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Mouloud Hedir«Projet économique : le gouvernement se doit de jouer carte sur table»

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  • Mouloud Hedir«Projet économique : le gouvernement se doit de jouer carte sur table»

    Mouloud Hedir, économiste et ancien directeur du commerce extérieur :

    Reporters : Le gouvernement Sellal vient d’être remanié partiellement et a connu un changement important, notamment au niveau de ministères des Finances et de l’Energie. Quel sens politique et économique faut-il y voir ?

    Mouloud Hedir : Dans notre pays, c’est le président de la République qui est au cœur de toute l’architecture du pouvoir politique et économique. Je ne pense donc pas qu’il faille chercher un sens particulier à un mouvement opéré à la tête de quelques départements ministériels si importants fussent-ils. Ce mouvement prendrait du relief s’il était accompagné d’orientations nouvelles de la politique économique nationale. Face à la grave crise dans laquelle notre économie est en train de s’enfoncer, le pays attend des décisions courageuses sur des réformes de structure qui auraient dû être engagées de longue date et qui tardent à voir le jour. Tout le monde reconnaît, le gouvernement y compris, qu’il y a des décisions immédiates à prendre, mais jusque-là, il y a eu plus d’effets d’annonces que d’actes concrets sur le terrain. Deux années après le crash des prix pétroliers de 2014, c’est cet immobilisme qui semble de loin plus inquiétant que les effets stricto sensu de la crise, si désagréables fussent-ils.

    En d’autres termes, que peut bien vouloir dire de remplacer Abderrahmane Benkhalfa par Hadji Babaami et Salah Khebri par Noureddine Bouterfa dans un contexte général marqué par la contraction sérieuse de la ressource pétrolière et une conjoncture énergétique mondiale mauvaise et apparemment durable ?

    Il est vrai que derrière l’immobilisme actuel, on perçoit comme le vague espoir d’un retournement providentiel de la conjoncture pétrolière mondiale qui permettrait de dissiper les inquiétudes pour retourner à la gabegie dépensière. Le remaniement entretient pour un temps limité une illusion de changement, mais encore une fois, il faut s’efforcer à raisonner en termes institutionnels et laisser au second plan les questions de personnes. Pour l’immédiat, le principal problème auquel nous avons à faire face, c’est celui du déficit gigantesque qui affecte les comptes budgétaires de la nation, déficit qui est lui-même la résultante de l’effondrement des recettes de la fiscalité pétrolière. Cela fait longtemps que l’Etat algérien présentait des budgets avec des niveaux de déficits oscillant entre 15% et 30% du PIB, qu’il réussissait à couvrir, à travers une sorte de jeu d’écriture malsain, par le recours au FRR – le Fonds de régulation des recettes. Mais aujourd’hui, si l’on s’en tient aux derniers chiffres du ministère des Finances, le solde du FRR s’élevait à 856 Mds de DA à fin février 2016.
    Le plancher d’utilisation de ce solde étant fixé légalement à 740 Mds de DA, autant dire qu’à ce jour, les ressources de ce fonds sont complètement épuisées. Cette impasse budgétaire était tout à fait prévisible et dans ces conditions, la démarche institutionnelle saine, c’est celle qui aurait dû conduire le gouvernement à présenter devant l’APN un programme pluriannuel clair et précis de gestion des comptes publics, avec à la clé les réductions de dépenses et/ou, le cas échéant, le mode de financement des déficits. Comme il s’agit de décisions dures, tout un chacun, au sein du Parlement comme dans l’exécutif, aurait été ainsi appelé à prendre clairement ses responsabilités. Un tel processus est la condition indispensable pour créer le nécessaire consensus politique sans lequel il n’y a ni discipline budgétaire, ni maîtrise des dépenses et encore moins de réponses économiques appropriées à une crise violente dont les conséquences néfastes sont encore à venir. Sans un consensus minimal sur le fond, aucun ministre des Finances, si doué soit-il, ne peut être à la hauteur des responsabilités qui sont les siennes dans un contexte économique aussi perturbé.

    Sur les conséquences de cette contraction et sur les effets de la baisse des revenus énergétiques sur notre économie, quelles sont celles et ceux qui vous préoccupent davantage ? Et pourquoi ?

