonel est le dernier des chefs historiques de la guerre de libération. Au début des années 1980, il avait présidé la commission de discipline du FLN chargée de réunir les preuves permettant de poursuivre en justice plusieurs apparatchiks, dont un certain Abdelaziz Bouteflika, chef de la diplomatie sous les présidents Ben Bella et Boumédiène.
Alliances symboliques
Condamné en 1983 par la Cour des comptes pour mauvaise gestion des comptes secrets du ministère des Affaires étrangères, Bouteflika sera réhabilité plus tard et réintégré au sein du FLN. Ironie du sort, le 27 avril 1999, lors de la prestation de serment du nouveau président, ce fut donc l’ex-procureur Amar Benaouda qui, en pleurs, remit à celui-ci le Wissam de la République (équivalent de la Légion d’honneur). Éclatante revanche sur celui qui avait mené la chasse aux sorcières au nom de la « déboumédiènisation ».
Il y a, dans la démarche de Khelil auprès de Benaouda, comme un désir de refaire le match. Car, tout comme son ami d’enfance Bouteflika, Khelil a été inculpé par la justice pour des faits de corruption présumée. Et lui aussi souhaite obtenir aujourd’hui le soutien d’une figure tutélaire de la guerre d’indépendance. Le candidat Bouteflika ne s’était-il pas appuyé notamment sur la famille révolutionnaire pour conquérir le pouvoir en 1999 ?
À l’instar du président, qui s’y rendait fréquemment après sa longue « traversée du désert », Khelil, 76 ans, fait maintenant la tournée des zaouias, ces puissantes confréries religieuses inscrites dans l’ADN du système.
À LIRE AUSSI :Algérie : le retour en grande pompe de Chakib Khelil suscité un tollé
Si l’on avait dit, au début de l’année, à n’importe quel quidam que Khelil allait revenir en Algérie en toute liberté, courir les plateaux de télévision, faire des pèlerinages dans les zaouias et prétendre à la succession de Bouteflika, nul doute qu’il aurait pouffé de rire. C’est que, avant son come-back, le 17 mars, au bout de trois ans d’exil aux États-Unis, l’intéressé faisait encore l’objet de plusieurs chefs d’inculpation retenus contre lui par un juge d’instruction du tribunal d’Alger en août 2013.
Tourments judiciaires
Des mandats d’arrêt internationaux ont même été délivrés contre lui, son épouse, Najat Arafat, leurs deux enfants, Sina et Khaldoun, et contre plusieurs autres intermédiaires. Certes, le mandat contre Khelil a été retiré deux jours plus tard pour vice de forme, mais les chefs d’inculpation, eux, n’ont pas été levés…
Selon le procureur général Belkacem Zeghmati, qui a été démis de ses fonctions en septembre 2015, tous les prévenus se sont rendus coupables d’enrichissement illicite dans le cadre de contrats accordés par le groupe pétrolier Sonatrach au moment où Khelil dirigeait le secteur des hydrocarbures. Tous ont été inculpés pour « corruption, blanchiment d’argent, conclusion de contrats contraires à la réglementation, abus de pouvoir et constitution de bandes criminelles organisées ».
Longtemps avant cette mise en examen, le nom de Khelil avait déjà été cité par plusieurs accusés dans le cadre de ce que l’on appelle l’affaire Sonatrach 1, dont le procès s’est achevé en février 2016.
En Italie, où les magistrats enquêtent sur 198 millions d’euros de commissions liées à sept contrats de 8 milliards d’euros obtenus en Algérie par la firme italienne Saipem, Khelil et son épouse sont également soupçonnés d’être de possibles bénéficiaires de pots-de-vin qui auraient été versés par l’homme d’affaires franco-canadien Farid Bedjaoui.
À LIRE AUSSI :Algérie : la fortune baladeuse de Chakib Khelil
Aux États-Unis, le nom de Khelil pourrait aussi apparaître dans les radars des juges dans le cadre d’une enquête lancée par le FBI et le département de la Justice sur deux contrats décrochés, entre 2008 et 2009, par les firmes sud-coréennes Samsung et Hyundai auprès de Sonatrach pour 1,8 milliard de dollars. Selon les enquêteurs, ces marchés auraient donné lieu à des versements de dizaines de milliers de dollars de bakchich à des proches de l’ancien ministre.
