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Litterature / «Un incendie au paradis !» d’Amin Zaoui : Un roman, un témoin de l’époque

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  • Litterature / «Un incendie au paradis !» d’Amin Zaoui : Un roman, un témoin de l’époque

    Les temps changent. Le monde a changé et Amin Zaoui le sait très bien. Dans son nouvel ouvrage, il convoque bien souvent le passé pour aborder le présent, mais il nous propose toujours un regard critique et constructif. Ce n’est pas un «avant c’était mieux» lapidaire et dénué de sens, c’est plutôt une invitation à reconsidérer notre lecture et notre compréhension de l’histoire, du passé, pour améliorer notre présent.

    «La vie a besoin d’utopie pour souffler le sens du rêve dans les jours et dans les mots», souligne Amin Zaoui dans un des textes de son recueil de chroniques (publiées initialement pour la plupart dans le quotidien «Liberté» dans sa chronique hebdomadaire «Souffles»), écrites entre 2014, 2015 et 2016 (on y retrouve également un texte datant de 2009 et un autre de 2012), et parus aux éditions Tafat dans la collection Essai. Certes, plus que jamais, la vie a besoin d’utopie, nous avons besoin de rêve, de cultiver le rêve, d’aspirer au paradis en agissant au présent pour construire l’avenir, le paradis qui, pour Amin Zaoui, se trouve dans les livres. Lire, donner à lire dans un esprit de partage, comprendre le monde, concevoir la différence de l’Autre comme une source de richesse, revendiquer ses identités, démarrer de sa propre spécificité pour s’inscrire dans l’universel… ce sont-là quelques-unes des belles et nobles idées qui se dégagent de l’écriture d’Amin Zaoui dans cet ouvrage. S’il s’adapte parfois à l’actualité (réfugiés, fatwas contre des intellectuels et artistes, Daesh…), il explore surtout les contradictions et le rapport à la modernité, à la religion et au «vivre-ensemble» de l’Algérie et du monde arabo-musulman. Il rend également hommage au génie populaire, à la littérature, aux passeurs (comme dans le texte «Celui qui a ‘mangé’ une bibliothèque !» qu’il consacre à un bibliothécaire) et aux artistes, écrivains et intellectuels (Assia Djebar, Mohamed Boudia, Jacques Derrida, Adonis, Ibn Rochd...). Au fil des chroniques, l’auteur déconstruit les mythes et aborde sans ambages des thèmes si chers à son cœur comme le rapport à la femme (et au corps de la femme), à ses doits et ses libertés ; l’islam politique qu’il considère comme le mal absolu qu’importe l’appellation que choisissent ses porte-voix ; la citoyenneté et la modernité dont la réalité dépend d’une autre vision du passé et de l’histoire. Et de l’histoire, il y en a dans les textes d’Amin Zaoui, notamment l’histoire de la littérature et celle du sort réservé aux intellectuels et aux poètes. Tuer le poète a été, à chaque époque, une manière de taire la vérité, de réduire en cendres les utopies et les paradis. Mais les histoires ont traversé les âges ; on se souvient des poètes, mais généralement pas du bourreau. Outre son point de vue sans concession sur l’école, sur le lecteur d’hier et d’aujourd’hui (pour lui, autrefois en tant que lecteur, on accordait plus de place au rêve, alors qu’aujourd’hui on «cherche une rencontre avec la mort») et par ricochet sur l’éditeur d’hier et d’aujourd’hui, sur les difficultés liées au «vivre-ensemble», les déboires de l’intellectuel et l’inefficacité de son discours dans une société qui ne lit pas, l’auteur de «Le Miel de la sieste» réserve quelques textes à la langue, au statut des langues en Algérie et les différentes représentations liées aux langues en usage en Algérie. Mais ce qu’il réussit très bien, c’est sa manière de célébrer l’imaginaire, de se positionner comme un conteur qui nous raconte des histoires : Qays et Laïla ou Moufdi Zakaria et Houari Boumediene par exemple. Car même dans un recueil de chroniques, «Les Mille et Une nuits» habitent les textes d’Amin Zaoui qui, petit, écoutait des histoires «de batailles, de rois et d’éléphants»…
    L’écoute est un des meilleurs (et premiers) moyens d’accéder au savoir. L’écrivain-chroniqueur livre une part de son univers romanesque et de ses engagements dans cet ouvrage. Il est le témoin de son époque, complètement dans son rôle d’intellectuel qui tente d’apporter un regard critique sur sa société et sur le monde qui l’entoure. Un monde qui fait face à de grands changements et des réalités douloureuses. Tout en saluant l’intransigeance et le courage d’Amin Zaoui, on peut tout de même s’interroger sur l’efficacité de son discours et du discours des intellectuels de manière générale.
    Que peut l’intellectuel aujourd’hui ? Quelle est la portée de son propos ?
    S’il y a bien une rupture et des difficultés, comme le rappelle l’auteur de «La Chambre de la vierge impure» dans au moins deux de ses chroniques, il est important de continuer à critiquer, commenter, pointer du doigt, diagnostiquer les problèmes, appuyer sur la plaie jusqu’à la faire saigner… parce que les écrits restent et qu’il n’est jamais vain pour le poète de dire sa vérité.

    • «Un incendie au paradis ! Femmes, religions et cultures» d’Amin Zaoui. Essai, 216 pages, éditions Tafat. 500 DA.



    Sara Kharfi-reporters.dz
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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