LE FAIT DU JOUR. Entretien avec Farhad Khosrokhavar, professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, après l'attentat de Nice.
Spécialiste des questions de radicalisation et de djihadisme, Farhad Khosrokhavar est professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Il estime que l'attentant de Nice ouvre la voie à un nouveau genre de terrorisme.
Spécialiste des questions de radicalisation et de djihadisme, Farhad Khosrokhavar est professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Il estime que l'attentant de Nice ouvre la voie à un nouveau genre de terrorisme.
A-t-on affaire à un nouveau profil de terroriste ?
FARHAD KHOSROKHAVAR. Oui, cela n'a rien à voir avec ce qu'on a connu ces derniers temps. Les terroristes étaient directement télécommandés par Daech, ils avaient fait des voyages en Syrie et étaient lourdement armés. Là, il n'y a rien de tout ça. Même si l'Etat islamique a revendiqué l'attentat, il n'y a, jusqu'à preuve du contraire, rien qui lie Mohamed Lahouaiej Bouhlel à cette organisation terroriste. Son acte ne semble pas lié à une radicalisation religieuse. Le modus operandi est le même que celui utilisé par Daech, mais les motivations ne sont pas les mêmes. On sait qu'il était dépressif, qu'il avait une instabilité mentale. Tout ça a été précipité avec l'épisode de son divorce. Il s'est engagé dans une aventure de vengeance contre la société. C'était un acte de violence massive. De la violence brute.
Comme pour l'attentat dans la boîte de nuit à Orlando aux Etats-Unis ?
Il y a des similitudes. Omar Mateen, le terroriste d'Orlando, avait aussi une soif de vengeance : il voulait laver son homosexualité en tuant des homosexuels. Mais il y a quand même une grosse différence : quelques heures avant de passer à l'acte, il avait prêté allégeance à Daech. Comme pour le terroriste qui a tué un couple de policiers à Magnanville dans les Yvelines. Il a beau avoir agi seul, il avait lui aussi mentionné l'Etat islamique.
Si Daech n'avait pas existé, le terroriste de Nice serait quand même passé à l'acte ?
Pas forcément, parce que les gens psychologiquement instables, comme lui, sont très influençables par leur environnement. Or, avec la multiplication des attentats de janvier et novembre 2015, cela a créé un contexte particulier. Et il a dû s'en inspirer. Cela n'a rien d'idéologique. Parce qu'il est instable mentalement. Avant, les gens dépressifs se suicidaient. Maintenant, l'environnement créé par Daech les pousse certainement à agir ainsi. Le terroriste de Nice s'est dit : « Moi aussi je peux faire comme eux. » Daech a indirectement contribué à ce comportement.
Cela signifie-t-il que la typologie des terroristes est encore amenée à évoluer ?
Certainement, tant qu'il y aura des gens fragiles psychologiquement. Et il faudra faire attention à ne pas attribuer automatiquement ces actes de violence à l'Etat islamique. Ça peut être dangereux parce qu'on lui accorde une puissance qu'il n'a pas.
Le Parisien
Spécialiste des questions de radicalisation et de djihadisme, Farhad Khosrokhavar est professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Il estime que l'attentant de Nice ouvre la voie à un nouveau genre de terrorisme.
Spécialiste des questions de radicalisation et de djihadisme, Farhad Khosrokhavar est professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Il estime que l'attentant de Nice ouvre la voie à un nouveau genre de terrorisme.
A-t-on affaire à un nouveau profil de terroriste ?
FARHAD KHOSROKHAVAR. Oui, cela n'a rien à voir avec ce qu'on a connu ces derniers temps. Les terroristes étaient directement télécommandés par Daech, ils avaient fait des voyages en Syrie et étaient lourdement armés. Là, il n'y a rien de tout ça. Même si l'Etat islamique a revendiqué l'attentat, il n'y a, jusqu'à preuve du contraire, rien qui lie Mohamed Lahouaiej Bouhlel à cette organisation terroriste. Son acte ne semble pas lié à une radicalisation religieuse. Le modus operandi est le même que celui utilisé par Daech, mais les motivations ne sont pas les mêmes. On sait qu'il était dépressif, qu'il avait une instabilité mentale. Tout ça a été précipité avec l'épisode de son divorce. Il s'est engagé dans une aventure de vengeance contre la société. C'était un acte de violence massive. De la violence brute.
Comme pour l'attentat dans la boîte de nuit à Orlando aux Etats-Unis ?
Il y a des similitudes. Omar Mateen, le terroriste d'Orlando, avait aussi une soif de vengeance : il voulait laver son homosexualité en tuant des homosexuels. Mais il y a quand même une grosse différence : quelques heures avant de passer à l'acte, il avait prêté allégeance à Daech. Comme pour le terroriste qui a tué un couple de policiers à Magnanville dans les Yvelines. Il a beau avoir agi seul, il avait lui aussi mentionné l'Etat islamique.
Si Daech n'avait pas existé, le terroriste de Nice serait quand même passé à l'acte ?
Pas forcément, parce que les gens psychologiquement instables, comme lui, sont très influençables par leur environnement. Or, avec la multiplication des attentats de janvier et novembre 2015, cela a créé un contexte particulier. Et il a dû s'en inspirer. Cela n'a rien d'idéologique. Parce qu'il est instable mentalement. Avant, les gens dépressifs se suicidaient. Maintenant, l'environnement créé par Daech les pousse certainement à agir ainsi. Le terroriste de Nice s'est dit : « Moi aussi je peux faire comme eux. » Daech a indirectement contribué à ce comportement.
Cela signifie-t-il que la typologie des terroristes est encore amenée à évoluer ?
Certainement, tant qu'il y aura des gens fragiles psychologiquement. Et il faudra faire attention à ne pas attribuer automatiquement ces actes de violence à l'Etat islamique. Ça peut être dangereux parce qu'on lui accorde une puissance qu'il n'a pas.
Le Parisien
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