Khelil était donc cerné, et personne n’aurait parié un dollar sur son avenir. De lui, on disait qu’il finirait sa vie au mieux en exil aux États-Unis, au pire derrière les barreaux. Il n’en sera rien. Et ses compatriotes assistent aujourd’hui, médusés, à un retournement de situation inattendu. Blanchi, Khelil se rêve désormais en successeur de Bouteflika, 79 ans, dont le quatrième mandat s’achève dans moins de trois ans.
Comment Khelil, que tous ses anciens collègues ou partenaires décrivent comme intelligent, posé, affable, compétent, assez réservé, est-il devenu ce qu’un ambassadeur américain a qualifié, dans une note secrète de février 2010 révélée par WikiLeaks, de principal responsable de la « corruption en Algérie » ? « Nous avons deux savants. Ce sont des hommes d’État. Ils vont tout régler. Je leur ai demandé de rentrer au pays », avait déclaré Bouteflika à l’un de ses conseillers un mois après son élection, en avril 1999.
Il faisait allusion à Chakib Khelil et à Abdelhamid Temmar, tous deux natifs d’Oujda, comme le président, et amis d’enfance de ce dernier. Les familles Khelil et Bouteflika avaient tissé de profonds liens d’amitié, et le père de Temmar n’était autre que le professeur d’arabe du jeune Abdelaziz.
Dans les années 1970, avant de rejoindre la Banque mondiale comme expert dans la division Amérique latine, Khelil était cadre à la Sonatrach, puis conseiller à la présidence sous Boumédiène. À l’époque déjà, la redoutable Sécurité militaire (SM) avait émis un avis défavorable sur son recrutement car elle estimait que l’ingénieur diplômé de la Texas A&M University était trop proche des milieux pétroliers américains.
À LIRE AUSSI :Algérie : corruption à Sonatrach, le système Chakib Khelil
Dès sa nomination comme ministre de l’Énergie et des Mines, en décembre 1999, Khelil énonce sa doctrine : la refonte du statut du groupe pétrolier national. « Il faut envisager la possibilité d’ouvrir le capital de Sonatrach au privé », dit-il à l’un de ses collaborateurs. Il met en place une équipe d’experts algériens, en liaison étroite avec l’Américain Robert W. Pleasant, juriste spécialisé dans les questions pétrolières et intime de Khelil, qu’il avait côtoyé à la Banque mondiale.
Khelil était le seul membre du gouvernement qui pouvait entrer dans le bureau présidentiel sans protocole
Un intouchable de Bouteflika
Le panel a une mission : élaborer une nouvelle loi sur les hydrocarbures. « Le ministre entendait mettre en pratique les théories ultralibérales qu’il avait préconisées pour le Pérou, le Venezuela ou l’Argentine, confie l’un de ces experts. C’est-à-dire la privatisation du secteur pétrolier. » En Algérie, où Sonatrach assure 98 % des ressources en devises, le sujet est extrêmement sensible. Qu’importe ! Chakib Khelil jouit de la confiance absolue du chef de l’État.
« Il était son chouchou, juge un conseiller d’El Mouradia. Quand le président parlait de lui, il évoquait davantage l’ami que le ministre. Khelil était le seul membre du gouvernement qui pouvait entrer dans le bureau présidentiel sans protocole. À chaque remaniement, Bouteflika élaborait une short list d’intouchables. Khelil y figurait en tête. »
Il était fasciné par le pouvoir et aimait qu’on lui obéisse
C’est que le chef de l’État, qui a donné des gages aux Américains pour libéraliser le secteur des hydrocarbures, souhaite que cette loi soit finalisée et adoptée avant la fin de son premier mandat. Selon des confidences de l’ex-ambassadeur des États-Unis à Alger Robert S. Ford, Bouteflika avait reçu, lors d’un voyage en 2001 à Washington, les patrons des plus grandes compagnies américaines pour évoquer sa nouvelle doctrine sur les hydrocarbures. « Ces firmes ont commencé à préparer leurs business plans pour l’Algérie, raconte Ford à une connaissance algérienne. Sauf que les engagements n’ont pas été honorés. »
À LIRE AUSSI :Algérie : non, Chakib Khelil n’est pas américain
Et pour cause : la loi Khelil passe mal. Le syndicat UGTA la refuse, et Ali Benflis, chef du gouvernement entre 2000 et 2003, la rejette en présence du président. Même l’autre ami de Bouteflika, Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur pendant dix ans, n’en veut pas.