    A court terme, autrement dit sur les deux à trois prochaines années, les conséquences sont relativement bien identifiées. Elles concernent, d’une part, les ajustements à apporter aux équilibres du budget de l’Etat et, d’autre part, le traitement du déficit de la balance des paiements. Sur le volet budgétaire, le gouvernement se refuse depuis deux années à censurer la dépense publique, avec le souci a priori louable et justifié d’éviter les désagréments d’une chute brutale de l’activité économique et les perturbations du champ social et politique que cela n’aurait pas manqué de susciter. Cela fait dériver le niveau du déficit budgétaire pour l’année 2016, mais ce dernier pourra malgré tout être financé, en tout cas pour une bonne part, par recours à quatre types d’expédients : le siphonnage des dernières ressources du FRR ; la revalorisation du niveau de la fiscalité pétrolière, par l’effet du glissement du taux de change du dinar ; le recours à un emprunt obligataire national ; et enfin l’appel probable au financement monétaire de la Banque d’Algérie. Ce choix du gouvernement permet, certes, de maintenir une forme de statu quo jusqu’à fin 2016, mais cette solution ne pourra en aucune façon être reproduite pour l’année 2017. On peut présumer que les discussions du projet de loi de finances pour l’année prochaine seront extrêmement tendues et que le consensus fait d’immobilisme qui a été préservé jusqu’ici commencera à se fissurer dès la rentrée prochaine.

    S’agissant du volet lié au déficit de la balance des paiements, notre pays a la chance de disposer de réserves de change suffisantes au moins pour les deux années à venir, à la condition que, dans l’intervalle, un programme global et ambitieux de réformes puisse être affiché et qu’il puisse être conduit à bien de manière progressive, mais déterminée. Ce délai de latence qui est laissé à notre pays va-t-il être mis à profit, sachant que, comme pour un remake du scénario du début des années 1990, les réformes que notre pays ne saura pas conduire à bien de manière volontariste et graduée ne manqueront pas de lui être imposées en bout de course sous la pression externe, à travers un ajustement sauvage, brutal et socialement désastreux ?

    Notre pays saura-t-il tirer bénéfice de cette expérience dramatique qu’il a vécue dans sa chair ? De nombreuses voix raisonnables et lucides commencent, certes, à tirer la sonnette d’alarme et en appellent à l’urgence du changement.
    Mais, d’un autre côté, ce début de débat qui semble s’enclencher autour d’un recours possible à l’endettement extérieur (sous-entendu sans passage par la case «réformes») laisse penser que la partie corrompue du régime veut clairement pousser au pourrissement. A ces questionnements, nous devrions sans doute avoir des débuts de réponse au cours des prochains mois.
    Enfin, pour compléter le tableau, il faut souligner que l’enjeu essentiel n’est pas tant celui du court terme. Les meilleures analyses prospectives pour l’économie algérienne, à l’horizon 2030, laissent apparaître, notamment, que, compte tenu de l’évolution prévisible de la demande interne, notre pays ne sera plus exportateur de gaz que de manière très résiduelle.
    La capacité d’exportation de pétrole sera elle-même largement entamée. A cette date, il faudra bien que l’Algérie ait pu mettre sur pied une nouvelle économie réellement diversifiée et donc beaucoup moins dépendante de ses hydrocarbures. Une telle perspective ne s’improvise pas, elle requiert de la préparation en amont et c’est donc dès maintenant que des décisions majeures devraient être prises, en termes d’investissements productifs, d’infrastructures humaines et matérielles et d’organisation. Il est triste de constater que ce débat vital n’est toujours pas sérieusement à l’ordre du jour.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Pour l’atténuation de la crise, des scénarii avancés par des experts préconisent une rupture rapide d’avec le «tout import», avec la politique des subventions et celle des transferts sociaux à outrance. Pour le «tout import» des mesures sont en vigueur depuis plus d’une année déjà. Pensez-vous qu’elles sont suffisantes ? Pour les subventions et transferts sociaux, comment procéder efficacement et sans casse sociale ?

