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La Tunisie : ce pays qu'il ne faut pas oublier

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  • La Tunisie : ce pays qu'il ne faut pas oublier

    La Tunisie doit être soutenue, politiquement, économiquement et militairement. Son effondrement serait un très mauvais signal pour le Maghreb.

    L'accord historique sur l'Iran – et il l'est – et la fin heureuse de la négociation sur la Grèce – l'avenir dira si cet accord était vraiment réaliste – ne doivent pas faire oublier la Tunisie. Il y a urgence à se soucier de ce petit pays de 11 millions d'habitants, maillon faible du Maghreb, à quelques heures de bateau de l'Italie. La Tunisie est la porte d'entrée de l'État islamique (EI) en Afrique du Nord. Que ce pays flanche, et ses deux voisins occidentaux, l'Algérie et le Maroc, n'en sortiront pas indemnes. L'Europe sera, elle aussi, secouée par ricochet (menaces djihadistes et arrivée de nouveaux réfugiés).

    Rien de surprenant, donc, à ce que, le 10 juillet 2015, les États-Unis aient accordé à la Tunisie le statut d'« allié majeur non-membre de l'Otan ». Un statut promis par Barack Obama au président Béji Caïd Essebsi lorsque celui-ci lui avait rendu visite à Washington, le 21 mai 2015. Cela va permettre à son pays (16e État, aux côtés du Maroc et de l'Égypte, à être doté de ce statut) d'accroître sa coopération militaire avec les États-Unis et d'acquérir certains armements. Tunis devrait recevoir 12 hélicoptères UH-60M, la dernière version du Black Hawk, pour remplacer ses vieux appareils.

    La Tunisie dans la stratégie américaine
    Washington veut faire d'une pierre deux coups : aider la Tunisie à lutter contre le terrorisme et se positionner à la porte de la Libye, ce « trou noir » qui inquiète les Occidentaux. Trois des responsables des tueries du musée du Bardo, à Tunis, le 18 mars, et à Port El-Kantaoui, le 26 juin (60 morts au total), sont passés par un camp d'entraînement pour Tunisiens à Sabratha. Les deux attentats ont été revendiqués par l'État islamique. Tunis veut empêcher les infiltrations venues de Libye et le départ de jeunes Tunisiens vers les camps d'entraînement libyens. Il a donc commencé à édifier un mur de terre doublé d'un fossé entre les postes de Ras Jedir et la bourgade de Dehiba, sur la frontière tuniso-libyenne. Il devrait être terminé à la fin de l'année sur 168 km d'une frontière qui en compte 520. La Libye proteste vigoureusement contre cette mesure « unilatérale » à l'efficacité probablement relative. Washington voudrait aussi disposer de facilités en Tunisie pour y installer des drones, croit savoir The Wall Street Journal. Ils permettraient de surveiller les allées et venues des djihadistes.

    5 000 Tunisiens sont engagés aujourd'hui dans le djihad
    En Tunisie, les djihadistes sont des nationaux. C'est depuis les années 90 et la répression de Ben Ali contre les « barbus » que de jeunes opposants se sont tournés vers le salafisme. Il y a toujours eu des Tunisiens dans les grands attentats à travers le monde depuis une quinzaine d'années. Ce sont de faux journalistes tunisiens qui ont tué le commandant Massoud en Afghanistan. Un groupe d'experts de l'ONU estime actuellement à 5 000 le nombre de Tunisiens engagés dans le djihad. Ils seraient 4 000 en Syrie, plus de 1 000 en Libye, 200 en Irak. 60 sont engagés au Mali et 50 au Yémen aux côtés d'Al-Qaïda. Globalement, ils forment la deuxième communauté dans le djihad au Moyen-Orient après les Saoudiens. Le Premier ministre Habib Essid vient d'annoncer que 15 000 jeunes ont été empêchés de quitter le pays.

    Autre souci : contrôler les mosquées du pays. Entre 2011 et 2013, Ansar al-charia, mouvement aujourd'hui affilié à Daech, contrôlait 500 des 5 000 mosquées. Depuis, l'État a récupéré la majorité d'entre elles, mais 80 des mosquées seraient encore hors de contrôle. Le gouvernement a promis de les fermer. La tâche n'est pas aisée. Si la Tunisie ignore évidemment le chaos dont se nourrit l'État islamique en Irak, en Syrie, en Libye, elle connaît des fragilités qu'il ne faut pas sous-estimer et qui expliquent – en partie ? – cet attrait de jeunes Tunisiens – plus qu'ailleurs apparemment – pour le salafisme, dans un pays où n'existe aucune coupure confessionnelle.

    Les facteurs aggravants conduisant au radicalisme
    Plusieurs fragilités accroissent le radicalisme salafiste tunisien. La première : la fracture du pays entre l'Est et l'Ouest. La modernisation de la côte et l'émergence d'une importante classe moyenne ont fait oublier que les régions de l'intérieur connaissent un chômage et une pauvreté à grande échelle. En décembre 2010, c'est de Sidi Bouzid, petite ville de cette région pauvre, qu'est partie la révolution, la seule des Printemps arabes qui a démarré pour des revendications sociales. Depuis, l'ouest du pays vote majoritairement en faveur d'Ennahda, le parti islamiste, la zone côtière choisit Nidaa Tounès, le parti séculier du président Béji Caïd Essebsi. Il était logique que ce soit cette région déshéritée – et proche de la frontière algérienne – qui abrite, dans les monts Chaambi, un maquis lié à Al-Qaïda. Le 10 juillet, une opération militaire a fait cinq morts parmi les islamistes armés. Dans le sud du pays, les djihadistes se réclament majoritairement de Daech.

    Des éléments inquiétants dans la structure économique
    La fracture est-ouest du pays risque de s'amplifier avec les difficultés d'une économie qui repose sur trois piliers : le tourisme, l'énergie et les phosphates. Le premier va très mal depuis l'attentat de Sousse. Les djihadistes ne s'attaquent pas aux étrangers parce qu'ils les considèrent comme des mécréants, mais parce qu'il faut les contraindre à cesser d'apporter des devises au pays et accroître ses difficultés économiques. Le second secteur, l'énergie, n'est plus aussi rentable. Tunis bénéficie des royalties tirées du transit du gaz algérien vers l'Italie via le gazoduc TransMed. Mais Rome a réduit ses achats de 50 % depuis 2011 et le prix du pétrole a été divisé par deux en neuf mois. La double peine. Quant à la Compagnie des phosphates de Gafsa, le troisième pilier, en grève à la veille du Printemps arabe, elle n'a pas retrouvé sa bonne santé.

    Qui est prêt à mourir pour la Tunisie ?
    Face à ces fragilités multiples, la Tunisie peut-elle tenir le coup si elle reste seule ?

    À l'ouest, l'armée algérienne sécurise leur frontière commune. Washington souhaiterait que les Algériens s'impliquent davantage. Ils y sont réticents. Par principe, Alger refuse de s'engager à l'étranger. Un sujet en discussion au Parlement algérien.

    Que fait la France ? Peu, apparemment, encore. Les deux pays collaborent en matière de renseignements. En mars, le ministre français de la Défense avait évoqué la livraison de matériels militaires à la Tunisie payés par les Émirats, sur le modèle des équipements français envoyés au Liban sur des fonds saoudiens. Rien n'a filtré depuis. Mais, quoi qu'il en soit, ce n'est pas ce qui incitera de jeunes Tunisiens, de tous les milieux sociaux, à cesser de rejoindre les salafistes radicaux.


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