« Cette loi n’est pas conforme à la Constitution en matière de mise à disposition des richesses du sous-sol », dira-t-il un jour en Conseil des ministres en insistant pour que sa remarque soit consignée dans le procès-verbal. Quant au patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le tout-puissant général Mohamed Mediène, alias Toufik, qui sera limogé en septembre 2015, il s’y oppose clairement sans jamais l’assumer publiquement.
À LIRE AUSSI :Algérie : entre Bouteflika et Toufik, une pomme de discorde nommée Khelil
Louisa Hanoune, la patronne du Parti des travailleurs (PT), n’est pas en reste. Au cours d’un tête-à-tête de quatre heures avec Bouteflika, elle l’adjure de renoncer à cette loi et éreinte Khelil. Mais le raïs ne bronche pas.
À LIRE AUSSI
Algérie : Toufik snobe Khelil
Algérie : l’épouse de Chakib Khelil épinglée par les "Panama Papers"
Algérie : qu’est-ce qui fait courir Chakib Khelil ?
«Je souhaite être candidat à l’élection présidentielle. Aidez-moi… » Quand Chakib Khelil, ministre de l’Énergie et des Mines entre 1999 et 2010, a débarqué en ce mois d’avril 2016 au domicile du colonel Amar Benaouda, à Annaba, ce dernier était loin d’imaginer que son hôte allait le solliciter pour l’aider à gravir les marches d’El Mouradia, siège de la présidence.
Manifestement surpris par cette démarche, le maître des lieux, aussi madré que rompu aux arcanes du pouvoir, décline l’invite avec la ruse des vieux briscards : « Oh, vous savez, moi, maintenant, je m’occupe plutôt d’écrire l’histoire de la révolution. »
Chakib Khelil sollicitant la bénédiction du maquisard Amar Benaouda, voilà qui relève d’un évident calcul politique. À 91 ans, le colonel est le dernier des chefs historiques de la guerre de libération. Au début des années 1980, il avait présidé la commission de discipline du FLN chargée de réunir les preuves permettant de poursuivre en justice plusieurs apparatchiks, dont un certain Abdelaziz Bouteflika, chef de la diplomatie sous les présidents Ben Bella et Boumédiène.
Alliances symboliques
Condamné en 1983 par la Cour des comptes pour mauvaise gestion des comptes secrets du ministère des Affaires étrangères, Bouteflika sera réhabilité plus tard et réintégré au sein du FLN. Ironie du sort, le 27 avril 1999, lors de la prestation de serment du nouveau président, ce fut donc l’ex-procureur Amar Benaouda qui, en pleurs, remit à celui-ci le Wissam de la République (équivalent de la Légion d’honneur). Éclatante revanche sur celui qui avait mené la chasse aux sorcières au nom de la « déboumédiènisation ».
Il y a, dans la démarche de Khelil auprès de Benaouda, comme un désir de refaire le match. Car, tout comme son ami d’enfance Bouteflika, Khelil a été inculpé par la justice pour des faits de corruption présumée. Et lui aussi souhaite obtenir aujourd’hui le soutien d’une figure tutélaire de la guerre d’indépendance. Le candidat Bouteflika ne s’était-il pas appuyé notamment sur la famille révolutionnaire pour conquérir le pouvoir en 1999 ?
À l’instar du président, qui s’y rendait fréquemment après sa longue « traversée du désert », Khelil, 76 ans, fait maintenant la tournée des zaouias, ces puissantes confréries religieuses inscrites dans l’ADN du système.