    Cette référence au «tout import» est avant tout symptomatique de l’indigence de nos analyses et trahit surtout l’absence d’un projet de développement économique et d’une vision de ce que devrait être notre pays au cours des prochaines décennies. Les véritables menaces qui pèsent sur notre économie, comme elles pèsent du reste sur celles de tous les pays du monde, y compris les plus développés d’entre eux, sont d’abord d’ordre externe, elles sont liées à un monde qui mue à grande vitesse, un monde dans lequel l’innovation et le progrès technique sont en train de redistribuer toutes les cartes, où toutes les économies doivent apprendre à apprivoiser leur interdépendance et où les contraintes du dérèglement climatique précipitent partout les décisions vers une transition énergétique incontournable. Pendant ce temps-là, nous en sommes encore en Algérie à débattre à l’infini sur qui doit importer quoi et sur la façon de consommer les revenus d’exportation de plus en plus maigres que nous tirons des seules richesses de notre sous-sol. On ne peut pas continuer à bricoler tous les six mois notre législation sur le commerce extérieur. Il faut ouvrir les yeux : depuis plus de vingt ans que l’OMC est devenue une organisation universelle, ce type de problèmes est définitivement réglé pour tous les pays du monde. Dans un contexte mondial d’interdépendance des économies, les règles affectant les échanges commerciaux et l’investissement sont partout un objet de négociations internationales. Plutôt donc que cette guerre larvée autour de la répartition de maigres marchés à l’importation, nos autorités devraient se focaliser plutôt sur la compétitivité de nos entreprises, sur les stratégies d’investissement et de conquête de marchés et sur l’insertion la plus harmonieuse possible de notre économie dans le système des échanges mondiaux. S’agissant de ce problème des subventions, il éclaire parfaitement le piège dans lequel notre pays s’est enferré.
    D’un côté, en effet, notre système de subventions lui-même n’est absolument plus soutenable, il est antiéconomique, injuste et source de gaspillages intolérables, mais de l’autre, il est comme une planche de survie pour la catégorie sociale la plus défavorisée de notre population. La solution raisonnable passe par un meilleur ciblage des aides, mais cela suppose une gouvernance performante qui, malheureusement, fait aujourd’hui défaut. La sortie du système des subventions est indissociable d’un renouveau de notre système politique.

    Sur le désir présumé du gouvernement, obligé par la réalité économique mais freiné par les contingences et les contraintes politiques et la crainte d’un choc social d’aller vers la réalité des prix, quelle marge de manœuvre a-t-il réellement ? Pensez-vous comme certains économistes que le relèvement des prix des produits énergétiques tels que ceux du carburant, de l’électricité et du gaz est inévitable, voire prioritaire pour adoucir les effets de la crise ? Y-a-t-il d’autres alternatives ou marges de manœuvre qu’un retour progressif à la réalité des prix ?

    Cette question de vérité des prix est agitée dans notre pays comme un épouvantail pour esprits sclérosés. Si je prends un secteur comme celui des produits alimentaires, il faut savoir que les plus grands pays développés, à leur tête les USA et l’Union européenne, consacrent annuellement des budgets faramineux pour soutenir leur secteur agricole et c’est du reste en partie par cette voie qu’ils ont assis une domination écrasante sur l’agriculture mondiale. Le drame, chez nous, ce n’est pas le système de subvention en lui-même, mais le fait qu’il ne soit pas orienté en direction du système productif, mais vers la consommation et qu’il fonctionne ainsi comme une prime supplémentaire versée aux exportateurs étrangers. Pour citer l’exemple des laits ou des céréales, le paysan algérien est confronté à des producteurs européens, américains ou néozélandais qui, eux, reçoivent des subventions énormes de leur Etat, à la production et à l’exportation. A cela s’ajoutent les subventions à la consommation gracieusement consenties par l’Etat algérien, un dinar surévalué et tout le réseau commercial d’un monopole public mis à la disposition de ces produits importés. Ainsi, pour l’analyste économique, au-delà de ses effets de distorsion sur nos marchés et des gaspillages immenses qu’il génère, le problème posé par notre système de subvention, dans sa configuration actuelle, c’est qu’il fonctionne, dans la pratique, comme un obstacle rédhibitoire pour la production agricole en Algérie. On peut faire la même analyse pour les produits énergétiques, puisque chacun sait maintenant que les mécanismes de fixation de leurs prix sont, dans la pratique, de véritables machines destructrices pour la Sonelgaz et la Sonatrach, deux des plus précieuses entreprises du pays. Dans ces conditions, le démantèlement de cette forme de subventionnement, qui alimente notre dépendance et qui est funeste pour notre économie, est à considérer comme une urgence nationale absolue. Bien entendu, une fois que ce postulat de base sera admis officiellement, c’est tout le pays qui devra s’interroger sur les voies les moins injustes et les moins douloureuses de sortir de ce sinistre guêpier dans lequel il s’est lui-même fourré. C’est certainement là le défi majeur des autorités algériennes au cours des prochaines années.

    Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a annoncé un «nouveau modèle économique». En termes doctrinaux, disons, on connaît peu de choses de ce modèle. En pratique, on sait, en revanche, que le gouvernement avance des mesures : il souhaite amender le régime des retraites, il entend faire passer son projet de code de l’investissement, notamment pour mettre fin à la règle 51/49 et au droit de préemption de l’Etat sur l’investissement, et il prépare une nouvelle loi sur les relations de travail. S’agit-il là d’un modèle économique ? Sur toutes les mesures qu’on vient d’énoncer, quelles sont celles à ne pas négocier selon vous ?

