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Comment faire aimer les maths ?

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  • Comment faire aimer les maths ?

    Des modèles psychopédagogiques émergent pour reconnecter les jeunes 
avec les mathématiques, jugées particulièrement anxiogènes.

    La France, championne en maths ? Le constat est tentant, après la remise d’une nouvelle médaille Fields en août 2014 au franco-brésilien Artur Avila, quatre ans après celle de Cédric Villani. Cette success-story ne doit cependant pas masquer la réalité moins riante qui touche les plus jeunes. Le dernier rapport Pisa de 2013 a non seulement révélé le recul de la France dans le classement, mais a souligné le malaise des élèves de 15 ans. 43 % se disent perdus et plus de 50 % s’avouent tendus face à un devoir. Ce ressenti est encore plus négatif chez les jeunes issus de milieux modestes et chez les filles, lesquelles se sentent « moins sûres de leurs compétences* » que les garçons. Peut-on rendre cette matière moins anxiogène, plus gratifiante, plus amusante aussi ? C’est possible, de nombreux experts y travaillent. 

    
Les neurosciences au secours des élèves


    « Faux ! », « Manque de travail »…, des appréciations redoutées, du CP à la terminale. L’erreur, pourtant, serait bien humaine et dépendante de conditionnements émotionnels autant qu’intellectuels, loin de la pure rationalité de l’exercice. Après la théorisation par Mark Ashcraft de « l’anxiété mathématique » interférant avec les performances cognitives, les chercheurs Ian Lyons et Sian Beilock de l’université de Chicago (1) ont montré que l’anticipation, ou la seule idée de faire des maths, active une zone de la douleur dans le cerveau chez beaucoup. Le défilé des élèves à l’infirmerie avant un contrôle et les mauvais résultats ont trouvé leur alibi. Mais les émotions ne sont pas seules en cause. Après vingt ans de recherches, Olivier Houdé, professeur de psychologie à l’université Paris‑V, vient de publier la synthèse de ses travaux (2) sur les pièges cognitifs. Menées sur des milliers de volontaires en maternelle et primaire, ses investigations ont révélé l’interférence de trois systèmes cognitifs. Le premier est centré sur les automatismes (évaluer en un coup d’œil des quantités, des distances…), le second sur la maîtrise des règles, et le troisième sur l’arbitrage entre les deux premiers grâce au cortex préfrontal. À condition d’être bien stimulé, ce dernier bride les automatismes sémantiques ou perceptifs qui perturbent l’application des règles logicomathématiques. Or, il ne le serait pas suffisamment. Mobiliser ce système s’apprend, pourtant, comme l’affirme O. Houdé dans son dernier livre Apprendre à résister (2014). Par exemple, en maternelle, le tableau d’équivalence montrant le nombre 3 en face d’une image comportant trois éléments alignés doit être complété par une autre image avec les mêmes éléments mais rangés différemment. L’enfant dépasse ainsi l’impression que ces éléments sont plus nombreux quand ils sont plus espacés et il le vérifie en comptant. Il « résiste » à l’automatisme « longueur égale nombre ». À chaque niveau scolaire, une approche spécifique propose un module expérimental aux enseignants. Reste à compléter les outils méthodologiques par des stimuli affectifs adaptés, le siège des émotions étant proche du système d’arbitrage dans le cerveau. « Pour bien résister aux automatismes, l’enfant a besoin, jusqu’à 11-12 ans, d’un feedback positif sur son travail. Mais au collège, on peut commencer à lui renvoyer un feedback négatif, du style “tu aurais pu mieux faire”, qui montre une marge de progression et réveille l’orgueil », d’après O. Houdé. Et ce n’est pas tout. Il faudrait expliquer comment fonctionne le cerveau. Les élèves sont curieux et s’ils sont bien informés, ils comprennent mieux pourquoi ils se trompent… pour finalement se tromper moins. Voilà de quoi déjouer la peur de rater et encourager l’élève à comprendre son cerveau pour résoudre un problème… bref, à faire des maths sans stress.


    Ces découvertes valident la démarche de la psychopédagogue Stella Baruk qui travaille depuis longtemps sur l’erreur due à l’interférence entre la langue usuelle et la langue mathématique, entre le nombre pris comme quantité et le nombre conçu comme idée. Le but étant de pouvoir s’extraire d’un contexte quotidien et des perceptions trompeuses signalées par O. Houdé. La chercheuse intervient régulièrement dans les classes pour travailler avec des enseignants et en profite pour replacer les maths dans l’histoire, comme dans son dernier ouvrage, Nombres à compter et à raconter (2014). Qui est, par exemple, Pythagore ? Pourquoi et comment a-t-il découvert son théorème ? Qu’est-ce que ça a changé pour les hommes ? Un cheminement permettant de mieux assimiler une règle mathématique. Car tout prend sens !



    Du jeu à la recherche


    Ce décloisonnement semble aussi essentiel à Marie-José Pestel, présidente du Comité international des jeux mathématiques. « Il faudrait montrer le rôle des maths en astronomie, en art… et surtout faire place au jeu. Le jeu de Hex, le jeu du Blocus, les échecs, entre autres, incitent à trouver des stratégies gagnantes, à combiner des raisonnements mathématiques avec la manipulation de pièces et leur représentation dans l’espace. » Un bénéfice prouvé ? Bientôt. « Des études sont en cours pour évaluer l’approche de la numération par un jeu de bataille aménagé avec des élèves de grande section de maternelle », rapporte le chercheur en psychologie Michel Fayol de l’université de Clermont-Ferrand, auteur de L’Acquisition du nombre (2013). « Les premières observations montrent des résultats encourageants. » C’est une première étape avant un éventuel élargissement de la pédagogie par le jeu à l’école. « Mais il est aussi important de la développer dans les grandes classes et de jouer en faisant des maths. Les rallyes mathématiques en plein essor, où les jeunes s’affrontent en relevant des défis, vont dans ce sens. C’est amusant, motivant et cela place les élèves en position de chercheurs », insiste M.‑J. Pestel. Pour les rapprocher des vrais chercheurs ? Idéalement, et d’ailleurs les initiatives se multiplient, comme s’y emploie, par exemple, l’association Maths en jean qui coordonne des ateliers de recherche, du primaire à l’université. Pour la mathématicienne Laure Saint-Raymond, membre de l’Académie des sciences, « les bonnes idées ne manquent pas pour faire aimer les maths, mais leur application reste dépendante de la volonté individuelle des enseignants ». Problème d’organisation, de classes surchargées, de moyens ? Tout en même temps. « Résultat, on ne fait pas vraiment de maths avant un stade universitaire avancé. Il faudrait donner une idée plus juste aux jeunes de ce qu’est cette discipline, par exemple en leur proposant systématiquement d’interagir avec des chercheurs », dit-elle. Commençons par remettre aux élèves les bons outils pour raisonner et par éveiller leur curiosité autant que leur plaisir, avant de leur faire découvrir le vrai mystère des équations.

    TROIS CHIFFRES

    22,3 % des élèves de 15 ans sont trop faibles en maths pour résoudre des problèmes simples de la vie quotidienne.

    45 % des élèves français 
ont des « compétences fragiles » en mathématiques. 

    40 000 élèves sont touchés chaque année par l’innumérisme (équivalent de l’illettrisme pour
le calcul), parce qu’ils décrochent de cette discipline.


    Sciences humaines
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