À LIRE AUSSI :Algérie : le retour en grande pompe de Chakib Khelil suscité un tollé
Si l’on avait dit, au début de l’année, à n’importe quel quidam que Khelil allait revenir en Algérie en toute liberté, courir les plateaux de télévision, faire des pèlerinages dans les zaouias et prétendre à la succession de Bouteflika, nul doute qu’il aurait pouffé de rire. C’est que, avant son come-back, le 17 mars, au bout de trois ans d’exil aux États-Unis, l’intéressé faisait encore l’objet de plusieurs chefs d’inculpation retenus contre lui par un juge d’instruction du tribunal d’Alger en août 2013.
Tourments judiciaires
Des mandats d’arrêt internationaux ont même été délivrés contre lui, son épouse, Najat Arafat, leurs deux enfants, Sina et Khaldoun, et contre plusieurs autres intermédiaires. Certes, le mandat contre Khelil a été retiré deux jours plus tard pour vice de forme, mais les chefs d’inculpation, eux, n’ont pas été levés…
Selon le procureur général Belkacem Zeghmati, qui a été démis de ses fonctions en septembre 2015, tous les prévenus se sont rendus coupables d’enrichissement illicite dans le cadre de contrats accordés par le groupe pétrolier Sonatrach au moment où Khelil dirigeait le secteur des hydrocarbures. Tous ont été inculpés pour « corruption, blanchiment d’argent, conclusion de contrats contraires à la réglementation, abus de pouvoir et constitution de bandes criminelles organisées ».
Longtemps avant cette mise en examen, le nom de Khelil avait déjà été cité par plusieurs accusés dans le cadre de ce que l’on appelle l’affaire Sonatrach 1, dont le procès s’est achevé en février 2016.
En Italie, où les magistrats enquêtent sur 198 millions d’euros de commissions liées à sept contrats de 8 milliards d’euros obtenus en Algérie par la firme italienne Saipem, Khelil et son épouse sont également soupçonnés d’être de possibles bénéficiaires de pots-de-vin qui auraient été versés par l’homme d’affaires franco-canadien Farid Bedjaoui.
À LIRE AUSSI :Algérie : la fortune baladeuse de Chakib Khelil
Aux États-Unis, le nom de Khelil pourrait aussi apparaître dans les radars des juges dans le cadre d’une enquête lancée par le FBI et le département de la Justice sur deux contrats décrochés, entre 2008 et 2009, par les firmes sud-coréennes Samsung et Hyundai auprès de Sonatrach pour 1,8 milliard de dollars. Selon les enquêteurs, ces marchés auraient donné lieu à des versements de dizaines de milliers de dollars de bakchich à des proches de l’ancien ministre.
Khelil était donc cerné, et personne n’aurait parié un dollar sur son avenir. De lui, on disait qu’il finirait sa vie au mieux en exil aux États-Unis, au pire derrière les barreaux. Il n’en sera rien. Et ses compatriotes assistent aujourd’hui, médusés, à un retournement de situation inattendu. Blanchi, Khelil se rêve désormais en successeur de Bouteflika, 79 ans, dont le quatrième mandat s’achève dans moins de trois ans.
Comment Khelil, que tous ses anciens collègues ou partenaires décrivent comme intelligent, posé, affable, compétent, assez réservé, est-il devenu ce qu’un ambassadeur américain a qualifié, dans une note secrète de février 2010 révélée par WikiLeaks, de principal responsable de la « corruption en Algérie » ? « Nous avons deux savants. Ce sont des hommes d’État. Ils vont tout régler. Je leur ai demandé de rentrer au pays », avait déclaré Bouteflika à l’un de ses conseillers un mois après son élection, en avril 1999.
Il faisait allusion à Chakib Khelil et à Abdelhamid Temmar, tous deux natifs d’Oujda, comme le président, et amis d’enfance de ce dernier. Les familles Khelil et Bouteflika avaient tissé de profonds liens d’amitié, et le père de Temmar n’était autre que le professeur d’arabe du jeune Abdelaziz.
