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Dévaluation du dinars, subventions non ciblées... Les algériens de plus en plus pauvres

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  • Dévaluation du dinars, subventions non ciblées... Les algériens de plus en plus pauvres

    Réduire la pauvreté nécessite impérativement des données exhaustives sur le phénomène, mais aussi une définition claire des critères. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui.

    De l’aveu même des représentants du gouvernement, les pouvoirs publics ne disposent pas d’assez d’informations sur l’ampleur de ce phénomène de manière à pouvoir le juguler. La ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Mounia Meslem, a, en effet, révélé récemment l’inexistence de chiffres précis sur le nombre de nécessiteux en Algérie.

    La ministre a également souligné les difficultés de son département à définir ceux qui sont pauvres et ceux qui ne le sont pas, appelant à lancer un travail minutieux dans ce cadre dans le but de cibler les aides de l’Etat. Mme Meslem est allée plus loin, en reconnaissant que le système de solidarité nationale est inefficient.

    Ce n’est pas la première fois qu’un tel aveu est fait, mais cette fois-ci la chargée du département de la solidarité a reconnue l’inefficacité du système, alors que dans le passé, les critiques n’ont pas manqué à ce sujet de la part de chercheurs, économistes et experts. A chaque fois, le gouvernement ripostait, assurant la fiabilité dudit système. Même constat pour les subventions, que les pouvoirs publics ont toujours défendues, en dépit de leurs défaillances mises en exergue de part et d’autre.

    Et ce, d’autant qu’un tel système a beaucoup plus profité aux riches qu’aux pauvres, tel que souligné dans différentes études. Dans une analyse du ministère des Finances en mars 2015, les chiffres le montrent clairement : entre 2010 et 2015, la dépense dédiée à la population la plus aisée est de 7,4 fois celle consacrée aux couches défavorisées et 50% de la moitié de la population la moins aisée ne s’alloue que 28,7% de la part des dépenses annuelles globales.

    De leur côté, les catégories qui ne sont pas réellement dans le besoin se voient attribuer 71,3% des dépenses globales. L’ampleur de ces inégalités n’a rien changé à la politique du gouvernement pendant de longues années. Même au début de l’épisode baissier des cours du pétrole, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, insistait sur le maintien de ces aides. Cependant, au fil des mois, voire des semaines, avec la dégradation des indicateurs macroéconomiques, les pouvoirs publics commençaient à s’agiter.

    Alors qu’ils dépensaient sans contrôle, ni suivi, sans même avoir les statistiques fiables sur la pauvreté et sans profiter de l’aisance financière pour mettre en place une stratégie bien étudiée dédiée à la lutte contre la pauvreté laissant place aux détournements, comme c’est le cas chaque année pour le couffin du Ramadhan, voilà qu’aujourd’hui, l’on se rappelle la nécessité de se doter de statistiques et d’outil permettant de cibler les couches les plus défavorisées. Comment en est-on arrivés à ce stade ? Pour les experts, tout simplement parce que les critères qui permettent d’opérer un classement ne sont pas clairement explicités.

    Définir d’abord les critères de pauvreté
    Soulignant que la notion de pauvreté est relative selon les sociétés et le niveau de développement de l’économie, la structure de la société, l’économiste statisticien, Ahmed Mokaddem, notera à ce sujet : «Avant de parler du nombre de pauvres et de l’ampleur de la pauvreté, il faut d’abord définir ce qu’est un pauvre et expliciter les critères qui nous permettent de classer un individu dans cette catégorie.

    Il faudrait aussi tenir compte de la politique sociale et du régime de protection sociale en vigueur, pour définir ce qu’est un pauvre.» Abordant, le cas de l’Algérie, il poursuivra : «Il est clair que dans une économie où les transferts sociaux sont importants, le critère du revenu nominal seul ne suffit pas au classement de tel ou tel dans la catégorie de pauvre.»

    Pour notre expert, l’information statistique ne pose pas réellement problème, puisqu’il existe beaucoup d’organismes disposant de statistiques sur les démunis, notamment les communes, les agences telles que l’Agence de développement social,(ADS), l’Office national des statistiques (ONS) et les associations caritatives. Des entités capables de produire l’information recherchée sur le phénomène, en plus des enquêtes menées auprès des ménages. Le hic réside ailleurs.

    Les principaux problèmes rencontrés sont ceux relatifs aux définitions et également celui du ciblage exact des personnes nécessiteuses. «C’est là une raison expliquant les difficultés à estimer le nombre de pauvres», nous dira M. Mokaddem, pour qui le plus important est d’établir des normes et des définitions précises de ces catégories, d’initier des investigations statistiques afin de fournir des informations sur les niveaux de vie des ménages.

    Et, ce pour réussir au final à mensurer l’efficacité des programmes gouvernementaux et des politiques sociales à la lutte contre la pauvreté. Ce que mettra en exergue également l’économiste Karim Silekhal. «Pour mesurer l’efficacité d’une politique publique de lutte contre la pauvreté, les inégalités et l’exclusion, il faut d’abord que des données statistiques actualisées sur les populations les plus exposées à la pauvreté soient élaborées et analysées.

    Or celles-ci font encore défaut dans notre pays», fera-t-il remarquer, rappelant que l’absence de l’information statistique n’est pas circoncise au domaine socio-économique puisqu’il concerne aussi les chiffres relatifs aux activités économiques. «Il faut reconnaître que nous n’avons pas une forte culture de statistiques, de transparence et de bilan», soulignera-il dans le même sillage. Et d’appeler à généraliser et à développer les nouvelles technologies d’information et de communication pour assurer une construction de bases de données fiables sur la pauvreté en Algérie.

