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Des océans bientôt vides de poissons ?

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  • Des océans bientôt vides de poissons ?

    La FAO tire la sonnette d'alarme face au pillage des océans. Un tiers des poissons sont surexploités. La pêche industrielle est dans le collimateur.


    Bientôt, Le Monde du silence du commandant Cousteau sera réellement silencieux, mortellement silencieux. D'après le dernier rapport de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), 31,4 % des stocks de poissons dans le monde sont surexploités. Le tiers ! Cette surexploitation signifie que les espèces de poissons concernées n'ont pas le temps de se reproduire pour maintenir leur effectif à l'équilibre. Le phénomène est trois fois plus important qu'il y a 40 ans.

    La pêche industrielle s'en moque, à partir du moment où elle a amorti sa flotte de navires. Le reste n'est que bénéfices. Et, quand les poissons disparaîtront, les armateurs se tourneront vers une autre activité lucrative. En revanche, les populations locales, qui dépendent de la pêche artisanale, n'auront plus qu'à rejoindre la cohorte de malheureux dépendant de l'aide alimentaire mondiale. « Les pressions exercées par l'industrie de la pêche sur les océans constituent une menace pour la sécurité alimentaire des populations des pays en développement et également pour la santé des océans. Pour parvenir à une politique de pêche équitable et durable, un changement radical de la réglementation est nécessaire », dénonce Isabelle Autissier, présidente du WWF France.

    L'homme mange plus de 20 kilos de poissons par an

    Le spectre d'un océan vide ne freine pas la pêche mondiale puisque les prises ont augmenté de 7,7 millions de tonnes par an ces dernières années, soit une augmentation de 15 % en seulement quatre ans. Un record dont personne ne doit être fier. Joséphine Labart, responsable du projet pêche durable au WWF, n'a plus que ses yeux pour pleurer : « Les chiffres références de la FAO témoignent plus que jamais de l'urgence d'agir pour préserver à la fois une ressource alimentaire indispensable à plus de trois milliards de personnes mais également des emplois et toute une économie. »
    Pour la première fois, la consommation mondiale de poissons a dépassé 20 kilos par an et par habitant. En Europe, les Portugais sont les champions avec 57 kilos par an, loin devant les Français avec 35 kilos par an. Bref, selon la FAO, en 2014 (dernier chiffre connu), la capture annuelle a atteint 934 millions de tonnes. La pêche au colin est passée pour la première fois devant celle à l'anchois. Mais cette performance doit être mise sur le compte d'une bonne gestion des ressources par les Américains. Quatre espèces ont également connu des prises record : les thons, dont le pillage se poursuit dans le Pacifique, les homards, les crevettes et les céphalopodes. Les mers du monde sont sillonnées par 4,6 millions de navires, dont 90 % se cantonnent aux eaux asiatiques et africaines. Mais les principales prises sont à mettre sur le compte des 64 000 navires industriels de plus de 24 mètres de long.

    Si l'homme tire actuellement 6,7 % de ses protéines de l'océan, celles-ci filent majoritairement vers les pays riches. Ainsi, selon la FAO, les pays en voie de développement ont tiré en 2014 un revenu de 80 milliards de dollars de la vente de son poisson et de ses droits de pêche. Le souci est de savoir dans quelles poches tombe cette manne. Certainement pas dans celle du petit pêcheur qui ne trouve plus rien à pêcher après le passage des étrangers, chinois ou européens. La pêche illégale n'a jamais tant prospéré au large de l'Afrique de l'Ouest.

    Les Huns des océans

    Un groupe de réflexion britannique spécialisé dans le développement vient de publier un rapport alarmant. « Les poissons pêchés illégalement en Afrique de l'Ouest sont transportés dans des conteneurs géants réfrigérés et mélangés à d'autres cargaisons pour échapper à des contrôles en Europe », dénonce Alfonso Daniels, un des auteurs. Les chalutiers géants battant pavillon chinois ou sud-coréen sont à la fête. Ils pratiquent une pêche de fond très destructrice, faisant d'eux les Huns des océans. Durant un mois, à l'automne 2014, le navire de Greenpeace, l'Esperanza, a croisé au large du Sénégal, de la Guinée-Bissau et de la Guinée. Son équipage a relevé 16 cas de pêche illégale en zones interdites, impliquant 12 navires. Soit 23 % des navires chinois croisés. Et près de 70 % d'entre eux n'avaient pas activé leur système d'identification automatique.

    Plus près de nous, la Méditerranée est dans un état proche de l'anorexie piscicole. C'est la Commission européenne qui le dit. À l'ouest, entre la mer Tyrrhénienne et les côtes espagnoles, 96 % des stocks de poissons sont surexploités. Les pêcheurs prélèvent six fois plus de merlans bleus, de baudroies, de rougets et de merlus que raisonnable pour le maintien de l'espèce. La bouillabaisse a un goût amer. Du côté de Chypre et de la Crète, c'est à peine moins pire, avec 91 % de surpêche. Quant à la zone centrale de la Méditerranée, c'est encore plus dramatique avec la ruée des pêcheurs de toutes origines. « Des pratiques pareilles n'existent nulle part ailleurs en Europe, commente Stephan Beaucher, l'un des porte-parole de MedReAct (coalition des ONG et consultants spécialisés). Dans l'Atlantique, un taux de surpêche de 1,5 est déjà considéré comme grave ! Là, c'est le signe que tout le monde fait ce qu'il veut. »

    Oui, manger du poisson, c'est bon pour la santé ! Mais pour celles et ceux qui peuvent s'en offrir et pour combien de temps encore ?

    le point
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