Dans les années 1970, avant de rejoindre la Banque mondiale comme expert dans la division Amérique latine, Khelil était cadre à la Sonatrach, puis conseiller à la présidence sous Boumédiène. À l’époque déjà, la redoutable Sécurité militaire (SM) avait émis un avis défavorable sur son recrutement car elle estimait que l’ingénieur diplômé de la Texas A&M University était trop proche des milieux pétroliers américains.
À LIRE AUSSI :Algérie : corruption à Sonatrach, le système Chakib Khelil
Dès sa nomination comme ministre de l’Énergie et des Mines, en décembre 1999, Khelil énonce sa doctrine : la refonte du statut du groupe pétrolier national. « Il faut envisager la possibilité d’ouvrir le capital de Sonatrach au privé », dit-il à l’un de ses collaborateurs. Il met en place une équipe d’experts algériens, en liaison étroite avec l’Américain Robert W. Pleasant, juriste spécialisé dans les questions pétrolières et intime de Khelil, qu’il avait côtoyé à la Banque mondiale.
Khelil était le seul membre du gouvernement qui pouvait entrer dans le bureau présidentiel sans protocole
Un intouchable de Bouteflika
Le panel a une mission : élaborer une nouvelle loi sur les hydrocarbures. « Le ministre entendait mettre en pratique les théories ultralibérales qu’il avait préconisées pour le Pérou, le Venezuela ou l’Argentine, confie l’un de ces experts. C’est-à-dire la privatisation du secteur pétrolier. » En Algérie, où Sonatrach assure 98 % des ressources en devises, le sujet est extrêmement sensible. Qu’importe ! Chakib Khelil jouit de la confiance absolue du chef de l’État.
« Il était son chouchou, juge un conseiller d’El Mouradia. Quand le président parlait de lui, il évoquait davantage l’ami que le ministre. Khelil était le seul membre du gouvernement qui pouvait entrer dans le bureau présidentiel sans protocole. À chaque remaniement, Bouteflika élaborait une short list d’intouchables. Khelil y figurait en tête. »
Il était fasciné par le pouvoir et aimait qu’on lui obéisse
C’est que le chef de l’État, qui a donné des gages aux Américains pour libéraliser le secteur des hydrocarbures, souhaite que cette loi soit finalisée et adoptée avant la fin de son premier mandat. Selon des confidences de l’ex-ambassadeur des États-Unis à Alger Robert S. Ford, Bouteflika avait reçu, lors d’un voyage en 2001 à Washington, les patrons des plus grandes compagnies américaines pour évoquer sa nouvelle doctrine sur les hydrocarbures. « Ces firmes ont commencé à préparer leurs business plans pour l’Algérie, raconte Ford à une connaissance algérienne. Sauf que les engagements n’ont pas été honorés. »
À LIRE AUSSI :Algérie : non, Chakib Khelil n’est pas américain
Et pour cause : la loi Khelil passe mal. Le syndicat UGTA la refuse, et Ali Benflis, chef du gouvernement entre 2000 et 2003, la rejette en présence du président. Même l’autre ami de Bouteflika, Yazid Zerhouni, ministre de l’Intérieur pendant dix ans, n’en veut pas.
« Cette loi n’est pas conforme à la Constitution en matière de mise à disposition des richesses du sous-sol », dira-t-il un jour en Conseil des ministres en insistant pour que sa remarque soit consignée dans le procès-verbal. Quant au patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le tout-puissant général Mohamed Mediène, alias Toufik, qui sera limogé en septembre 2015, il s’y oppose clairement sans jamais l’assumer publiquement.
À LIRE AUSSI :Algérie : entre Bouteflika et Toufik, une pomme de discorde nommée Khelil
Louisa Hanoune, la patronne du Parti des travailleurs (PT), n’est pas en reste. Au cours d’un tête-à-tête de quatre heures avec Bouteflika, elle l’adjure de renoncer à cette loi et éreinte Khelil. Mais le raïs ne bronche pas.
Commentaire