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Boeing, Airbus... Le jeu trouble des États-Unis en Iran

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  • Boeing, Airbus... Le jeu trouble des États-Unis en Iran

    Alors que Boeing a signé ce week-end avec Téhéran un accord pour l'achat de 100 avions, Airbus attend toujours que le Trésor américain valide la vente de 118 de ses avions annoncée en janvier.

    Airbus est-il en train de se faire doubler par Boeing en Iran? L'avionneur américain et Téhéran sont tombés d'accord sur un méga-contrat de 17 milliards de dollars portant sur l'achat de 100 avions a indiqué dimanche 19 juin le directeur de l'aviation civile iranienne. Cinq mois après l'annonce d'un accord trouvé entre Airbus et Iran Air pour la vente de 118 avions (25 milliards de dollars), Boeing refait ainsi son retard sur son rival. Les deux avionneurs n'attendent plus que l'agrément du Trésor américain pour finaliser la transaction. Et c'est là où le bât blesse. Les États-Unis qui interdisent toutes les transactions en dollar avec l'Iran et veillent scrupuleusement à sanctionner les sociétés qui violent l'embargo américain, via l’Office of foreign assets control (OFAC), véritable bras armé de la politique économique américaine, sont accusés de ne pas jouer franc-jeu.

    "Les USA sont en train de jouer un double jeu pour favoriser Boeing, réagit Kourosh Shamlou, fondateur du cabinet d'avocats franco-iranien Shamlou. Le Trésor américain n'a toujours pas donné de réponse à Airbus depuis cinq mois. En bloquant Airbus il permet à Boeing de refaire son retard". Un sentiment partagé par plusieurs banquiers d'affaires. "Depuis le début de l'année les USA envoient des signaux contradictoires, réagit l'un d'eux, bon connaisseur de l'Iran. Le président de l'OFAC (Adam J. Szubin, Ndlr) est venu à Paris mi-juin et il nous a tenu un discours très strict sur les sanctions. Quelques jours plus tôt John Kerry avait quant à lui eu des propos apaisants. La position américaine n'est pas très claire. Ils maintiennent volontairement une opacité qui donne le sentiment dans le cas de Boeing qu'ils privilégient leur propre constructeur". Contacté par Challenges, le groupe Airbus se borne à affirmer "avoir bon espoir" que l'OFAC approuve "rapidement" l'accord de janvier.

    La peur du gendarme américain

    Cette situation a d'ailleurs suscité ces dernières semaines plusieurs discussions entre les autorités américaines et françaises. "Il y a un dialogue avec le Trésor américain et l’OFAC pour les amener à préciser leur régime de sanctions, à le rendre plus lisible et donc plus rassurant pour les sociétés et surtout pour le secteur bancaire qui doit financer ces projets", précise-t-on à Bercy. Symbole de cette opacité: la fameuse liste de l'OFAC intitulée "specially designated nationals", longue de 973 pages mentionnant des personnes ou des sociétés avec lesquelles il vaut mieux éviter d’avoir des relations. Celle-ci cible notamment les entreprises liées aux gardiens de la révolution, les Pasdaran, directement rattachés au "guide suprême de la révolution", l'ayatollah Ali Khamenei.

    Pour les observateurs cette liste de l'OFAC est trop large. "On y retrouve Mahan Airlines, la principale compagnie aérienne privée iranienne ou la banque publique iranienne Saderat, précise l’avocat d’affaires franco-iranien Ardavan Amir-Aslani, conseiller de PSA et Vinci en Iran. Le problème pour les banques est aussi de pouvoir vérifier l’identité du destinataire final de la transaction, et le souci est qu’il n’y a pas encore de sociétés d’intelligence économique en Iran pour faire ce travail délicat, labyrinthique. Les banques préfèrent donc ne prendre aucun risque".

    Trois banques françaises assurent des flux financiers en Iran

    Selon nos informations, en France, seules trois petites banques parisiennes – Wormser, Delubac et Martin Maurel - assurent seulement des flux financiers entre les deux pays, les autres ne bougent pas, échaudées par l'amende record infligée en 2014 par Washington à la BNP pour violation de l'embargo américain. "L’affaire BNP est un vrai traumatisme pour les banques françaises qui ne veulent prendre aucun risque à travailler en Iran avec des personnes ou des sociétés dans le viseur des Américains", réagit-on du côté du Medef International. La banque iranienne Melli, située dans le huitième arrondissement de Paris, s’est même vu refuser par les chambres de compensation françaises l’autorisation d’émettre des chèques en euros. "La peur du gendarme est forte de tous côtés" poursuit ce même banquier d'affaires. "Si rien ne bouge, la plupart des accords signés lors de la visite d'Hassan Rohani à Paris en janvier ne verront pas le jour", se désole même Ardavan Amir-Aslani.

    Ce vide bancaire est d'autant plus difficile à combler que les banques iraniennes elles-mêmes, connectées au système de paiement international Swift depuis le 1er février, connaissent des difficultés. "L’Iran dispose encore de ressources gelées et ne peut pas mobiliser l’ensemble de ses réserves, précise un dirigeant de l’une des trois banques françaises assurant des flux financiers entre les deux pays. Certaines entreprises françaises redoutent de ne pas être payées". A ces incertitudes s’ajoutent aussi le risque de rétablissement automatique des sanctions ("snap-back") si Téhéran ne respecte pas ses obligations sur le nucléaire. L’élection américaine devrait en tout cas permettre de lever quelques doutes. "Si Donald Trump est élu, les Américains ne vont pas amender leur position, bien au contraire, mais si c’est Hillary Clinton, les choses pourraient avancer" espère un banquier d’affaires.


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