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À chaque génération un peuple nouveau?

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  • À chaque génération un peuple nouveau?

    «Le peuple a parlé.» On a beaucoup entendu cette phrase dans la foulée du référendum du 23 juin sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Mais bien des jeunes Britanniques ont dû se demander de quel peuple on parlait.

    Leur «peuple» à eux est cosmopolite, urbain, européen, hyper-branché… Le «peuple» qui a voté pour la sortie est plus âgé, plus pauvre, plus rural, moins multiculturel.

    Que voilà une manifestation claire de la célèbre phrase du penseur français Alexis de Tocqueville, qui date pourtant du XIXe siècle: «Dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau.»

    Bien sûr, les jeunes vivent sur le même territoire que leurs aînés. Bien sûr, ils sont soumis aux mêmes lois et partagent une langue commune. Mais forment-ils encore un «peuple» avec eux? Partagent-ils une civilisation commune? Une communauté de destins? Une même origine ethnique? Une même religion? Tous ces éléments qui faisaient partie hier encore de la définition d’un peuple sont aujourd’hui mis à mal par les transformations démographiques et l’explosion des modes de communication.

    Les jeunes Anglais urbains ont souvent plus en commun avec les jeunes de Milan ou de Francfort qu’avec leurs concitoyens des zones rurales touchés par le chômage et effrayés de ne plus se sentir chez eux dans leur pays.

    Ce peuple qui a rejeté l’Union, les jeunes le connaissent peu, ou mal. Et parfois, ils le méprisent. Les algorithmes qui leur transmettent sur Internet toujours plus d’opinions avec lesquelles ils sont d’accord leur enlèvent-ils l’occasion de comprendre cet «autre» aux côtés de qui ils vivent et qui ne pense pas comme eux? La démocratie référendaire vient de leur rappeler qu’ils ont eu tort de négliger l’opinion de ces gens attachés à leur identité.

    Les jeunes Britanniques ne sont toutefois pas les seuls dont le pays est déchiré par des tensions similaires. Les prochains mois seront riches en manifestations de cette fracture, qu’il s’agisse de l’élection présidentielle états-unienne — traversée par des tentations protectionnistes — ou de la perspective que l’Écosse quitte le Royaume-Uni pour rester dans l’Union.

    Les fêtes nationales — Canada le 1er juillet, États-Unis le 4, France le 14 — alimenteront bien des conversations entre jeunes et moins jeunes.

    Les souverainistes du Québec ne le savent que trop bien, eux qui peinent à susciter chez les nouvelles générations de l’enthousiasme pour leur projet d’indépendance.

    Les plus jeunes n’ont pas connu l’oppression linguistique et économique. Ils n’ont pas vu leurs parents être humiliés par le contremaître unilingue anglais. Ils n’ont pas vibré à 20 ans dans les grands rassemblements de la Fête nationale. La diversité culturelle ne les effraie pas. Leurs expériences formatrices à l’adolescence ont peu à voir avec la survie du peuple francophone d’Amérique… et beaucoup avec une hyper-connectivité mondiale. Ils sont un peuple nouveau.

    Justin Trudeau incarne pour eux nombre des valeurs auxquelles il fait bon s’associer: le bilinguisme, l’égalité des sexes, la défense de l’environnement, l’internationalisme, l’ouverture à l’autre, la diversité culturelle et sexuelle, même la famille nombreuse! Le Canada, à bien des égards, a le vent dans les voiles. Même si sa loi C-20 — qui ne reconnaîtrait pas automatiquement la validité d’un référendum gagné à 50 % + 1 — semble aujourd’hui bien peu démocratique en comparaison de l’expérience britannique. Dure, dure, la démocratie.

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