    Un point, faudrait-il le rappeler, déjà soulevé par la Banque mondiale (BM). Dans l’un de ses rapports publiés en 2014, la BM, qui s’est fixé comme double objectif de mettre fin à l’extrême pauvreté et de promouvoir une prospérité partagée d’ici 2030, a insisté sur l’utilité de disposer de données de référence nécessaires et d’instruments de mesure adéquats. Cela pour dire que le problème du manque de données sur la pauvreté n’est pas propre à l’Algérie. Et ce, d’autant que les zones d’ombre persistent, notamment sur la consommation des ménages considérés comme les principaux indices à prendre en considération dans l’étude du phénomène.

    Ce qui bloque les enquêtes des chercheurs. «Sans ces données détaillées des ménages, aucune structure ne peut prétendre détenir des chiffres exacts sur le nombre de démunis en Algérie. Les chiffres donnés par le département de la solidarité, le Croissant-Rouge ou les APC, ne reflètent pas tout à fait la réalité du terrain», a affirmé à El Watan dans l’une des contributions sur le dossier Mohamed Saib-Musette, directeur de recherches au Centre de recherches en économie appliquée au développement (CREAD). D’où l’importance de se doter d’un système statistique fiable.

    La technologie pour produire l’information
    «Il est indispensable de renforcer les systèmes de gestion des données au niveau national et de recueillir ces données de façon plus fréquente, l’enjeu étant de mieux orienter les politiques nationales et d’aider les partenaires internationaux à identifier les lacunes et hiérarchiser ainsi leurs interventions», a d’ailleurs noté la BM dans ledit document. Pour cela, faudrait-il miser sur la technologie pour collecter les données.

    «En s’efforçant de façon méthodique à incorporer la technologie à la collecte des données, notamment les techniques de cartographie, on se donne de meilleures chances d’améliorer la qualité et la fréquence de prélèvement de ces données. Les techniques de géocodage, les méthodes d’imputation, les appareils mobiles et les tablettes ont tous un rôle important à jouer. Cela pour faciliter la collecte des données, permettant aux pays de fournir des chiffres de haute qualité», expliquent les experts de la BM.

    Dans le cas de l’Algérie, beaucoup reste à faire dans ce domaine. Ce qui freine la maîtrise des dépenses publiques de lutte contre la pauvreté qui devrait se faire, selon Karim Silekhal «dans le cadre d’un système national efficace de gestion des finances publiques». L’expert propose à court terme, en attendant la mise en place d’un système statistique fiable, d’ «améliorer le suivi du plan des dépenses publiques allouées à la lutte contre la pauvreté. Comment ?

    A travers le déploiement et le développement d’un système de comptabilité intégré des collectivités locales et la mise en place d’un système technique informatisé de connexion entre les différentes entités et administrations impliquées dans les actions de solidarité et de lutte contre la pauvreté, pour permettre un ciblage et une meilleure orientation des aides vers des populations qui sont dans le besoin. Le tout à couronner par l’installation d’un observatoire national de lutte contre la pauvreté, tout en s’assurant de son opérationnalité Ce serait d’un grand apport pour plus de visibilité sur le phénomène», ajoute le professeur Silekhal.

    suite ........

  • #2
    Des enquêtes et des résultats contradictoires
    Un phénomène qui a fait l’objet de plusieurs enquêtes aux résultats contradictoires. Exemple : la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) a conclu en 2014 que plus de 24% de la population algérienne vit dans la pauvreté, alors que l’ONS a fait part de plus de 10 millions des ménages qui vivent mal ou qui ne disposent pas de revenus. Quels que soient les chiffres donnés çà et là, il est clair qu’aujourd’hui, le phénomène de la pauvreté est bien là.

    Il touche des pans entiers de la société dans les zones urbaines et rurales. Avec la dégradation du pouvoir d’achat et la dévaluation du dinar en cette période de crise, la situation va en s’empirant pour de nombreux algériens. «Nous recevons des demandes d’aide de la part de pères de famille qui touchent 20000 à 30 000 dinars par mois», nous raconte Hichem, jeune bénévole de l’association Ness El Kheir, au niveau de la wilaya d’Alger.

    Cela pour dire que même en étant salarié, on est bien exposés au risque de pauvreté dans une économie où l’inflation est loin d’être maîtrisée. Autre remarque, la pauvreté ne se limite plus aux zones rurales. «A travers nos sorties, nous avons remarqué que les gens dans le besoin sont de plus en plus nombreux dans les villes. Il n’y a qu’à voir l’ampleur du phénomène à Alger. Ailleurs, dans les villages éloignés, la situation est toute autre.

    La pauvreté est profonde», témoigne un autre jeune de l’association Sidra, qui nous donnera l’exemple d’une localité à Adrar, en l’occurrence Tamentit ( 250 km du chef-lieu de wilaya). Mais, à ce niveau, il est plus facile d’identifier les nécessiteux, puisque les gens se connaissent bien, contrairement aux villes. C’est le cas également en Kabylie, où le travail d’enquête est effectué par les comités de village.

    Voici ce que nous dira le maire de Tinebdar, dans la wilaya de Béjaïa: «Ce sont les comités de village qui arrêtent les listes des bénéficiaires des aides, qui sont actualisées chaque année», nous confiera-t-il, relevant l’impossibilité d’établir les chiffres. Pourquoi ? «Chacun a ses critères. Parfois, ceux fixées par le ministère de la Solidarité sont subjectifs». D’où, donc, cette complexité de définir la pauvreté. 

    Samira Imadalou (elwatan.com)

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