    Il est difficile de commenter des textes que l’on n’a pas lus. Cette annonce d’un nouveau modèle économique était comme une petite lueur d’espoir au cours des derniers mois. On se disait que nos dirigeants avaient commencé par ouvrir les yeux, qu’ils prenaient conscience des menaces pesant sur le pays et sur son économie et qu’ils étaient disposés enfin à réagir. Force est de croire que nous n’y sommes pas encore. Notre Code des investissements a été déjà changé substantiellement onze fois au cours des seize dernières années. Cette nouvelle mouture n’est que la douzième. Tout cela pour souligner que le changement de modèle économique ne peut pas se résumer à une liste d’actions nouvelles, si pertinentes soient-elles, à mener dans tel ou tel domaine. Ce que le pays attend, c’est un cap qui soit fixé aux entreprises algériennes, autour duquel toutes les énergies pourront se mobiliser, et qui permette d’enclencher enfin une dynamique ambitieuse de croissance. Il s’agit avant tout de penser à donner de l’espoir à notre jeunesse, surtout pas à «sauver les meubles».

    A suivre actuellement le débat à l’APN sur la règle 51/49 et le droit de préemption, il semble que de nombreux parlementaires, notamment de la majorité, ne sont pas enthousiasmés par la suppression de la «51/49» et du «droit de préemption».Quel commentaire cela vous inspire ?

    La crise économique et financière qui nous frappe est un sujet grave et sérieux. Quand bien même ses solutions seraient indiscutables, le gouvernement serait avisé de les partager, de les soumettre à discussion et de faire ainsi œuvre pédagogique. Son projet économique, dans la mesure où il en a un, n’a pas vocation à rester secret. Comme tous les citoyens, les parlementaires ont besoin de comprendre où va leur pays. C’est là un débat essentiel qui ne peut pas être «saucissonné» ni dilué à travers une multitude de textes ou d’amendements apportés à telle ou telle législation. Comme il faudra, dans tous les cas, s’attendre à des mesures socialement douloureuses au cours de cette année et de celle qui arrive, le gouvernement se doit de jouer «cartes sur table». Il ne pourra pas, du reste, refuser aux députés le débat qu’il a essayé, même vainement, d’engager avec les acteurs économiques et sociaux lors de la dernière tripartite.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      Sur l’accord d’association avec l’UE, vous estimez, contrairement à d’autres, qu’il n’a pas été jusqu’ici préjudiciable à l’Algérie : «La part des pays de l’Union européenne dans les importations algériennes s’est sensiblement réduite au profit de quelques pays émergents et la part de l’UE dans les exportations de l’Algérie a fortement augmenté et se situe aujourd’hui à un niveau proche de 70%», disiez-vous récemment. Vous disiez aussi que lors de la réévaluation prochaine de l’accord, il sera difficile à la partie algérienne de faire valoir l’argument commercial et même budgétaire alors qu’on est en crise. Comment cela ? A quand une véritable analyse d’impact de l’accord d’association. Et, si elle a lieu, sur quoi doit-elle être faite précisément ?

      Je voudrai d’abord préciser que les commentaires auxquels vous faites référence sont tirés d’un travail que j’ai réalisé à la demande du think-tank algérien Care, consacré aux enjeux des négociations en cours sur l’accord d’association. Le résultat de ce travail a été transmis officiellement aux autorités algériennes concernées. Mes analyses sur le volet commercial de l’accord d’association sont tirées des statistiques publiques de nos échanges. Il est loisible à tout un chacun de les consulter et de les analyser. Au cours des dix dernières années, la part de l’Union européenne dans nos importations a baissé, celle de nos exportations dans cette direction a quant à elle augmenté. L’accord d’association n’a donc pas eu, jusqu’ici en tout cas, d’effet majeur de détournement des flux de nos importations. A l’inverse, la Chine, à laquelle ne nous lie aucun accord commercial préférentiel, a vu bondir ses exportations vers l’Algérie. En faisant cette remarque, j’entends par là que notre problème de fond est celui de la faiblesse extrême de notre système de production, il n’est pas dans les mécanismes de cet accord que notre pays a dûment signé et ratifié. Il est vrai que l’effet attendu de cet accord était, dès le départ, celui d’attirer des flux consistants d’IDE européens au sein de notre économie. Les IDE massifs attendus ne sont pas là, il faut le souligner, mais, dans le même temps, nous pouvons difficilement nous plaindre, sachant tous les obstacles que nous dressons nous-mêmes, aussi bien face aux investisseurs étrangers que pour les nationaux. Enfin, s’agissant d’évaluation, il est consternant de constater que notre pays n’a produit, jusqu’ici, aucune évaluation officielle des résultats de cet accord commercial majeur qu’il a signé, puis mis en œuvre depuis 2005, avec la première puissance économique mondiale. La seule évaluation disponible à ce sujet a été réalisée en 2009 par les soins d’experts européens, financés par l’Union européenne. Cette évaluation publique, qui peut être consultée sur le site web de la délégation de l’UE à Alger, a mis en lumière plusieurs dysfonctionnements. A priori, aucune autorité officielle n’a fait de commentaires à ce sujet, tout au moins publiquement.

