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La dette de 17.000 milliards d’euros des entreprises chinoises va-t-elle provoquer le prochain krach mondial ?

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  • La dette de 17.000 milliards d’euros des entreprises chinoises va-t-elle provoquer le prochain krach mondial ?

    Xavier Hovasse : Un niveau supérieur à l’endettement des entreprises coréennes ou thaïlandaises avant la retentissante crise asiatique de 1997-1998.

    Évolution de la dette des entreprises par pays (BIS, BCA Research 2016)



    Pierre Sabatier : 160% est un niveau historiquement élevé pour la Chine.

    Philippe Waechter : C’est beaucoup, comparé au ratio moyen constaté dans les pays émergents, 75% d’après le Trésor américain.

    Capital.fr : Comment en est-on arrivé à un tel niveau ?

    Pierre Sabatier : La Chine, qui a suivi le modèle allemand jusqu’à la crise de 2008-2009, est passée au modèle espagnol, c’est-à-dire s’endetter pour investir. Avec un coup d’accélérateur depuis l’été 2015, les autorités ayant décidé de relancer la machine par le crédit. Cependant, ce choix n’est pas soutenable, la dette cumulée des entreprises et des ménages rapportée au PIB dépassant les niveaux européen et américain. De nombreux projets se sont révélés peu ou pas rentables, tandis que d’importantes surcapacités de production se sont formées.

    Philippe Waechter : La dette des entreprises s’est nettement accrue après le plan de relance de 2009, qui les privilégiait. Les provinces chinoises ont alors garanti cette dette par l’évolution du prix du marché immobilier local, qu’elles contrôlaient bien à l’époque. Il y a donc eu un jeu entre les entreprises, les collectivités locales et l’Etat central pour que les sociétés puissent disposer de moyens supplémentaires. Les risques sont apparus avec le passage progressif d’une économie industrielle à une économie de services, car la réallocation des ressources implique la disparition d’entreprises et de secteurs industriels. Mais aussi du fait d’un excès de construction, qui a déprimé les prix de l’immobilier dans de nombreuses régions.

    Xavier Hovasse : Dernièrement, pour contrecarrer le ralentissement de l’économie, les autorités monétaires ont mis en place un large stimulus sous la forme d’une croissance du crédit faramineuse, équivalente à 5% du PIB chinois en l’espace de deux mois à peine. Ce qui aggrave aujourd’hui encore plus la situation.

    Capital.fr : Avec le récent plan de relance de Pékin faisant la part belle à l'endettement, les autorités semblent privilégier le soutien à la croissance économique à la maîtrise du crédit. La situation d’endettement des entreprises pourrait-elle empirer dans les prochains mois et années ?

    Philippe Waechter : Au sein du gouvernement, il y a un vrai débat sur cet arbitrage entre soutien à la croissance et endettement, la baisse tendancielle de la croissance, cohérente avec le changement structurel de l’économie chinoise, ne valant pas forcément quelques points d’endettement supplémentaires.

    Xavier Hovasse : Notre principal facteur d’inquiétude est non seulement la très forte croissance du crédit mais surtout sa faible efficacité. Le montant des crédits octroyés progresse sans être accompagné d’une augmentation de la croissance à due proportion.

    Pierre Sabatier : L’explosion de la dette des entreprises ne pourrait pas se poursuivre encore plusieurs années, car ce ne serait pas soutenable.

    Capital.fr : Quelles mesures aurait intérêt à prendre Pékin pour s’attaquer au problème ?

    Pierre Sabatier : Pékin devrait abandonner les projets d’investissement insuffisamment rentables. Une récession réglerait le problème, car elle provoquerait des fermetures d’entreprises. Les acteurs restants se retrouveraient alors avec moins de concurrents, et seraient plus en mesure d’imposer leurs prix, ce qui leur permettraient de faire face à l’inflation salariale et de reconstituer leurs marges. Avec ce scénario, une classe moyenne chinoise pourrait s’installer, sur le modèle de nos 30 Glorieuses. Le pays aurait alors réussi son changement de modèle économique. Pour l’heure cependant, Pékin rechigne à passer par la case récession, qui attiserait des tensions sociales et pourrait remettre en cause le Parti communiste.

    Laurent Geronimi : En tant qu’économie administrée, la Chine peut agir rapidement sur la dette des entreprises, en exigeant des recapitalisations ou des rapprochements entre sociétés. Voire des faillites organisées.

    Philippe Waechter : La dette des entreprises pourrait être transformée en actions, mais il n’est pas sûr qu’une banque portant la dette d’une société un peu chaotique y ait intérêt. En effet, en cas de liquidation de l’entreprise, la banque n’aurait plus forcément le même rang parmi les ayant droits. Il y a aussi la nécessaire réforme des sociétés publiques pour les rendre plus profitables et rompre ainsi avec ce type d’entreprise lourde accusant parfois d’importantes surcapacités, difficile à gérer et politiquement toujours importante, notamment sur le plan local.

    Capital.fr : Quels risques font courir cette dette faramineuse à la Chine et au reste du monde ?

    Pierre Sabatier : Des faillites d’entreprises sont à craindre, portant ainsi un coup aux banques, leurs créancières. Or, un choc majeur en Chine, grande consommatrice de matières premières, aurait des répercussions sur les pays qui en exportent. D’où un regain d’aversion au risque pour les investisseurs, qui se détourneraient des actions, pour se réfugier sur les emprunts d’Etat des pays jugés les plus sûrs, comme l’Allemagne.

    Laurent Geronimi : La dette des entreprises chinoises serait moins problématique si le pays n’était pas en panne de croissance. Le risque est qu’elles deviennent des zombies, artificiellement soutenus par des banques zombies, à l’instar de ce qui se passe au Japon depuis l’éclatement de la bulle de 1989. Si un jour Pékin décidait de dévaluer le yuan pour relancer les exportations, la Chine inonderait alors le monde de produits bon marché, alimentant ainsi des pressions déflationnistes chez nous. Un scénario faisant bien plus peur qu’un éventuel Brexit…

    capital fr
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