      Les nouvelles sur le processus de négociation avec l’OMC se font étrangement rares. Est-ce un signe de renoncement ? Avec quelles conséquences ?

      La candidature algérienne pour l’entrée au GATT, puis à l’OMC, formulée il y a de cela 27 ans, est un processus en totale déshérence. Formellement, cette candidature est toujours valide, mais, dans la pratique, la négociation est au point mort, depuis longtemps déjà. Et comme là aussi, aucune autorité officielle ne s’est exprimée jusqu’ici pour expliquer les raisons du blocage ou mettre en avant les réserves ou les obstacles de fond qui empêchent l’Algérie d’avancer, cette situation est très désobligeante, elle donne de nous l’image d’un pays qui ne sait pas vraiment ce qu’il veut.
      Et sur le fond, aucun analyste ne peut comprendre que notre pays accepte de libéraliser totalement le régime de ses échanges avec l’Union européenne, c'est-à-dire avec la première puissance économique au monde, lui ouvrant complètement son marché interne et allant jusqu’à démanteler ses tarifs douaniers, et dans le même temps, refuser au reste du monde un régime commercial beaucoup moins contraignant. Au surplus, comme le partenaire européen représente plus de 50% de nos échanges globaux et comme l’accord d’association prévoit explicitement que ce sont les règles de l’OMC qui s’appliquent à ces échanges, notre situation est devenue franchement kafkaïenne : nous appliquons ainsi les accords de l’OMC avec l’Union européenne, mais refusons tout engagement formel vis-à-vis du reste de nos autres partenaires. Imaginer après tout cela que l’Algérie puisse entreprendre de quelque manière que ce soit une politique sérieuse de diversification de ses exportations, sans un accord dûment négocié au sein de l’OMC, c’est se tromper très lourdement.

      Un mot de prévision pour la fin 2016 et l’année 2017 ?

      L’état actuel de notre économie est très préoccupant. Notre système de production est rachitique, ses performances sont d’une faiblesse inacceptable et cela ne tient ni au prix du pétrole, ni à nos ressources humaines ou matérielles, ni au potentiel de notre marché. C’est un pur problème d’organisation. Notre économie s’est organisée jusqu’à maintenant pour consommer une rente née d’une dotation naturelle de son sous-sol. Avec le temps, nous nous sommes tellement complus, dans ce mode de gestion de notre économie, que nous avons fini par perdre le sens des réalités : nous en sommes arrivés à intégrer, consciemment ou non, ce concept bizarre du «prix du pétrole qui équilibre notre budget», comme si la vocation du reste du monde était de pourvoir à nos besoins de dépenses et à notre bien-être. Tant que nous n’ouvrirons pas les yeux sur la réalité de nos faiblesses, que nous ne procéderons pas aux réformes structurelles de cette organisation économique surannée, les choses ne feront qu’empirer. Et, dans le même temps, tant que notre pays ne se dotera pas d’un projet de développement économique ambitieux, en phase avec l’état du monde tel qu’il est, et tant qu’il ne se donnera pas un cap clair autour duquel mobiliser ses énergies, aucune réforme sérieuse ne pourra être menée à bien.
      L’année économique 2016 aura été une année d’inaction, malgré une crise qui s’aggrave et tous les clignotants passés au rouge. L’année 2017 se présente comme beaucoup plus menaçante. Il faut attendre le débat budgétaire de la rentrée prochaine pour voir si nos autorités vont enfin commencer à bouger et si elles prennent réellement la mesure des menaces qui frappent à nos portes. En bref, si le pays persiste dans son immobilisme actuel, il faudra s’attendre au pire. Mais s’il se réveille et se remet au travail, ses difficultés économiques n’ont rien d’insurmontables et tous les espoirs lui sont permis.


      Nordine Azzouz-reporters.dz
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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        • #5
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